LENOIR Frédéric, 2007, Le Christ philosophe, Paris, Plon

 

 

Dans cet ouvrage F.LENOIR présente un aspect du christianisme sur lequel des pensées athées et religieuses peuvent se rejoindre aujourd’hui.

 

F.LENOIR distingue trois dimensions du christianisme ou niveaux de lecture du message du Christ :

-          « Jésus est un réformateur du judaïsme ou le fondateur de la religion chrétienne », aspect que l’on retient en premier souvent,

-          « une nouvelle voie spirituelle fondée sur la rencontre avec sa propre personne », aspect souvent oublié,

-          « un enseignement éthique à portée universelle », « fondé sur la révélation d’un Dieu amour », objet de cet ouvrage.

(pp.20-21)

 

Plusieurs auteurs ont abordé le christianisme comme une sagesse de vie, une philosophie de l’existence et le titre de l’ouvrage se réfère à ERASME (lettre à Paul VOLZ citant les pères apologistes alexandrins, p.23).

 

 

F.LENOIR reprend donc le point de vue de Marcel GAUCHET soutenu dans « Le Désenchantement du monde », montrant « comment le christianisme a été historiquement la « religion de la sortie de la religion » (p.20), dans le sens où les idéaux modernes de liberté, solidarité, respect des gens…, représentent une version laïque des idéaux évangéliques prônés par les premiers chrétiens à la suite de l’enseignement du Christ, même si l’institution ecclésiale a par la suite cherché à en contenir les effets.

 

Le grand paradoxe, l’ironie suprême de l’histoire, c’est que l’avènement moderne de la laïcité, des droits de l’homme, de la liberté de conscience, de tout ce qui s’est fait aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles contre la volonté des clercs, s’est produit par un recours implicite ou explicite au message originel des Evangiles. Autrement dit, ce que j’appelle ici « la philosophie du Christ », ses enseignements éthiques les plus fondamentaux, ne parvenait plus aux hommes par la porte de l’Eglise… alors elle revenue par la fenêtre de l’humanisme de la Renaissance et des Lumières !

p.20

 

 

Dans cet ouvrage F.LENOIR présente la personne de Jésus telle qu’elle est décrite dans les évangiles en s’appuyant sur les travaux exégétiques, puis le contenu du message transmis par ces évangiles qu’il compare aux sagesses qui lui étaient contemporaines, enfin l’histoire critique de ce message transmis par l’Eglise à travers le temps jusqu’à nos jours. Il commente en finale la rencontre de Jésus et de la Samaritaine,

tentant d’en montrer la signification aux conséquences dévastatrices pour toute institution religieuse : la désacralisation totale du monde au profit d’une seule sacralité : la conscience humaine. Ou, pour le dire autrement : je crois que Jésus entendait moins fonder une nouvelle religion que libérer l’être humain du poids des traditions religieuses, quelles qu’elles soient, en mettant l’accent sur la liberté individuelle et l’intériorité de la vie spirituelle. C’est le propre des plus grands sages de l’histoire de l’humanité.

p.25

 

Pour F.LENOIR le christianisme laisse donc une forte emprunte sur les sociétés par ses rites, ses œuvres artistiques et surtout sa philosophie. Il partage la thèse de Michel ONFRAY développée dans son « Traité d’athéologie », selon laquelle « la pensée laïque n’est pas une pensée déchristianisée, mais chrétienne immanente » (p.262), mais refuse la conséquence qu’en tire l’auteur, à savoir : récuser cette pensée humaniste du fait qu’elle est un héritage judéo-chrétien se référant à une transcendance.

 

Le christianisme invisible de nos sociétés modernes a sans doute des défauts, il repose certes sur une forme séculière de transcendance qui fonde nos valeurs…mais on n’a pas encore trouvé mieux pour légitimer et tenter de mettre en œuvre une éthique universelle du respect de l’autre.

pp.264-265

 

 

F.LENOIR ne partage non plus la thèse d’une dissolution du christianisme dans l’humanisme moderne au vu de la diminution des pratiques religieuses. Il s’en explique ainsi :

 

Le christianisme n’est pas d’abord une religion, avec des dogmes, des sacrements et un clergé ; c’est avant tout une spiritualité personnelle et une éthique transcendante à portée universelle. Lorsqu’il s’est mué en religion officielle de l’Empire romain, le message du Christ a été largement perverti, mais, comme nous l’avons vu, il va en partie renaître sous la forme d’un humanisme laïc à partir de la Renaissance. Loin d’avoir perdu la bataille des idées, le message évangélique imprègne donc bien plus qu’on ne le croit nos sociétés laïques et sécularisées et la voie spirituelle chrétienne redevient aujourd’hui en Occident davantage affaire d’individus touchés par la personne de Jésus et par sa parole que de dogme ou de piété collective.

pp.298-299

 

 

Pour lui l’avenir du christianisme repose sur sa dimension spirituelle, mais aussi sur le dialogue avec nos contemporains.

 

Ma conviction profonde, c’est qu’il faut aujourd’hui refonder l’humanisme en dépassant les clivages qui opposent croyants et non croyants. Cela demande de nous réconcilier avec notre histoire en assumant et en relisant tout notre héritage humaniste : de la Grèce ancienne et du judaïsme aux Lumières modernes, en passant par le christianisme. Enracinés dans nos valeurs les plus fortes, nous serons mieux à même de dialoguer avec ceux qui, dans les autres aires de civilisation et à partir d’une autre histoire, ont ce même souci du respect de l’être humain.

p.299

 

 

 

 

Ici F.LENOIR ne s’attarde pas sur la dimension qu’il appelle « religieuse » du christianisme (des rites, des organisations…), objet de réformes successives au cours des siècles. Il porte son attention sur l’éthique issue de vingt siècles de christianisme, appelée « philosophie ». Il pense que l’avenir de cette philosophie du Christ se situe dans la rencontre, et non dans l’affrontement, avec d’autres traditions sapientielles, philosophiques, éthiques, telles que celles qu’il a étudiées dans ses travaux sur le bouddhisme. Il en vient à asseoir l’avenir du message proprement chrétien dans la relation de chaque individu à son auteur, le Christ, dans la rencontre de la personne de Jésus, dimension du christianisme qu’il appelle « spirituelle ».

 

La question peut se poser du rapport entre la manière de vivre cette « philosophie » du Christ dans l’aujourd’hui et la rencontre personnelle de Jésus : y a-t-il une évaluation de l’une par l’autre ? Y a-t-il des partages entre ceux qui font cette même expérience « spirituelle » ? Y a-t-il place pour une « religion » chrétienne dominée par cette expérience personnelle partagée ?

 

Dans un entretien avec ses lecteurs à la librairie La Procure de Lyon, le 18 mars 2008, F.LENOIR a évoqué un prochain ouvrage sur ces thèmes-là.

 

 

 

Recensions sur le web

 

Diocèse de Nîmes

Culture et Foi : débat Lenoir – Debray

 

DECOURT Georges, 2007