musée du diocèse de lyon

entrée

le cardinal Coullié à l’A.C.J.F.

1912

 

 

 

 

 

MESSIEURS ET CHERS AMIS

 

 

 

A la fin de cette belle semaine de prière et de travail, il m'est bien doux d’accomplir un devoir de reconnaissance en exprimant, au nom de tous, notre respectueuse gratitude à nos Seigneurs les Evêques qui ont daigné honorer le Congrès de leur présence, et vous ont apporté leurs conseils et leurs bénédictions.

 

Merci à tous les orateurs qui, avec des accents que vous n'oublierez certainement pas, ont affermi votre foi et réconforté vos volontés.

 

Je vous remercie vous-mêmes d'avoir choisi notre belle ville de Lyon pour y tenir vos assises pacifiques. Lyon est la ville qui travaille et qui prie : la Cité de Marie « Lugdunum Suum » ; Lyon vous présente l’armée des martyrs qui lui méritèrent le nom de Rome des Gaules. Mais n'êtes-vous pas aussi des jeunes gens de prière de travail et de vaillance chrétienne ? Laissez-moi donc, en cette circonstance solennelle, réveiller un antique usage et vous conférer à tous le beau titre de « Citoyens Lyonnais ».

 

Ce devoir accompli, permettez-moi de vous adresser les « novissima verba » qu'un père laisserait à ses enfants, avant de paraitre devant Dieu. Je les résume en trois mots : Vigilance, confiance et vaillance.

 

Je dis d'abord : vigilance ! La lutte engagée contre le Souverain Maitre et contre son Eglise est terrible et les paroles du saint Roi David retrouvent une actualité saisissante : « Les nattons frémissent et les peuples méditent des projets insensés ». Mais, ne vous en étonnez pas. Relisez l'histoire de l'Eglise, vous y trouverez bien des pages mouillées de larmes ou tachées de sang, car son Divin Fondateur lui avait prédit ce combat perpétuel, el la parole de Jésus-Christ se réalise toujours.

 

Remarquez en passant que, si l'Eglise est conquérante quand il s'agit du salut des âmes, elle n'est jamais agressive. Elle est cependant vigilante : dépositaire de deux précieux trésors, je veux dire la vérité et la liberté, elle les a défendus depuis vingt siècles, et elle saura les défendre jusqu'au bout, jusqu'à l'effusion du sang.

 

Donc, mes chers amis, vigilance ! Je ne vous dis pas de vous mettre sur le pied de guerre, mais de garder une intelligence défensive : Si vis pacem, para bellum !

 

Je dis ensuite, confiance ! Dans les guerres entre nations, les chefs d'Etats renforcent leurs effectifs, et vous savez au prix de quels sacrifices ils multiplient les armements. Pour Dieu, il n'en va pas ainsi. Quand un Goliath bien armé et vomissant des injures provoquait le peuple Israël, il suffisait au Tout-Puissant d'un petit David et de cinq cailloux dans la fronde du jeune berger pour terrasser l'orgueilleux Philistin et assurer la victoire de son peuple. Comme David, vous vous dépouillerez de tout ce qui est humain, matériel ; et votre fronde, c'est-à-dire votre cœur, fort des vertus symbolisées par les cinq cailloux du récit biblique, aura raison des ennemis de votre foi.

 

Courage donc, et confiance!

 

J'ajoute enfin, vaillance ! Comme enfants de la Sainte Eglise, vous devez être indomptables dans la défense de votre foi et de votre vertu.

 

Il me souvient d'avoir vu, dans ma jeunesse, un beau tableau représentant un épisode de l'épopée napoléonienne. C'est à la veille d'une grande bataille ; la nuit est profonde. Napoléon, revêtu de la redingote grise et du petit chapeau légendaire, visite lui-même les grand'gardes. — Une sentinelle en apercevant cette ombre s'écrie : « On ne passe pas « ! — « Je suis le petit caporal », répond l'Empereur. — Et la sentinelle « Eh ! quand bien même vous seriez le petit caporal, on ne passe pas » ! — Je ne sais si l'Empereur récompensa l'humble soldat, fidèle à la consigne, mais il dut être satisfait de voir son camp si bien gardé !

 

Vous aussi, mes chers amis, vous êtes appelés à devenir nos grand'gardes. L'impiété, le doute, les sophismes et les mille erreurs qui envahissent les intelligences, se présenteront à votre esprit pour ébranler votre foi, dans de mauvaises lectures, dans des discours impies... Répondez énergiquement: « On ne passe pas » ! Satan et ses suppôts lanceront à l'assaut de votre vertu toutes les séductions de la richesse, de l'ambition, des plaisirs dangereux... Chrétiens, dans votre vie privée comme dans votre vie publique, sans compromission ni défaillance, vous répondrez : « On ne passe pas » !

 

Enfin, mes chers amis, soyez fiers de vos croyances; portez noblement votre beau nom de catholiques : il n'y a pas de titre de noblesse qui puisse l'égaler ! C'est celui qui a inspiré la devise de notre chère Bretagne, devenue devise bien française : « Potius mori quam foedari » Traduisons-la ce soir crânement : « Oui, pour Dieu, pour la Sainte Eglise, pour la France, nous acceptons le travail, la souffrance, la mort s'il le faut, mais la félonie, jamais !

 

 

 

SOURCE : Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1912, pp.593-594, Congrès national de l'A.C.J.F. — Allocution prononcée par S. E. le Cardinal Coullié, Archevêque de Lyon, à la Séance solennelle de clôture au Cirque Rancy.