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Assemblées dominicales et catholicité de l’Église

  Alphonse Borras
Docteur en droit canonique
Professeur à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve (Belgique)
Vicaire Général du diocèse de Liège (Belgique)

L’auteur propose dans cet article d’élucider le lien entre les termes de la trilogie Eucharistie-assemblée-dimanche pour en dégager la pertinence théologique dans le contexte actuel du processus de réaménagement paroissial.
Cet article est publié ici avec l’aimable autorisation de la Maison Dieu. Article paru dans la Maison-Dieu, 229, 2002/1, 7-42.

Dans le cadre de ce colloque de pastorale liturgique sur le thème "Eucharistie-assemblée-dimanche",je me propose d’élucider le lien entre les termes de cette trilogie pour en dégager la pertinence théologique dans le contexte actuel, a savoir celui du processus de réaménagement paroissial dans lequel sont engages de nombreux diocèses en France, en Belgique et aux Pays-Bas, ainsi que dans d’autres pays de vieille chrétienté.

Ma contribution sera plutôt de l’ordre de la théologie pratique, dans la mesure ou celle-ci est soucieuse de mettre en corrélation réflexion théologique et conditions concrètes de l’expérience. Dans cette perspective, je voudrais répondre à une double question : ce processus permet-il d’honorer le lien entre ces trois réalités, et dans quelle mesure la nouvelle donne ecclésiale contribue-t-elle à la catholicité de l’Église que nous confessons dans le Credo ?

Tout ne pourra pas être dit. Je m’en tiendrai à ce qui me semble être l’essentiel. Devant les problèmes liturgiques et pastoraux que soulèvent les mutations présentes dans la société et dans l’Église, il n’y a sans doute pas une seule et unique solution. II y a des solutions diverses, dont il revient aux pasteurs et aux fidèles, notamment a un titre particulier aux théologiens, d’éprouver la cohérence au regard du mystère de salut que l’Eglise sert et qui l’ habite.

Dès les origines, une assemblée eucharistique le Jour du Seigneur

Les chrétiens, par excellence des gens qui se rassemblent

"Les chrétiens se rassemblent le dimanche pour célébrer l’eucharistie." Ces propos de Justin au IIe siècle font état d’une pratique qui remonte sans aucun doute à l’aube de la foi chrétienne. "Les chrétiens se rassemblent." Dispersés du fait de leurs activités, professions et engagements divers, les voici qui "se" rassemblent. A y regarder de plus près, il serait plus correct de dire qu’ ils sont rassemblés, à la voix passive, en vertu même d’une convocation : ils sont appelés à se rassembler. D’ailleurs le collectif qu’ils forment sera rapidement qualifie d’ ekklesia [1]. Ce terme dit très bien comment les premiers chrétiens et les communautés des origines se comprennent, à savoir comme des disciples rassemblés autour du Ressuscité par la force de son Esprit. Celui que leurs yeux ne peuvent plus contempler est présent au milieu d’eux, in mysterio, c’est-à-dire selon le plan du salut de Dieu. Ce projet s’est réalisé de manière décisive dans la mort de Jésus pour nous, mais il est destiné à s’accomplir de manière définitive par son retour dans la gloire. Amorcé dans la création et annoncé par les alliances successives du Premier Testament, ce projet consiste à "rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés" (Jn. 11, 52) [2].

Le Ressuscité est reconnu "mystérieusement" présent, au point que le cœur des disciples est brûlant alors que Jésus continue, comme ce soir-là sur la route d’Emmaüs, à les introduire dans l’intelligence des Écritures (voir Lc 24, 24). Jésus ressuscité leur permet, en effet, de relire, comme de l’intérieur, le propos de grâce d’un Dieu qui, de toute éternité, n’a d’autre passion que de nouer, au cœur de l’histoire, une alliance avec notre humanité. L’expérience d’un tel rassemblement n’est pas séparable d’une reconnaissance de l’Esprit qui les assemble dans le Christ. C’est bien au nom du Christ qu’ils sont réunis (voir Mt 18, 20), et ils attribuent cela à son Esprit qui, précisément, leur permet de confesser que Jésus est Seigneur (voir 1 Co 15, 28 ; 1 Jn 4, 2, etc.).

"Le fait que les chrétiens s’assemblent périodiquement pour la prière est jugé, dès le début de l’Eglise, caractéristique de leur genre de vie par ceux qui le décrivent aux païens [3]. " J’aime à dire que les chrétiens sont par excellence des gens qui se rassemblent. Dans l’Antiquité, on trouve notamment le mot grec spécifique à leur rassemblement, sunaxis. La synaxe renvoie à l’ekklesia. Les chrétiens sont en effet ekklesia et, quand celle-ci est en prière, l’action menée par tous est la prière commune, à savoir la "liturgie", qui s’effectue, durant les premiers siècles, dans leur réunion périodique autour de la Parole de Dieu et de l’eucharistie. La synaxe liturgique, c’est-à-dire l’assemblée comme action commune de la communauté en prière est, dès les origines, l’événement qui donne à la fois visibilité et consistance au peuple de la nouvelle alliance. L’assemblée renvoie à l’Église, et vice versa : l’ekklesia renvoie à la sunaxis dans la mesure ou non seulement elle se donne à voir en elle, mais qu’elle prend corps en elle.

Mémoire du Christ, action eucharistique et geste dominical

Ce qui fonde leurs assemblées, c’est la memoria Christi, l’actualisation du don qu’il a fait de lui-même au Père et pour le salut du monde. Cette actualisation de la mort et de la résurrection du Christ [4] se déploie en définitive dans l’eucharistia, l’action de grâce. C’est dans cette action de grâce que l’assemblée des chrétiens se représente, en l’actualisant, le don que le Christ fait de sa vie et qu’elle s’inscrit dans son mouvement vers le Père, par le Christ dans l’Esprit. " Le mémorial eucharistique, écrit J.-M.R. Tillard, a pour finalité première de communiquer à la communauté le don de lui-même que Jésus a fait "une fois pour toutes et qui est le salut. C’est l’événement de Jésus se donnant lui même qui doit, dans le mémorial eucharistique rejoindre hic et nunc l’Église [5]." Le sacrifice d’action de grâce, l’eucharistie, est l’action du corps ecclésial. Celui-ci est uni au Christ, qui en est la tête, et participe ainsi à son action de grâce. Les chrétiens, en tant que corps ecclésial du Christ rendent en grâce ce qu’ils ont reçu autant que ce qu’ils sont, - le salut et leur condition de peuple sauvé -, afin de vivre en grâce avec leurs frères et sœurs en humanité.

L’eucharistie est mémoire de la Pâque dans laquelle s’est scellée l’alliance de Dieu avec l’humanité, au cœur de l’histoire, par la destinée singulière de Jésus de Nazareth et grâce à la puissance de son Esprit. Référée au "premier jour", le lendemain du sabbat, jour où le Ressuscité se donne a reconnaître par(mi) les siens [6], la mémoire de la Pâque célèbre une re-création : par la fidélité du Père à son Fils et le don de l’Esprit aux disciples, tout repart selon le dessein divin d’alliance. Tout reprend selon la logique trinitaire du don dans laquelle l’humanité est assumée par l’incarnation. La mémoire de la Pâque inscrit dans le temps la célébration d’un "premier jour" qui est a la fois "le huitième jour [7]". Elle inscrit l’irruption du salut dans le flux du temps [8]. Mémoire de la Pâque, l’eucharistie dominicale la célèbre en actualisant, selon le rythme hebdomadaire, l’offre sans repentance de la grâce du salut, ici et maintenant, - aujourd’hui. L’eucharistie est ainsi action de grâce pour l’œuvre du salut et devient intercession pour l’humanité que Dieu aime et appelle à entrer en alliance avec Lui.

Le dimanche, les disciples du Christ s’éprouvent comme assemblée réunie dans l’Esprit-Saint à l’écoute de la Parole, pour rendre en grâce le don du Christ. Ils prennent conscience de leur qualité de peuple convoqué par Dieu à l’alliance et appelé à l’attester au cœur de l’histoire [9]. Le dimanche, l’Église s’éprouve comme convoquée et envoyée, rassemblée et disséminée, selon ce double mouvement qui fait son identité et la renvoie toujours à un au-delà d’elle-même. Le dimanche, les chrétiens approuvent l’Eglise comme un horizon sans cesse à dépasser dans leur marche, au fil des jours, vers le Royaume.

