GANOCZY, Alexandre, 2008, Christianisme et neurosciences. Pour une
théologie de l’animal humain, Paris, Odile Jacob, 366 p.
Problématique
La
question que pose l’auteur est celle-ci : « les discours théologique chrétien
de l’homme peut-il intégrer de façon critique non seulement une théorie postdarwinienne de l’évolution, mais aussi les acquis des
neurosciences ? » (p.11).
Il
cherche pour cela à développer une conception de l’homme dans son unité et
s’interroge : « une anthropologie théologique a-t-elle la possibilité de se
libérer des dualismes platonicien, néoplatonicien, augustinien et cartésien, et
de s’ouvrir à une conception holistique de l’être humain ? » (pp.10-11).
L’auteur
n’entend pas l’expression « anthropologie théologique » dans son sens
étymologique de réflexion sur l’Homme-Dieu, mais dans celui de méta-physique humaine, de discours sur la nature de l’homme
dans la tradition judéo-chrétienne, en concordance avec les réflexions les plus
récentes soit de philosophes informés des recherches scientifiques, soit de
scientifiques livrant leur conception de l’homme en société.
Méthode
Sa
méthode se développe ainsi : synthèse des écrits neuroscientifiques,
confrontation aux traditions bibliques et chrétiennes, intégration des données
dans une « nouvelle anthropologie chrétienne » : « celle-ci devrait
être fondée sur les traits essentiels de la conception biblique de l’homme et
reformulée dans les catégories de l’ontologie des « structures » empruntée à Henrich Rombach » (p.14).
Pour l’auteur, « l’image biblique de l’homme s’avère très proche de ce que
cherchent à exprimer Rombach et des scientifiques
contemporains » (p.17). Les derniers chapitres s’appuient sur la
philosophie de Spinoza, considéré comme celui qui cherché cette synthèse entre
la tradition judéo-chrétienne et le rationalisme scientifique.
Thèse
L’évolution
humaine est l’histoire d’une complexification progressive, vers la « structure
par excellence » qu’est l’être humain, le « corps » et « l’âme »
étant considérés comme des « moments » d’un tout, non pas des instants
figés, mais des « mouvements » (le mot movimentum
contracté en momentum). L’auteur choisit
cette anthropologie qu’il juge compatible avec les acquis des neurosciences. « Dans
les deux disciplines en effet l’homme est perçu comme un ensemble de dynamismes
corrélatifs, interactifs et enchevêtrés » (p.17). « Cette anthropologie
permet de considérer l’homme comme un tout avec ses « moments » énergétiques et
biologiques, corporels et spirituels, neuraux et mentaux, animaux et humains,
sociaux et culturels. Concrètement et historiquement » (p.17).
Un exemple
Le
cerveau se forme au cours d’une longue évolution de « l’animal humain »
et permet l’adaptation permanente de l’individu à son environnement externe et
à ses capacités internes, développe ainsi une activité réflexive. Or, «
l’organe qui peut être considéré comme l’équivalent du cerveau, tel qu’il est
aujourd’hui objet d’investigation biologique », « cet organe s’appelle
en hébreu leb, en grec kardia
» (p.96). « Le leb croyant se montre analogue
à notre cerveau en ce qu’il met en interaction toutes les couches observables
de notre système nerveux central ; la couche néocorticale, limbique et même
reptilienne ». « Le comportement du leb
croyant englobe l’individu dans sa totalité corporelle-spirituelle ou si l’on
veut neuromentale, avec son passé, son présent et son
avenir, et il en fait autant des membres de la communauté porteuse. Telle est
l’hypothèse que je vais essayer de vérifier dans les textes », écrit
l’auteur (p.97). D’où le sous-titre de l’ouvrage : « pour une théologie de
l’animal humain ».
Conception
holistique
Ainsi
au dualisme platonicien ou cartésien d’un être humain composé de deux éléments
séparés (corporel et spirituel) est-il préféré l’idée de « moments
structurants » liés l’un à l’autre. « Tout être vivant est structure.
L’homme est la structure par excellence. Il doit son être et son agir à
l’interaction de « moments » organico-mentaux ou
corporels-spirituels dont aucun ne peut se passer de l’autre ni se réduire à
l’autre. L’anthropologie biblique a déjà eu cette intuition en désignant l’être
humain par toute une série d’images-concepts complémentaires » (p.87).
En
cela l’auteur développe une conception « holistique » de l’être humain,
qu’il estime bien mieux adaptée au christianisme que la conception « dualiste
». Nature et surnature, ciel et terre, temps et éternité, sacré et profane,
pur et impur, élus et réprouvés, « certes ces traits se retrouvent dans
aussi dans la physionomie du christianisme, mais ils n’en constituent pas
l’essence. Car celui-ci reste profondément marqué par sa conception de l’homme
« capable » de Dieu et son idée du Dieu incarné. Son orientation est
holistique. La foi en ce que nous appelons métaphoriquement « résurrection de
la chair » s’inscrit dans la même conception » (p.327).
Cet
essai s’achève sur une réhabilitation de la pensée de Spinoza « maître à
penser à la fois de neuroscientifiques et de théologiens attentifs à l’évolution
des vivants » (p.329). Un glossaire d’une cinquantaine de définitions
s’avère bien utile pour comprendre les termes techniques de la théologie et des
neurosciences et les nombreuses références à une soixantaine d’auteurs.
DECOURT Georges, juin 2009