L’évangélisation
 
 
La Congrégation pour la doctrine de la foi vient de publier une Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation.

 

Cette note veut clarifier la notion d’évangélisation par rapport à celle de prosélytisme, en particulier dans les relations avec les chrétiens non catholiques.

 

Elle rappelle le commandement missionnaire du Christ puis les grands traits d’une anthropologie chrétienne pour en tirer les conséquences sur le plan ecclésiologique (la mise en œuvre de la mission évangélisatrice) et œcuménique (les relations avec les chrétiens non catholiques).

 

L’anthropologie décrite est celle d’une liberté humaine ordonnée au bien et à la vérité. Tout exercice de cette liberté qui n’aboutirait pas à la découverte de la vérité et à une vie bénéfique serait « désordonnée », c’est-à-dire déviée de ses finalités.

 

A d’autres époques, l’anthropologie convoquée pour étayer la doctrine catholique partait de la recherche de la vérité et du bien, dont la liberté était une condition. Dans le contexte social actuel, il est jugé préférable de partir de la liberté, qui est revendiquée comme un droit de la personne humaine devant l’emprise sur les consciences individuelles des groupes sociaux, qu’ils soient d’ordre politique, religieux ou culturel.

 

L’évangélisation revêt trois significations :

-          la mission générale de l’Eglise, la « pastorale »,

-          l’annonce de l’Evangile aux personnes qui ne le connaissent pas, (« missio ad gentes »)

-          l’approfondissement de l’Evangile pour les catholiques (le « nouvelle évangélisation » prônée par le pape Jean Paul II).

 

Une quatrième signification parcourt le texte en pointillé : l’annonce de la totalité de l’Evangile aux chrétiens non catholiques. Il ne s’agit pas, en effet, de porter un témoignage de vie qui aboutirait à leur présenter un jour le message et la personne du Christ, mais plutôt comment dans l’Eglise catholique on célèbre la foi au Christ et l’enseigne.

 

Cette dernière signification suppose que la vérité plénière de l’Evangile est portée par l’Eglise catholique uniquement.

 

Pour décliner cette notion d’une vérité plénière, s’opposent deux conceptions de la vérité :

-          celle d’une vérité plurielle, obtenue par l’échange de groupes et d’individus exprimant la diversité (« il y a plusieurs maisons dans la maison de mon Père »),

-          celle d’une vérité unique, à laquelle adhérent certains et dont s’approchent d’autres (« la vérité est une »).

 

Cette conception de la vérité relève d’une vision propre de la recherche spirituelle et de la vie sociale. Elle requiert une définition du terme à atteindre, la vérité plénière.

 

Elle est d’ordre « substantialiste », par opposition à une approche d’ordre « procédurale » qui requiert l’échange pour parvenir à cette vérité plénière.

 

L’évangélisation se décline alors selon ces deux approches :

-          l’enseignement des vérités à croire et des vertus à pratiquer, pour suivre le Christ

-          l’indication du chemin à suivre pour croire et pratiquer pour suivre le Christ.

 

Dans l’évangélisation, ces deux approches sont liées, mais avec une priorité à l’une ou à l’autre. Si l’évangélisation revêtait une approche exclusive de l’autre, on aboutirait à :

-          une priorité donnée à l’enseignement de l’Eglise,

-          une priorité donnée à la quête de sens.

 

Précisément le texte veut rappeler ces deux écueils :

-          l’enseignement requiert au préalable le témoignage d’une vie qui exprime le message du Christ,

o    sinon il pourrait y avoir contre-témoignage faisant obstacle à l’annonce de la foi si la vie est en contradiction avec le message

o    ou bien transmission d’une doctrine occultant la présence du Christ au cœur de l’humanité,

-          la vie d’un baptisé requiert une annonce claire de la foi en Christ, car la vie ne devient témoignage que s’il y a, un jour, une parole sur le Christ (« rendre compte de sa foi »),

o    sinon elle est ordonnée au bien mais sans en donner le sens (l’origine et la fin)

o    ou bien reste un humanisme sans l’Homme-Dieu.

 

 

Selon la situation de chacun, ce texte sera entendu plutôt dans un sens ou dans un autre, selon l’adage aristotélicien : «  quidquid recipitur ad modum recipiendis recipitur ».

 

La question peut aussi être posée de la construction de ce texte. Est-il le fruit de la réflexion de personnes qui vivent quotidiennement avec des non chrétiens ? ou bien avec des chrétiens non catholiques ? ou bien avec des catholiques peu convaincus ? ou bien encore avec des catholiques convaincus ? Est-il le fruit d’un dialogue entre toutes ces personnes qui vivent ces situations au jour le jour ?

 

Sans doute le contenu et la facture d’une note sur l’évangélisation différeraient selon la situation des groupes qui auraient à la préparer : couple où les conjoints ont des convictions différentes, cohabitation de générations, fréquentation de milieux agnostiques, minorité religieuse, indifférentisme ambiant, communauté de croyants, etc.

 

L’annonce claire de la foi en Christ, le kérygme, ne prend pas la même forme selon ses auditeurs : milieu où l’on ignore le nom même de Jésus ou bien l’invoque régulièrement, culture imprégnée de monuments chrétiens ou musulmans par exemple, société dominée par une idéologie politique ou religieuse, etc.

 

DECOURT Georges, 2007