L’eucharistie dominicale dit donc, dans l’acte même de la célébration, la vocation et la mission de l’Eglise (convocation-> rassemblement-> dispersion), jaillie de la Pâque du Christ et de la Pentecôte de l’Esprit, et disséminée parmi les nations. La célébration du dimanche fait en effet entrer l’assemblée dans la mémoire du mystère pascal et l’action de grâce du Christ (dimension anamnetique) et lui fait prendre corps en ce lieu par l’Esprit, grâce à la Parole et au Pain de Vie (dimension épiclètique), dans l’attente du dernier jour, lors du retour du Christ où Dieu sera tout en tous et l’humanité pleinement réconciliée (dimension proleptique). Dans l’attente de ce jour (eschaton réalisé), la célébration du premier jour (eschaton inauguré) fait de l’aujourd’hui le huitième jour (eschaton anticipé et actuaIisé) à savoir le jour du salut, celui de l’alliance déjà offerte par Dieu et accueillie ici et maintenant [10]. Durant les trois premiers siècles, la célébration du dimanche était le rassemblement par excellence de la communauté chrétienne autour d’une seule et unique table eucharistique présidée par l’évêque. La relation était nette entre ecclesia (peuple convoqué par Dieu du milieu des nations), eucharistia (pour rendre grâce dans le Christ par l’Esprit) et dies dominica (dans l’attente de son retour) Le lien entre ces trois réalités donnait, par leur relation mutuelle tout leur sens à chacune d’entre elles et à l’ensemble de cette trilogie. Dans de telles circonstances, l’assemblée dominicale était, de toute évidence, un signe parlant.

La paroisse, lieu par excellence de la célébration du dimanche

Au tournant des IVe et Ve siècles, des communautés nouvelles vont apparaître petit à petit en périphérie urbaine et à la campagne à la faveur de l’"entrée des masses" dans l’Église. Les chrétiens sont désormais très nombreux et, en principe, depuis l’édit de l’empereur Théodose en 380, tous les citoyens de l’Empire romain doivent adhérer au christianisme Ces communautés seront présidées par des prêtres. Jusque-là, ceux-ci entouraient l’évêque [11] dans le gouvernement de l’ecclesia et la présidence de la synaxe eucharistique. A l’instar de la communauté cathédrale des trois premiers siècles dont elle reprendra les attributions majeures, mais en communion avec elle et sous l’autorité de l’évêque, la paroisse deviendra le cadre habituel de la vie chrétienne pour la plupart des baptisés.

Cette institution séculaire qu’est la paroisse peut être qualifiée comme "l’Église en un lieu, pour tout et pour tous [12]". Je m’explique. Le "lieu" désigne ici tout autant l’inscription dans un terroir que la délimitation d’un territoire. II y va en effet de la capacité de l’Évangile vécu, confessé et célébré de rencontrer une culture et de produire de l’histoire, à savoir l’histoire de ces hommes et de ces femmes dont l’existence a changé des lors qu’ils se sont convertis à Jésus-Christ et se sont laissé habiter par son Esprit. Le "pour tout" désigne plutôt "pour l’essentiel", voire "pour le minimum nécessaire" pour devenir chrétien et vivre en Église, de la naissance à la foi par le baptême jusqu’à l’entrée dans la Vie par les funérailles. C’est l’autorité ecclésiale compétente qui érige une paroisse pour offrir en un lieu ce "minimum nécessaire" : c’est elle qui assure à cet effet une pleine prise en charge des gens (plena cura animarum) pour qu’ils deviennent chrétiens et fassent Église en ce lieu.

Le signe dominical fait partie intégrante de la finalité institutionnelle et dès lors du cahier des charges de la communauté paroissiale. Celle-ci traduit en ce lieu, dans un village, un quartier ou une ville, la vocation et la mission de l’Église de Dieu. Cela est d’autant plus vrai que la paroisse est "pour tous", c’est-à-dire pour le tout-venant à qui elle dit, sans préalable ni condition aucune, le propos de Dieu d’entrer en alliance avec tous les hommes, sans exception et sans exclusive. A l’instar de l’Église diocésaine, la paroisse offre une traduction concrète de la catholicité ecclésiale confessée dans le Credo, notamment par son ouverture au tout-venant et a la diversité des vocations et des charismes, des sensibilités spirituelles et des itinéraires personnels.

Au fil des siècles, dans les pays de chrétienté - ce régime qui s’est progressivement établi, dès 380, a fait en principe que tous les citoyens participent de la même religion, devenue ainsi le ciment social -, la paroisse s’est progressivement identifiée à la localité, le village ou le quartier. Dans ce contexte où communauté et localité s’appuyaient mutuellement l’une sur l’autre, l’assemblée dominicale était également un des temps forts de socialisation des habitants de la localité. Le dimanche déterminait certes leur vie religieuse, mais il marquait tout autant les différents aspects de leur vie sociale, économique et culturelle.

Le réseau paroissial, une réalité devenue problématique

Actuellement, dans nos contrées d’Europe occidentale, bon nombre de paroisses ne sont plus en mesure de correspondre à leur finalité institutionnelle [13]. Beaucoup d’entre elles ne sont plus capables d’assumer leur rôle. Elles ne sont plus "pour tout (l’essentiel)" par défaut de tel ou tel service paroissial : par exemple, la catéchèse des enfants n’y est plus organisée, parce qu’il y a peu ou pas d’enfants. Ou bien il manque des ressources en personnel pour prendre en charge telle ou telle tâche. On envisage alors de se mettre ensemble avec d’autres paroisses pour assurer l’intégralité des tâches ou services d’une paroisse (liturgie, catéchèse, administration du temporel, entraide et solidarité). Beaucoup de paroisses actuelles ne remplissent donc plus leur cahier des charges. Mais il faut encore ajouter qu’elles ne sont plus "pour tous", soit en fonction d’une population trop restreinte à telle ou telle catégorie, soit a cause d’un petit nombre d’habitants. Elles ne comprennent plus une diversité minimale de charismes, de sensibilités, de vocations, etc.

Si la plupart des paroisses héritées du passé ne sont plus ni "pour tout" ni "pour tous", elles ne méritent plus, à mon sens, de porter le label de "paroisse". Elles subsistent certes comme communautés chrétiennes dans leur environnement respectif, le quartier ou le village, mais elles ne sont plus des "paroisses". Le remodelage paroissial s’impose comme un impératif d’autant plus urgent que la fin, aujourd’hui manifeste, d’un régime de chrétienté, et l’émergence corrélative d’une société pluraliste, précipitent la désaffection de citoyens par rapport à la communauté ecclésiale, concrètement quant à la pratique dominicale, même s’ils se réfèrent toujours au fait chrétien [14]. Dans une société où tous les citoyens ne se reconnaissent plus chrétiens, le réseau paroissial apparaît comme un héritage difficile a assumer. Son remodelage est une exigence de la mission, dans une société où le Dieu des chrétiens, malgré le déisme ambiant, n’est plus une évidence culturelle.

Après de longs siècles d’établissement progressif d’un quadrillage paroissial du territoire diocésain, le réseau paroissial est aujourd’hui comme un costume trop large... parce qu’il y a moins de chrétiens, et pas seulement ni d’abord moins de prêtres. Certes, le remodelage paroissial a été entamé à l’occasion et sous la pression de la diminution du nombre de prêtres. Mais n’est-ce pas en fonction de l’annonce de l’ Évangile à nos contemporains qu’il faut reconsidérer l’institution paroissiale, pour que les paroissiens s’enracinent dans la foi, vivent du mystère pascal de mort et résurrection, et deviennent acteurs de la vie de l’Église et du témoignage de leurs communautés ?

Les réaménagements pastoraux actuellement en cours donnent lieu à des réalisations très diverses, selon les diocèses et les provinces ecclésiastiques. Dans certains diocèses français, on a déjà procédé à la fusion des paroisses existantes en réduisant leur nombre, parfois de manière draconienne, et en procédant, formellement parlant, à la création de "nouvelles paroisses". Celles-ci comprennent désormais des "communautés locales" qui correspondent en général aux anciennes paroisses. Dans d’autres diocèses, en France comme ailleurs en Europe occidentale, mais aussi au Québec, on est parvenu à une collaboration inter-paroissiale dans le cadre de "secteurs pastoraux", voire de "nouveaux ensembles paroissiaux" ou "unités pastorales", des lors que les paroisses des secteurs ont été confiées a un seul et même curé. II s’agit, dans ce cas, d’un processus fédératif de paroisses qui, à terme, conduira sans doute à la création formelle de "nouvelles paroisses" ; on a affaire à une fédération de paroisses qui se mettent ensemble, tout en gardant leur autonomie propre, pour mettre en commun leurs ressources respectives, par nécessité et de manière complémentaire, afin d’ être en mesure d’assumer leur finalité institutionnelle, d’être un lieu "l’Église pour tout, pour tous et par tous". A l’heure actuelle, cependant, ces ensembles paroissiaux comprennent également des "communautés locales", à savoir les anciennes paroisses désormais fédérées. Celles-ci conservent leur lieu de culte respectif même si, souvent, l’une d’entre elles est devenue l’église principale de l’ "unité pastorale".

La "nouvelle paroisse" résulte déjà aujourd’hui du regroupement, sinon de la fusion d’anciennes paroisses. Celle-ci peut se présenter principalement selon trois figures ou scénarios possibles. La première, la plus rare, résulte non seulement de la fusion de paroisses antérieures, mais de la fermeture, sinon de la suppression des lieux de culte, de telle sorte que la nouvelle paroisse n’a qu’une seule église paroissiale. Cette figure se réalisera parfois en ville, spécialement dans le centre. Les deuxième et troisième figures comprennent le maintien des anciens lieux de culte, principalement les églises paroissiales, dont l’une est devenue l’église principale de la "nouvelle paroisse [15]". Mais elles se distinguent l’une de l’autre par le fait que l’assemblée dominicale, eucharistique ou pas, n’a plus lieu dans toutes les églises des "communautés locales", mais seulement dans telle ou église, sinon uniquement dans l’église principale.

L’incidence de la modernité sur le réseau paroissial

Émergence du sujet et recomposition du religieux

Aujourd’hui, sous l’effet des bouleversements de la société postindustrielle et technologique, le réseau paroissial est devenu une réalité problématique. Des mutations profondes, amorcées depuis de longs siècles, se traduisent sur le plan culturel et religieux par la sortie progressive de la chrétienté et l’entrée inéluctable dans un régime dit de "(post)modernité". Celui-ci est culturellement marqué par l’émergence du sujet, l’individuation, le pluralisme de convictions et de croyances, la mise en cause des autorités et la culture du débat, la démocratie, etc. La modernité est ainsi devenue un lieu de coexistence et de confrontation d’expériences, d’opinions et de convictions. Elle est un espace de débat ou tout est soumis à la critique et à la négociation. On mesure la distance culturelle qu’elle va progressivement instaurer par rapport a la société traditionnelle et rurale marquée par la stabilité, la localisation, l’héritage du passé, et caractérisée de surcroît par l’adhésion générale à une même religion qui en assurait en grande partie le lien social. A l’homogénéité des croyances et des convictions de la société de jadis succède désormais le pluralisme religieux et idéologique de nos sociétés démocratiques. Cette situation culturelle est le résultat, depuis les Lumières, d’une exaltation du sujet, dont l’évolution des dernières décennies montre les limites : le sujet est au centre de l’univers qu’il est amené à comprendre, à maîtriser, à gérer, voire à dominer, mais il découvre les limites de sa prétention de toute-puissance.

On est en droit de parler ici de postmodernité pour désigner l’état de la culture moderne au cœur de laquelle l’être humain éprouve sa fragilité, car tout est devenu précaire : l’économie, les relations sociales, les engagements pris sur parole, les institutions de tous ordres, les projets de société etc. L’individu postmoderne est désenchanté. La question du sens n’a pas disparu, mais elle devenue bouillonnante : plus on est plongé dans la (post)modernité, plus on s’interroge, on se questionne, on s’angoisse. La dimension religieuse de l’existence subsiste, mais elle n’est plus encadrée par une institution religieuse, en l’occurrence dans nos contrées par l’Église catholique [16]. On assiste à une recomposition du religieux : les gens font preuve de sélectivité dans leur religiosité. Pour beaucoup, l’expérience religieuse est kaléidoscopique. Ils recomposent leur expérience en fonction de leurs besoins de socialisation, de leurs croyances personnelles et de leurs pratiques dévotionnelles. On mesure à ce propos combien cette religiosité kaléidoscopique peut accentuer une réduction dévotionnelle de la liturgie chez bon nombre de fidèles pratiquants [17]. On comprend aussi la permanence, chez les baptisés non pratiquants, d’une demande de rites de passage pour satisfaire leurs besoins religieux. La religion individualisée et privatisée garde paradoxalement une fonction de socialisation qui, bien que souvent restreinte au domaine familial, a la prétention d’opérer une inscription dans une lignée [18]. Nos contemporains sont ainsi amenés à une diversité d’expériences religieuses, allant de la pure perplexité ou de l’indifférence tranquille à une religiosité panthéiste ou à un déisme diffus - ils sont assez facilement satisfaits d’une référence à des "valeurs", le cas échéant qualifiées d’" évangéliques ", en passant par une adhésion explicite ou une appartenance faite au groupe ecclésial.

Réalité urbaine, mobilité spatiale et rapidité temporelle

L’institution paroissiale est devenue problématique à cause des mutations liées à la réalité urbaine [19]. Celle-ci n’est plus l’espace unitaire où s’intégraient activité économique, localisation des gens, vie sociale et culturelle, expérience religieuse. Dans la société contemporaine, la réalité de la ville s’entend comme un ensemble d’espaces multi-fonctionnels distincts et différenciés ; d’où l’inscription de nos contemporains dans de multiples réseaux d’appartenance, et leurs grandes possibilités de choix. Ils rejoignent plus volontiers des groupes affinitaires où sont mis en commun des intérêts religieux, des sensibilités spirituelles, des appartenances autour d’un vécu partagé.

La mobilité (spatiale) et la rapidité (temporelle) favorisent une religion affinitaire où l’on choisit ses partenaires autant que les croyances auxquelles on adhère. Elles entraînent un mouvement de détéritorialisation de l’expérience religieuse. Cela ne signifie pas l’absence de référence a un territoire, mais la perte d’une référence exclusive a un territoire unique [20]. Le double rapport à l’espace et au temps s’en trouve modifié. D’une part, il y a une mobilité accrue grâce aux moyens de déplacements et, d’autre part, une rapidité rendue possible qui accentue le sens de l’immédiat C’est dans ce contexte que la privatisation de la religion et son individualisation donnent lieu à une sélectivité religieuse et à une religiosité affinitaire. Nos contemporains ont, en fait, plus de moyens de se mouvoir que jadis. Ils ont surtout conscience qu’ils peuvent, en principe, choisir à quoi et avec qui adhérer. .

On devine les conséquences de ces évolutions pour la vie paroissiale, notamment la relativisation d’une seule et unique localisation de la vie religieuse, vu la capacité de nos contemporains, devenus mobiles, de choisir des lieux religieux. Ils vivent plutôt dans plusieurs réseaux de relations alors que, dans la société traditionnelle et morale, c’était la localité qui offrait l’espace principal, si mon unique, de relations. Si jadis l’espace religieux, en l’occurrence celui de la paroisse, couvrait l’ensemble du territoire où étaient circonscrits la communauté et son curé, désormais il tend à résulter des choix et des réseaux affinitaires. De plus, l’extension traditionnelle de signes sacrés dans un espace totalement vécu comme religieux (église paroissiale, cimetière, oratoires, croix ou statues sur les routes et chemins) fait place à une densification de ces signes en quelques endroits privilégiés (sanctuaires ou chapelles) ou à quelques occasions ponctuelles (pèlerinages ou grands rassemblements) [21]. A cet égard, il est révélateur d’entendre parler nos contemporains du "choix" de vivre des "temps forts" dans des "hauts lieux" de la foi.

Croire, c’est peut-être encore adhérer, mais cela ne signifie pas toujours appartenir. L’évangélisation nous impose d’ajuster la mission ecclésiale aux circonstances présentes, en régime de modernité. Le remodelage du réseau paroissial s’impose donc comme une exigence de la mission, dans une société résolument sortie de chrétienté et pourtant vaguement déiste. Bien plus, le christianisme peut apparaître, aux yeux de certains, comme un donné dépassé dont on ne garde que les "valeurs ". Pour d’autres, sous l’effet de l’indifférence et du relativisme religieux, on en vient à un athéisme pratique où toute référence à un Dieu personnel est de fait considérée comme sans intérêt, voire jugée nulle et non avenue. Vu ces circonstances, le réseau paroissial apparaît de toute évidence comme un héritage difficile à assumer, dans une société où tous les citoyens ne se reconnaissent plus chrétiens.

Multiplicité des assemblées et pluralité des lieux : le défi de leur articulation

A ce stade, on comprend que la nouvelle paroisse vers laquelle on tend sera différente de la paroisse de jadis, parce que les nouveaux ensembles paroissiaux sont habituellement composés de lieux divers et de communautés multiples. A la différence du passé où, dès son émergence progressive et pendant de longs siècles, l’institution paroissiale s’est caractérisée par son rôle de concentration en une localité de ses composantes traditionnelles - un édifice, une communauté et un curé (ecclesia, populus, rector) -, elle se caractérise désormais par sa fonction d’articulation d’une diversité de lieux et de communautés [22]. Pendant plus d’un millénaire, on a constaté en général une relative adéquation entre le concept de paroisse, la communauté locale et l’assemblée dominicale. En revanche, la "nouvelle paroisse " vers laquelle on tend - concrètement à partir de sa figure actuelle d’ "unité pastorale" -, ne connaît plus d’assemblée unitaire le dimanche. II est vrai que, depuis quelques décennies, surtout en milieu urbain, il n’y avait déjà plus d’unicité : outre la grand-messe et la messe basse d’avant Vatican II, on a vu apparaître la messe du dimanche soir des la fin des années 50 et, à l’époque du dernier concile, la messe dominicale anticipée du samedi soir.

La multiplication des messes dominicales est devenue un phénomène plus marquant des lors que, sous l’effet de la raréfaction des prêtres, il a fallu assumer la célébration d’un plus grand nombre de messes dominicales. Dans ces circonstances, le remodelage du réseau paroissial s’est confronté, dès ses débuts, à la question de la rationalisation de l’horaire des messes et de la nécessaire réduction du nombre d’eucharisties dans les secteurs concernés d’abord, puis dans les nouveaux ensembles paroissiaux ou les unités pastorales. Les réaménagements pastorauxen cours nous font même découvrir des situations où il n’est plus possible de célébrer l’eucharistie dominicale dans chaque communauté locale de l’unité pastorale. D’où la tenue d’assemblées dominicales non eucharistiques.

Force est de constater que le lien entre eucharistie, assemblée et dimanche est encore plus relâché que dans le passé récent. A la multiplication des messes dominicales de ces dernières décennies s’ajoute la tenue d’assemblées, eucharistiques ou pas, imposées par les besoins de célébrer le dimanche dans des communautés locales.

Dans les faits, on assiste dès lors a une certaine dissociation entre assemblée et eucharistie d une part, et entre eucharistie et dimanche, d’autre part [23], La relation traditionnelle dans l’Eglise des premiers siècles, eucharistia ecclesia et dies dominica semble ne plus être honorée. On comprend dès lors l’influence de cette dissociation sur la perte du sens du dimanche comme Jour du Seigneur, perte que les mutations culturelles d’une société pluraliste provoquent et accentuent par ailleurs. On en mesure surtout les conséquences sur la conscience ecclésiale des catholiques et l’obscurcissement de leur identité de peuple de Dieu sauvé par la Pâque du Christ et le don de l’Esprit Saint [24]. Si les chrétiens sont par excellence des gens qui se rassemblent, l’amenuisement des assemblées et leur dispersion en des lieux divers affectent la portée symbolique des rassemblements dominicaux.

En bref, le lien entre eucharistie, assemblée et dimanche n’est certes pas inexistant, mais il est détendu, sans être pour autant défait. En d’autres termes. la Pertinence de ce lien est mise a mal pour des raisons internes à l’ Église, en l’occurrence en fonction du remodelage pastoral, et pour des raisons externes, principalement liées à notre culture (post)moderne et à la religiosité plurielle et éclatée de nos contemporains.

Le réseau paroissial, un pôle de vie ecclésial parmi d’autres

Que dire en plus si le réseau paroissial ne peut plus prétendre quadriller l’ensemble du territoire diocésain ? En régime de chrétienté, surtout après le concile de Trente, l’institution paroissiale était devenue la référence totalisante de la pastorale de l’Église. En imposant la division du diocèse en paroisses, le Code de droit canonique de 1917 faisait de la réalité paroissiale le tout de la vie chrétienne et de l’activité pastorale. La sortie de la chrétienté amorcée au XIIIe siècle et manifeste à la fin de l’Ancien Régime, est devenue un fait dans la société du XIXe siècle, en principe sécularisée. Les mutations culturelles de la modernité l’ont instituée de manière irréversible au XXe siècle. Le quadrillage territorial apparaît alors comme un vestige de chrétienté. Outre le fait qu’il participe d’une logique de contrôle social, il présuppose en effet que tous les citoyens sont chrétiens et que la paroisse est une institution qui encadre et satisfait leurs besoins religieux.

Dès lors que l’on prend acte de la sortie de chrétienté, l’institution paroissiale doit compter sur d’autres pôles de vie ecclésiale où nos contemporains, s’ils le veulent, peuvent devenir chrétiens et faire Église [25]. Ainsi les mouvements et associations rencontrent, dans leur diversité, des attentes plus affinitaires et des adhésions volontaires qui caractérisent la religiosité (post)moderne. Malgré la tendance à reléguer la religion dans la vie privée, ce pôle associatif de l’Église souligne bien souvent l’incidence sociale de l’Évangile et stimule l’engagement des chrétiens. II y a le pôle des lieux de pèlerinage et des sanctuaires, qui rencontrent les aspirations de beaucoup de nos contemporains dans leur quête religieuse. Outre la recherche de haut lieux pour cette spiritualité pèlerine, il faut compter également sur le désir de temps forts, dont les abbayes et monastères, ainsi que les centres de retraites spirituelles, constituent la destination momentanée, ponctuellement ou habituellement, pour des gens soucieux de se ressourcer, voire désireux de se convertir. II y a le pôle des institutions temporelles chrétiennes, notamment les écoles et les hôpitaux, sans oublier le pôle de la formation chrétienne, comprenant les initiatives décentralisées de formation jusqu’à une faculté de théologie ou de sciences religieuses, en passant par un centre diocésain. On pourrait également citer les médias, dans leur diversité, qui permettent a nos contemporains non seulement de se référer au fait chrétien par le type de proximité que ces moyens de communication favorisent, mais aussi d’approfondir leurs connaissances et de stimuler, le cas échéant, leurs convictions.

Ces pôles viennent désormais se "surimposer" aux nouveaux ensembles paroissiaux, â la façon de réseaux complémentaires, pour mieux répondre aux besoins de groupes humains et des communautés chrétiennes dont les espaces de référence échappent désormais aux strictes contingences spatiales. Dans le contexte de ce dispositif ecclésial pluriel, la paroisse n’est pas tout dans le diocèse. Même si l’Église locale acquiert encore, en grande partie, sa visibilité par le réseau paroissial, celui-ci n’épuise pas toute la richesse de la portion du peuple de Dieu qu’elle réalise en ce lieu. Désormais, l’Église locale réalise sa mission a partir d’un dispositif pluriel, dans l’articulation de la diversité des pôles de vie ecclésiale.

La "nouvelle paroisse", entre regroupement et proximité

Une diversité de clochers autour d’une église principale ?

Dans ces conditions, il y a lieu de s’interroger sur la catholicité de l’Église confessée dans le Credo et sa réalisation concrète dans les nouveaux ensembles paroissiaux, les unités pastorales, et leurs différentes communautés locales désormais complémentaires, sinon solidaires des autres pôles de vie ecclésiale. Durant les premiers siècles du christianisme, l’unique assemblée dominicale eucharistique traduisait ici et maintenant la catholicité de l’Église locale - la capacité de l’Évangile de s’inculturer dans un terroir et d’y déployer une variété de dons spirituels. La portée symbolique de cette assemblée unitaire consistait à signifier en un lieu le rassemblement universel auquel Dieu convoque toute l’humanité à vivre en grâce.

Aujourd’hui, dans l’unité pastorale composée comme ensemble de clochers ou de communautés locales, on peut difficilement parvenir à l’unicité de l’assemblée domimcale [26]. Celle-ci rétablirait certes le lien entre eucharstia, ecclesia et dies dominica. Mais il s’agit la d’une perspective idéale difficilement réalisable de nos jours ; elle supposerait non seulement le choix d’une église principale parmi les clochers de l’unité pastorale, mais la décision de ne célébrer que là le Jour du Seigneur. Une telle hypothèse est de toute évidence, la plus cohérente théologiquement parlant, puisqu’elle donne à voir, dans l’acte même de célébrer la réalisation de la mission de l’Eglise en ce lieu. Mais elle demeure la plus problématique dans le moment présent puisqu’elle supposerait, en milieu rural comme en milieu urbain, la concentration dominicale en un seul et unique édifice au détriment d’autres lieux de culte.

En revanche, il faut tabler sur la réalité des divers clochers, en leur donnant du relief en fonction de leurs caractéristiques spécifiques, mais toujours, selon moi, en référence à une église principale. Par leur insertion dans les différents villages et quartiers, ces divers lieux de culte manifestent encore une certaine proximité avec les gens de la localité et assurent une présence ecclésiale à leur égard. Poussée à son point extrême, la logique du regroupement dominical risquerait de mettre à mal l’indispensable proximité de la communauté locale avec son environnement humain et la sollicitude pastorale qu’elle traduit. Comment faire en sorte que le signe dominical soit parlant dans une multiplicité de communautés, souvent petites et éparpillées, en milieu urbain comme en milieu rural ? C’est ici que s’éprouve la tension entre regroupement des chrétiens sur un plan global, celui de l’église principale, et proximité sur le plan local assurée par les différentes communautés du nouvel ensemble paroissial.

Promouvoir la vitalité sur le plan global et la solidarité sur le plan local

Cette tension reflète une double requête. D’une part, celle de la vitalité à assurer sur le plan global vu que les (ex)-paroisses, désormais fédérées, ne sont plus en mesure de réaliser leur mission institutionnelle. D’autre part, il y a la requête d’une proximité à garantir sur le plan local : les communautés, anciennement paroissiales, n’ont en effet de sens que par leur inscription dans un "lieu" où elles attestent concrètement la sollicitude d’un Dieu qui, en Jésus-Christ et par son Esprit, s’est fait proche de notre humanité pour la sauver en l’assumant. II faut tenir ensemble inculturation dans un terroir et évangélisation de celui-ci. Mais la double requête de vitalité sur le plan global et de proximité sur le plan local renvoie en définitive à la relation entre l’universel et le particulier.

Sous peine de mourir par repli nostalgique sur le passé ou de succomber à l’esprit de clocher toujours menaçant, les nouveaux ensembles paroissiaux doivent à la fois assurer, par leurs communautés locales, une proximité faite de solidarité avec le terroir, promouvoir une ouverture mutuelle de ces communautés désormais solidaires dans la mission en ce lieu, et enfin susciter, par ce biais, une inquiétude de l’universel, susceptible d’éviter que les particularités ne deviennent des particularismes. L’enjeu est de taille. Plus un groupe se réduit, plus l’intégration de ses membres s’accompagne d’une cohésion forte, et plus l’ouverture aux nouveaux venus devient difficile sinon laborieuse. Dans ce sens, il y a lieu de se demander si l’amenuisement des communautés locales ne les entraîne pas dans une logique strictement associative. Une telle évolution, souvent encouragée au nom de la "proximité" et du respect des communautés locales, pourrait entraîner une atomisation de celles-ci et contredire, dans les faits, le principe de l’institution paroissiale comme Eglise "pour tous".

II importe des lors de ne pas se résigner à une multiplicité, voire à un éparpillement des lieux de célébration dominicale. Si l’on veut honorer la dimension ecclésiale de l’assemblée et sa portée symbolique de rassemblement, on ne pourra s’empêcher de rester perplexe face à des assemblées locales qui, le dimanche, rassemblent un petit nombre de participants, une vingtaine de personnes, la plupart du même âge, des sexagénaires. Je ne mets pas en cause le caractère respectable de ces assemblées - plus fréquentes du reste qu’on ne le croit -, mais je m’interroge sur la pertinence du signe dominical qu’elles donnent a voir. L’essentiel, à mon sens, est de l’ordre du signe. Dans l’acte même de l’assemblée du dimanche, la communauté doit pouvoir attester qu’elle est ecclésiale. Les chrétiens se rassemblent en effet le dimanche non pas simplement pour prier, mais pour "faire Eglise" et signifier par là, comme dans un jeu de rôles, la convocation déjà en œuvre d’une humanité appelée par Dieu à " vivre en grâce ".

Sur le plan de la pastorale liturgique, il conviendra de donner du relief aux nouveaux ensembles paroissiaux. Mon option est clairement celle de la mise en valeur d’une église principale, parmi les communautés de l’unité pastorale. Plusieurs raisons abondent dans ce sens. La désignation d’une église principale signifie mieux la fonction d’articulation de la "nouvelle paroisse". Elle rappelle aussi que les communautés locales, chacune pour leur part et en tant que telles, ne sont plus en mesure d’assumer le cahier des charges d’une paroisse. L’église principale manifeste, par sa qualité de référence, l’indispensable ouverture des communautés locales désormais appelées à plus de solidarité entre elles. Certes, la tournante des lieux de culte peut déjà favoriser cette ouverture [27], mais la désignation d’une église principale la symbolise.

Concrètement, c’est dans l’église principale que sera célébrée la veillée pascale au cœur de l’année liturgique, voire les offices de la semaine sainte et d’autres grandes fêtes chrétiennes. Au fil des semaines, c’est dans l’église principale que sera toujours célébrée l’eucharistie dominicale. Dans la mesure du possible, si le nombre de prêtres le permet, mais aussi en fonction d’autres paramètres [28], on célèbrera également la messe dominicale dans les communautés locales ou, à défaut, on y tiendra une assemblée dominicale non eucharistique. De toute façon, on y célébrera la "louange dominicale [29]" à condition, cependant,

La nouvelle paroisse, espace de catholicité ?

Dans quelle mesure, la nouvelle donne ecclésiale contribue-t-elle à la catholicité de l’Église que nous confessons dans le Credo ? Telle est la seconde question que je me posais au seuil de cette contribution. Voici quelques éléments de réponse que je présente en cinq points.

La diversité des communautés, une chance pour l’inculturation de la foi

Jadis, la pertinence du signe dominical se concentrait dans l’assemblée unitaire de la paroisse de la localité, village ou quartier. On avait dès lors une relation stricte entre eucharistie, assemblée et dimanche. La catholicité de l’Église, confessée dans le Credo, se concentrait dans le signe de la messe dominicale en paroisse. Aujourd’hui la nouvelle donne ecclésiale repose sur la diversité des communautés et la multiplicité des assemblées. Cette pluralité est non seulement un fait, elle est une chance pour inculturer la foi dans une variété de situations locales et d’itinéraires humains. J’ai souvent évoque les communautés locales, mais il y aurait tout autant a souligner des catégories, voire des groupes spécifiques. Je songe en particulier aux jeunes, trop peu nombreux pour être réunis sur le plan d’une localité, mais qu’on peut rassembler d’une manière plus significative et enthousiasmante sur le plan de l’unité pastorale. On pourrait aussi faire allusion aux recommençant. L’attention particulière à des catégories spécifiques se traduira en pastorale liturgique par la mise en œuvre de célébrations différentes [30].

Loin de cloisonner ces personnes, il s’agira de leur donner le cadre adapte pour découvrir l’Évangile, cheminer dans la foi, s’attacher a Jésus Christ, vivre de son Esprit et apprendre progressivement à faire Église. La religiosité affinitaire de la modernité est plus le cadre que la cause de cette option pastorale. La raison fondamentale tient à la pastorale d’engendrement : il s’agit d’offrir un cheminement ecclésial qui fasse découvrir que la vie en Eglise est d’abord et avant tout une question de mise en route et d’itinérance avec d’autres, dans un peuple sans cesse suscite par l’appel de Dieu et précède parsafidélité.II importe donc de tenir à la diversité des communautés locales et autres. Cette diversité n’est cependant pas a cultiver pour elle-même. Dans ces groupes, il ne s’agit évidemment pas de vivre en autarcie, a l’image de la paroisse de jadis, sorte d’isolat se suffisant à lui-même. II s’agit de reconnaître des particularités, des lors qu’elles signifient des expériences de vie chrétienne. C’est le préalable de toute catholicité ecclésiale, puisque le mystère du salut est affaire d’incarnation, et sa transmission affaire d’inculturation. II s’agit surtout, à partir de là, de faire jouer ensemble ces particularités.

L’ouverture mutuelle et l’apprentissage de la communion ecclésiale

Les communautés locales ne peuvent pas s’enfermer dans leur différence. Elles se priveraient ainsi des dons des autres communautés, au risque de devenir sourdes à l’Esprit qui s’y révèle et aveugles aux charismes qu’elles contiennent. La nouvelle paroisse peut vraiment être un espace de catholicité si les communautés locales se situent en référence aux autres, dans une complémentarité basée sur l’estime réciproque et la reconnaissance mutuelle. C’est en ce sens que l’unité pastorale ou le nouvel ensemble paroissial pourra vraiment devenir le cadre d’un apprentissage de la communion. Celle-ci se déploie " grâce aux ligaments, jointures et articulations (cf. Col. 2, 19 et Ep. 4, 16) mis en place pour permettre l’échange, le partage, la reconnaissance et le service [31]". La "nouvelle paroisse" qui se construit sur l’articulation des différentes communautés est ainsi le terrain concret ou chacune et toutes ensemble apprennent ce que signifie et implique la communion ecclésiale.

On mesure ici combien celle-ci trouve sa source dans le mystère trinitaire dont l’Église procède, mystère d’unité et de diversité, d’altérité et de complémentarité, d’égalité et de différence. Concrètement, la liturgie peut être un des lieux, sinon le lieu de reconnaissance de ce mystère confesse et célèbre : celui d’une Parole qui convoque un peuple, celui d’un don qui fait son unité, celui d’un amour qui l’engage à aimer en retour, en " action de grâce", et fait de ce monde un monde plus beau et plus habitable. Par l’ouverture mutuelle des communautés locales, la "nouvelle paroisse" devient ainsi un espace de catholicité où chrétiens et communautés, fidèles, pasteurs et autres ministres sont confrontes au mystère d’unité qui les fonde et les envoie.

La nouvelle paroisse et les autres pôles de vie ecclésiale

Dans cette perspective, l’apprentissage de la communion par la reconnaissance des particularités ne pourra qu’inciter les communautés locales à se situer positivement par rapport aux autres lieux ou se fait l’Église en ce lieu à savoir les autres pôles de vie ecclésiale - qu’ils relèvent de l’initiative diocésaine, du ressort épiscopal ou de la liberté associative des fidèles. Certes, le réseau paroissial, aujourd’hui comme hier, assure en grande partie la visibilité du fait chrétien et singulièrement du mystère qui l’habite : par la présence d’une communauté de fidèles et de leur pasteur, par la tenue d’une assemblée dominicale, par le bâtiment église, son clocher et un presbytère, mais aussi, sinon tout autant, par un vécu fraternel d’entraide et de solidarité, un apprentissage de la charité, etc. Mais au sein de l’Église locale diocésaine en régime de modernité, le réseau paroissial ne porte pas à lui tout seul la mission d’annoncer l’Évangile. Par leur extension, surtout en milieu rural, mais déjà en périphérie urbaine, les nouveaux ensembles paroissiaux sont confrontes a la présence d’autres réalités ecclésiales que les clochers et leurs communautés locales respectives. Je songe ici à la présence de mouvements, d’institutions temporelles chrétiennes comme une école, ou encore la présence d’un sanctuaire.

C’est avec ces autres réalités d’Église que la "nouvelle paroisse" doit non seulement coexister, pacifiquement si possible ( !), mais surtout entrer en relation pour s’enrichir et s’interpeller mutuellement. La prise au sérieux de la complémentarité de ces divers pôles au sein du diocèse devra se traduire en un partenariat plus large avec l’ensemble du tissu ecclésial en ce lieu. N’est-ce pas sur la base de cette complémentarité et en vertu de ce partenariat que devrait se penser, s’élaborer et se réaliser la mission de l’Église locale, à savoir se mettre à l’écoute de nos contemporains, avec sympathie et discernement, et annoncer avec audace et joie la Bonne Nouvelle de Jésus Christ ? N’est-ce pas à partir de ce dispositif ecclésial pluriel que l’Eglise locale sera plus en mesure de contribuer à l’humanisation de la société ambiante, notamment par le biais des institutions temporelles et de la vie associative, sans oublier la présence capillaire des chrétiens dans des institutions et associations pluralistes ? Mais parce qu’elle est le lieu par excellence du signe dominical, n’est-ce pas en paroisse que ces chrétiens, impliques dans d’autres réalités ecclésiales et engages dans la société ambiante, gagneront non pas d’abord a se ressourcer - ce qu’ils peuvent faire dans divers lieux d’Église -, mais à se côtoyer, à se parler et à se reconnaître tous, mais chacun à leur façon, porteurs de la mission de l’Église en ce lieu ? Ce sera tout bénéfice pour les assemblées dominicales de ne pas être simplement là pour les "pratiquants", mais "pour tous" - militants, prophètes et sages - nourris autant que passionnés par l’Évangile. Cette ouverture du réseau paroissial aux autres pôles, et vice versa, permettra de vérifier que "l’Église sainte, par institution divine, est organisée et dirigée selon une merveilleuse variété"(LG 32a).

La synodalité de la nouvelle paroisse, "tenir conseil" pour la mission

Dans nos pays de vieille chrétienté, au-delà de toute nostalgie du passe, se pose la question du témoignage évangélique des nouveaux ensembles paroissiaux, sans préjuger ni négliger l’apport spécifique des autres pôles de vie ecclésiale. Au sein des "nouvelles paroisses", il importe que les communautés locales soient reliées les unes aux autres dans un projet "paroissial" et deviennent sensibles à leur engagement dans leur environnement propre. La nouvelle donne ecclésiale ouvre un horizon missionnaire pour ces communautés invitées à dépasser une préoccupation trop narcissique pour leur organisation interne, sinon leur propre survie. II est urgent de dépasser un ecclésiocentrisme latent dans toutes nos questions de remodelage, pour approfondir notre conscience ecclésiale d’être un peuple, certes convoque, mais pour être envoyé - rassemblé pour être disséminé. A cet effet, les intentions ne suffisent pas. La tension missionnaire inhérente à l’Église doit se traduire dans des institutions. Afin de donner corps à la coresponsabilité baptismale de tous dans le témoignage évangélique et la mission ecclésiale, il importe de se donner les moyens institutionnels appropries pour cultiver la synodalité de ces communautés fédérées dans des ensembles paroissiaux.

C’est ici que trouvent leur place les Conseils pastoraux. Cette instance synodale constitue le cadre où les chrétiens de la nouvelle paroisse peuvent "tenir conseil" pour s’interroger sur le tonus évangélique de leurs communautés, élaborer des orientations et des actions qui attestent concrètement dans leur environnement la bonne nouvelle de la sollicitude de Dieu pour tous, l’offre gracieuse de son amour, et offrir des signes du Royaume en contribuant à un monde plus beau et plus fraternel. A défaut de pouvoir exister sur le plan des unités pastorales, ces Conseils pastoraux seront établis, mutatis mutandis, sur le plan des doyennes. Ces instances synodales - dont la réactivation sera si bénéfique à l’Église catholique latine - deviendront ainsi des lieux à les communautés prendront mieux conscience qu’elles sont " envoyées ". Cette conscience naît cependant déjà de l’action liturgique.

La liturgie, creuset de catholicité par sa référence au mystère qu’elle célèbre

Dans la "nouvelle paroisse", la liturgie n’est pas concentrée en un seul lieu. Certes, j’ai opte pour la mise en valeur d’une église principale, mais cela ne devra pas se faire au détriment d’un déploiement de la vie liturgique des communautés locales. Celles-ci se situeront en référence à l’église principale sans que celle-ci n’absorbe toutes les potentialités des communautés locales ou ne disqualifie leurs ressources propres. C’est dans chaque communauté locale que doit se vivre l’action commune de la louange, de l’action de grâces et de l’intercession [32].

La liturgie a un rôle éminent à jouer dans la promotion d’une véritable culture de la catholicité. La liturgie est en effet un des lieux privilégies où l’Eglise se considère en référence à ce dont elle est la figure sociale et historique, le mystère de la révélation de Dieu Père, Fils et Esprit-Saint [33]. Or, le mystère trinitaire est la source autant que le fondement de la catholicités. En célébrant le mystère qui l’habite, à savoir la communion de grâce que Dieu a établie avec notre humanité par Jésus Christ et dans son Esprit, la communauté ecclésiale se dispose à en vivre et à le traduire en paroles et en actes. Elle célèbre le mystère qu’elle sert en prenant corps en ce lieu par l’action de grâce du Christ dans laquelle, par l’Esprit, elle prend part. C’est particulièrement vrai dans l’eucharistie. L’épiclèse sur le pain et la coupe ne s’arrête pas à leur transformation en corps et sang du Christ, mais elle débouche sur une conversion ultérieure, plus importante, à savoir la transformation que l’Esprit Saint opère dans la vie de ceux et celles qui communient au corps et au sang sacramentels du Christ qui s’est donné pour la vie du monde. " Le corps et le sang sacramentels, écrit J.-M. R. Tillard, n’existent que pour que soit transmis en sa vérité le don en quoi a consiste l’événement pascal [34]. " La communauté ecclésiale prend corps dans le Christ par l’Esprit. Elle est destinée à accueillir la richesse de la grâce. Elle est appelée à se laisser remplir par la vie de Dieu que le Christ, dans sa Pâque, nous prodigue et que l’Esprit déploie en nous. Saint Paul dit que l’Église est "plénifiée", rendue pleine du Christ - comblée, dirait-on, par ce que lui-même reçoit du Père dans l’Esprit (Ep. 1, 6.23 ; 4, 10.13 ; Col. 1, 19 ; 2, 9-10).

L’Église est confessée " catholique " parce qu’elle est branchée sur cette plénitude de grâce. Des hommes et des femmes, disciples de Jésus Christ, lui donnent corps ensemble sous l’action de l’Esprit Saint parce qu’ils écoutent sa Parole (corps d’Écriture), entrent dans son action de grâce (corps eucharistique) et s’inscrivent dans une dynamique d’alliance (corps social ou ecclésial). II y a comme une "prise de corps" qui s’effectue dans une logique d’incarnation où ce Jésus, né de Marie, se donne au Père par amour pour nous, meurt sur la croix (corps historique), est relevé par la fidélité de Dieu, resurgit de l’abîme de la mort (corps ressuscité). Cette prise de corps d’hommes et de femmes "incorporés" dans le Christ depuis leur baptême représente une variété inouïe d’itinéraires personnels, de cheminements spirituels, d’états de vie, de vocations particulières, mais également de dons reçus et partagés, de charismes pour le bien de tous, de talents confies pour porter des fruits, de fonctions pour le service de l’Église et de sa mission.

La catholicité de l’Église résulte de cette diversité autant qu’elle la produit dans le Christ par son Esprit. Sanctifiée par l’amour de Dieu, l’Église trouve, selon son désir gracieux sa cohérence et son sens dans cette merveilleuse variété qui la compose [35]. Celle-ci contribue à réaliser une admirable unité (voir LG32c). Le modèle, de la catholicité ecclésiale est la vie trinitaire de Dieu. Cette vie circule entre tous, diversité nouée dans l’unité sans confusion ni séparation. Saint Pierre parle de la grâce bariolée de Dieu (1 P 4,9) Le même amour de Dieu est reçu et traduit dans un éventail de destinées individuelles d’hommes et de femmes en chair et en os, héritiers d’une culture et artisan d’une histoire, ici et maintenant, en ce lieu. N’est-ce pas parce que, dans son désir de rencontrer tout être humain ce même amour de Dieu est destiné à toute l’humanité qu’il est venu convoquer à l’alliance, par le Christ et dans l’Esprit ? C’est ici que la catholicité, en vertu même de sa capacité d’inculturation, suggère l’universalité du propos de Dieu. Celui-ci veut sauver tous les hommes. La mission de l’Église est de signifier l’universalité du salut. Sa catholicité l’anticipe déjà, dans l’attente de sa pleine réalisation, quand Dieu sera tout en tous (voir 1 Co.15,28).

L’assemblée dominicale peut être le lieu où se représente cette catholicité, du moins si elle se compose d’un ensemble de fidèles suffisamment nombreux et comprend une diversité relativement significative. La catholicité s’y représente au double sens où l’assemblée la joue et la manifeste. A ces conditions, l’assemblée dominicale constitue un scénario d’une prise de conscience de l’identité ecclésiale de la communauté dont les membres se découvrent alors convoqués et envoyés, selon cette même logique du don en quoi à consisté l’événement pascal. Au moment de remodeler le réseau paroissial, il serait regrettable de négliger les conditions, voies et moyens, susceptibles de donner à voir notre identité ecclésiale et de signifier notre vocation catholique " pour la gloire en Dieu et le salut du monde ".


[1] Voir J HOFFMANN, L’Eglise et son origine, dans B. LAURET, F REFOULÉ dir., Initiation à la pratique de la théologie, t. 3,Dogmatique 2, Paris, Éd. du Cerf, 1983, p. 55-141.

[2] M. VAN PARIJS, osb, Rassembler dans l’unité des enfants de Dieu dispersés, à paraître dans Irenikon 2002/1-2.

[3] Je cite ici A. G. MARTIMORT, Structure et lois de la célébration liturgique, dans ID., L’Église en prière. Introduction a la liturgie, édition nouvelle, t. 1, Principes de la liturgie, Paris, Desclée, 1983, p. 101, où l’auteur allègue Pline le Jeune, saint Justin, Philippe Bardesane et Tertullien ; voir à ce sujet A. G. MARTIMORT, Dimanche, assemblée et paroisse, LMD 57, 1959/1, p. 55-84, en l’occurrence p. 55-67.

[4] II conviendrait d’ajouter "et du don de l’Esprit de Pentecôte", car l’eucharistie comme l’œuvre du salut, s’entend dans un sens à la fois christologique et pneumatologie, vu que c’est le projet d’un Dieu trinitaire qui s’opère et s’actualise "par le Christ dans l’Esprit".

[5] J.-M. R. TILLARD, Les sacrements de l’ Église, dans B.LAURET, F. REFOULE, dir., Initiation a la pratique de la théologie,t.3, Dogmatique, Paris, Éd. du Cerf, 1983, p. 385-466, ici p. 449.

[6] C’est au matin du "premier jour de la semaine" que Jésus ressuscité s’est laissé reconnaître par les siens (Mt 28,1-10 ; Mc 16,1-9 ; Lc 24,1-10 ; Jn 20 1-18). Au soir de ce "même jour", il se manifesta aux disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35 ; cf. Mc 16, 12). Ceux-ci "le reconnurent à la fraction du pain" (Lc 24, 35). Ce "même soir du premier jour de la semaine" le Ressuscité prit également l’initiative de se rendre présent à ses disciple : "il était là au milieu d’eux"(Jn 20,19 ; cf. Lc 24, 36). "II mangea avec eux", nous dit saint Luc (24, 41-43).

[7] Voir Ch. PERROT, Le début des temps derniers.... Le dimanche et le huitième jour dans le Nouveau Testament", LMD 220,1999/4, p. 73-87.

[8] Outre l’ouvrage de référence sur le dimanche, celui de W. RORDORF, Sabbat et dimanche dans l’Église ancienne, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé 1972, je citerai simplement l’article de P. GRELOT, Du sabbat juif au dimanche chrétien, LMD 123, 1975/3, p. 79-107 ; 124, 1975/4, p. 14-54, ainsi que l’ouvrage collectif de A. HAQUIN et E. HENAU, dir., Le Dimanche. Un temps pour Dieu, un temps pour l’homme, Bruxelles, Licap 1992. Je renvoie volontiers à l’ouvrage publié par la Commission épiscopale française de liturgie et de pastorale sacramentelle, Le Dimanche. Situation, enjeux et propositions pastorales, Paris, Ed. du Centurion coll. " Documents d’Église", 1991. Je rappelle la Lettre apostolique Dies Domini de Jean-Paul sur la sanctification du dimanche (La Documentation catholique 93, 1998, p. 658- 682) qui se déploie selon la séquence suivante : Dies Domini (p. 661-663) - Dies Christi (p. 663-666) - Dies Ecclesiae (p. 666-673) - Dies hominis (p. 673-677) - Dies dierum (p. 677-679).

[9] Accueillant la parole de Dieu qui la rassemble et la fait vivre, se nourrissant du pain et de la coupe du mémorial, l’Église "se souvient" qu’elle est envoyée, elle aussi - elle actualise sa nature foncièrement "missionnaire" , pour faire de ce monde le "monde-que-Dieu-veut".Voir J.-M. R. TILLARD, Les sacrements de l’Église, art. cite note 5, p. 463.

[10] Je développe cette thématique du dimanche et de sa célébration dans une étude récente : A. BORRAS, Communautés paroissiales et assemblées dominicales. De la pratique prophétique du dimanche en paroisse, Esprit et Vie, t. 110, 2000/15, p. 3-13

[11] A l’exception de quelques grandes villes comme Rome ou Alexandrie, il n y avait d’ailleurs qu’une communauté chrétienne une ecclesia, par ville. Celle-ci peut à bon droit être qualifiée de communauté cathédrale du fait de la cathedra, du siège de l’évêque symbole de sa fonction de présidence. Pasteur et chef de l’ecclesia, l’évêque présidait à l’Église en ce lieu et à son eucharistie, le jour du Seigneur.

[12] Voir A. BORRAS, Pourquoi la paroisse ? Origine et mission des communautés paroissiales, Prêtres diocésains n° 1347, 1997, p. 121-136.

[13] II me plaît de citer l’étude d’un auteur éminent, F. BOULARD, Aspects sociologiques. Le problème des trop petites paroisses,LMD 57 1959/1 p. 9-24. Plus récemment, on pourra entre autres se reporter aux études suivantes : Y. LAMBERT, L’évolution des paroisses catholiques, dans M. CLEVENOT, dir., État des religions dans le monde, Paris, La Découverte-Le Cerf, 1987, p. 504-506. A. CHEVALIER, La Paroisse post-moderne. Faire Eglise aujourd’hui : l’exemple du Québec, Montréal-Paris, Ed. Paulines-Médiaspaul, 1992 ; l’ouvrage du groupe Pascal Thomas, Que devient la paroisse ? Mort annoncée ou nouveau visage ?, Paris, Desclée de Brouwer, coll. "Pascal Thomas-Pratiques chrétiennes" 11, 1996 ; J. JONCHERAY, Les paroisses rurales dans un paysage qui se transforme, LMD 206, 1996/2 p 21-31 • 0. VALLET, Le mariage des clochers, Revue administrative 304, 1998, p. 503-504 ; A. BORRAS, Mutations pastorales et remodelage paroissial, Esprit et Vie, t. 108, 1998/24, p. 529-546.

[14] A mon humble avis, les responsables diocésains ne peuvent s’abandonner à la fatalité et se contenter de "voir venir". Ce serait extrêmement dommageable pour la présence de l’Église dans la société moderne. L’émiettement des clochers pourrait entraîner l’évanescence des paroisses, en atténuant la visibilité que celles-ci procurent à l’annonce de l’Évangile. Voir A. BORRAS, Le remodelage paroissial : un impératif canonique et une urgence pastorale, dans l’ouvrage collectif sous la direction de G. ROUTHIER, Paroisses et ministère. Métamorphoses du paysage paroissial et avenir de la mission, Montréal-Paris, Médiaspaul, 2001, p. 43-195.

[15] La qualité d’église "principale" sera déterminée en fonction de différents paramètres, comme le cadre administratif et civil, les conditions économiques et sociales actuelles, et l’évolution pastorale des communautés concernées. Dans bien des cas, l’église principale sera celle du chef-lieu de canton. Parfois, elle se trouvera dans la localité la plus importante du point de vue économique. Dans certains cas, il arrivera que l’église principale pourra être l’église qui, historiquement, s’est trouvée à l’origine des autres paroisses. Nous avons ici à faire à l’église-mère, ecclesia matrix. Sur ce concept d’ecclesia matrix au haut Moyen Âge, voir J. IMBERT, Les Temps carolingiens, Paris, Éd. Cujas, coll. Histoire du droit et des institutions de l’Église en Occident, t. 5, 1, 1994, p. 143.

[16] L’adhésion croyante des citoyens passe désormais par le creuset de l’expérience personnelle et des solidarités affinitaires plutôt que par l’appartenance totalisante à une institution religieuse, en l’occurrence, pour ce qui nous concerne, l’Église catholique. Voir D. HERVIEU-LEGER, Croire en modernité : aspects du fait religieux contemporain en Europe, dans F. LENOIR et Y. TARDAN-MASQUELIER, Encyclopédie des religions, t. 2, Paris, Bayard-Éditions, 1997, p. 2059-2077. Cet article est relatif à l’Europe, mais plusieurs éléments de l’analyse se vérifient également en Amérique du Nord. On lira également la récente contribution de L. Voyé, L’institution ecclésiale face aux développements contemporains, dans V. SAROGLOU et D. HUTSEBAUT, dir., Religion et développement humain. Questions psychologiques, Paris, L’Harmattan, coll. Religion et sciences humaines, 2001, p. 275-293.

[17] Quatre décennies après Vatican II, la persistance d’une pratique dévotionnelle de la liturgie s’explique sans doute non seulement par la mise en œuvre laborieuse de la réforme liturgique, mais aussi, sinon surtout, par l’influence culturelle de la modernité, qui opère une réduction individualiste et privatisante, voire également utilitaire, de la religion. (Lire à ce propos J.-Y. HAMELINE, Les Rites de passage d’Arnold Van Gennep, LMD 228, 2001/4, p. 7-39, surtout vers la fin. N.D.L.R.)

[18] Je renvoie par exemple aux réflexions particulièrement pertinentes, sur le plan de la pastorale liturgique, de L.-M. CHAUVET, Les Sacrements. Parole de Dieu au risque du corps, Paris, Éd. de l’Atelier, coll. "Vivre, croire, célébrer", 1997, p. 188-216.

[19] Voir Th. PAQUOT, Homo urbanus, Paris, Le Félin, 1990, et plus récemment l’ouvrage collectif sous la direction de Th. PAQUOT, M. LUSSAUT et S. BODY-GENDROT, La Ville et l’Urbain, Paris, Éd. de la Découverte, 2000 ; B. FRANCÌ et X. LELOUP, Pour une socio-anthropologie urbaine... prospective, Recherches sociologiques 32, 2001/1, p. 77-85. Pour une spiritualité de la ville, c’est-à-dire pour une expérience spirituelle au cœur de la réalité urbaine, on lira par exemple : A. BEAUCHAMP, Les présences citadines de Dieu Christus 166, 1995, p. 136-148.

[20] Lire l’ouvrage du collectif publiant sous le nom de Paul MERCATOR, La Fin des paroisses ? Recompositions des communautés aménagement des espaces, Paris, Desclée de Brouwer, 1997 ,P-39. Les auteurs y notent la puissance des lieux de référence, le lien étroit entre racines religieuses, racines familiales et appartenance sociale. Dans nos sociétés mobiles, le lieu de résidence ne devient une référence paroissiale que lorsque les familles ont établi des relations stables, accédé à la propriété, scolarisé et catéchisé des enfants, etc. Les effets de la mobilité géographique sur la pratique religieuse sont désormais plus nets (p. 95-97 et 102-103).

[21] On lira à ce propos les conclusions (actuelles) de l’étude (historique) de Ph. MARTIN, Christianisation de l’espace rural (XVIe XIXe siècle), Communio 23, 1998/4, p. 56-57.

[22] Voir X. DURAND, Reforme paroissiale et enjeux liturgiques. Quinze ans après le synode diocésain de Limoges, LMD 223, 2000/3, p. 43, citant en l’occurrence J.-M. MALLET-GUY, Un synode diocésain : dix ans après, Prêtres diocésains 1331, août-septembre 1995, p. 315- 326.

[23] En Occident, cette dissociation a été amorcée dans l’Eglise latine par la multiplication des eucharisties des le Ve siècle : messes votives pour les martyrs, messes pénitentielles, messes célébrées aux intentions particulières des fidèles. Désormais, l’eucharistie sera célébrée en semaine et dans d’autres lieux que l’église cathédrale ou paroissiale, monastères ou sanctuaires, et même plusieurs fois par jour. Cette évolution va faire en sorte que se détende le lien entre rassemblement de l’Église en un lieu (communauté cathédrale ou paroissiale), célébration de l’eucharistie et jour du Seigneur. De ce fait, le rythme hebdomadaire ne sera plus aussi spontanément et étroitement associé à l’eucharistie et la portée ecclésiale de celle-ci sera quelque peu obscurcie.

[24] Voir A BORRAS, Communautés paroissiales et assemblées dominicales. De la pratique prophétique du dimanche en paroisse, cité en note 10, p. 3-5, 12-13.

[25] Sur cette question des "pôles de vie ecclésiale", outre les réflexions de PH Barras, Liturgie et groupements de paroisses. Vers une nouvelle géographie de la pastorale liturgique et sacramentelle, célébrer 252, 1995, p.8, et celles du cardinal L-M Billé, L’Église au milieu des maisons des hommes, Croire aujourd’hui 42, 1998, p. 18-20, je renvoie volontiers à l’article récent de mon collègue québécois G. ROUTHIER, De multiples lieux pour "faire Église aujourd’hui", Esprit et Vie, t. 111, 200/145, p. 3-9.

[26] Je me permets de renvoyer à mon étude : A. BORRAS, Considérations canoniques sur la vie liturgique dans a nouvelle paroisse, Esprit et Vie. t. 111, 2001/34, p. 3-15, ici p. 7-10.

[27] Évoquant la tournante liturgique mise en œuvre dans bon nombre de paroisses nouvelles, L.-M. RENIER écrit : "Ce mouvement tournant appelle à sortir de chez soi, à se dessaisir d’un certain sentiment de possession, à vérifier, dans leur propre pratique, la réalité universelle de l’Église (catholicité) et donc à ne plus concevoir la territorialité de la même manière. Pour les non-pratiquants, cette mobilité donne a voir une Église pérégrinante, nomade en quelque sorte, qui ne s’enferme plus sur un clocher, mais se plie (même si c’est par la force des choses) a la nouvelle réalité sociale" (A paroisses ouvertes, liturgies diversifiées, LMD 206, 1996/2, p. 57-58).

[28] Je songe en particulier à des paramètres comme l’importance de chacune des communautés locales, la volonté de prise en charge des gens, les ressources et les moyens disponibles sur place, la distance par rapport à l’église principale, etc. Voir A. BORRAS, Considérations canoniques sur la vie liturgique dans la nouvelle paroisse, cité note 26, p. 15.

[29] Plutôt que l’acronyme "officiel" ADAP, je préfère utiliser, à la suite de Mgr A. Rouet, l’expression "louange dominicale" (voir A. ROUET, Un diocèse face aux mutations du monde rural, LMD 206, 1996/2, p. 17-18).

[30] Je voudrais évoquer la nécessite de célébrations liturgiques non eucharistiques, le dimanche ou en semaine, pour ceux qui découvrent petit à petit le trésor de l’Évangile ou prennent à nouveau le chemin de la foi, mais aussi pour les pratiquants occasionnels ou ceux qui "viennent voir". A ce propos, je cite volontiers le père J. Gelineau, qui aime à dire que l’assemblée "ne peut plus faire comme si tout le monde était prêt d’emblée à se signer au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, à confesser ses péchés, à entendre trois lectures bibliques, etc." (J. GELINEAU, Des communautés locales ne veulent pas mourir, Croire aujourd’hui 42, 1998, p. 28-29).II nous faut faire preuve d’imagination suffisante et surtout d’audace pastorale pour accueillir chacun tel qu’il est, lui permettre de cheminer à son rythme et de faire avec une communauté le bout de chemin dont il est capable. Peut-être s’agit-il d’abord de prier ensemble, librement, joyeusement, par plaisir, avec des formes très simples, des chants de type litanique. Ensuite vient le temps de l’écoute de la Parole, suivi d’une explication accessible, stimulante, suggestive pour vivre de cette bonne nouvelle. Et enfin, pour ceux qui le souhaitent, parce qu’ils en ont déjà creusé le désir, la liturgie eucharistique et, le cas échéant, la sainte communion. Sur la diversité des assemblées et des membres qui les composent, on lira, dans le manuel de pastorale liturgique édité sous la direction de J. GELINEAU, Dans vos assemblées, Sens et pratique de la célébration liturgique, t. 2,Paris, Desclée, 1989, les réflexions de G. SAVORNIN, L’assemblée des chrétiens, p. 324-326 et M.-N. THABUT, Les membres de l’assemblée, p. 330-337. Une telle perspective rend possible la redécouverte de la diversité des cheminements en Église, de leur nécessaire complémentarité et émulation réciproque, et la mise en valeur de l’itinérance ecclésiale (voir A. BORRAS, Appartenance a l’Église ou itinérance ecclésiale ?, Lumen Vitae 48, 1993, p. 161-173).

[31] G. ROUTHIER, Le Défi de la communion. Une relecture de Vatican II, Montréal Paris, Médiaspaul, 1994, p. 83.

[32] On veillera au moins à vivre des temps de prière comme certains offices de la liturgie des Heures, laudes ou vêpres, ou des célébrations liées à ces événements locaux, comme un deuil.

[33] J. HOFFMANN, L’Église et son origine, art. cité note 1, p. 63.

[34] J.-M. R. TILLARD, Les sacrements de l’Église, art. cite note 5,p.450.

[35] Je traduis ici toute la portée fondamentale de cette affirmation des Pères de Vatican II : " L’Église sainte, par institution divine, est organisée (ordinatur) et dirigée (regetur) selon la merveilleuse variété" LG 32a.

 

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