affaire du Prado
communiqués
officiels
Communiqué
des cardinaux Achille LIENART, Prélat de la Mission de France, et Pierre
GERLIER, archevêque de Lyon, Rome, octobre 1958
(La Croix du 22 octobre 1958, Semaine Religieuse de Lyon 1958/49)
Nous ne pouvons aujourd’hui entrer dans les
détails de ces affaires que notre éloignement nous empêche de connaître
complètement.
Mais il est inadmissible de présenter comme
des organisations créées pour aider les terroristes d’Afrique du Nord, les
œuvres sociales ou d’assistance que des prêtres ont entreprises pour secourir
au nom de la charité chrétienne les Nords-Africains résidant en France. L’aide
morale et matérielle fournie aux malheureux qui souffrent est conforme à la
doctrine séculaire de l’Eglise.
Il est inadmissible qu’on dénonce aussitôt
comme coupables d’attentat à la sûreté de l’Etat des prêtres dont la cause n’a
pas encore été jugée et dont plusieurs ont été déjà remis en liberté
provisoire.
Même si, dans l’exercice de leur charité,
l’un ou l’autre de ces prêtres avaient été trop loin et avait commis quelque
faute, cela ne justifierait nullement l’accusation de progressisme lancée à la
légère contre des institutions parfaitement en règle avec l’Eglise, comme
celles qui se trouvent actuellement en cause.
Peut-être l’injustice de cette campagne et
l’opportunité de notre mise au point apparaîtront-rllrd plus clairement quand
on aura lu la lettre que S.Em. le cardinal Gerlier vient de recevoir de M.
l’abbé Carteron, et qui est publiée ci après.
Cardinal Achille
LIENART,
Prélat de la
Mission de France
Cardinal Pierre
GERLIER,
archevêque de Lyon
Lettre de M. l’abbé Albert
Carteron, (publiée par S.Em. le Cardinal
Gerlier, La Croix, 22 octobre)
(Semaine Religieuse de Lyon 1958/49)
EMINENCE,
Je viens d'apprendre, hier,
par la lecture des journaux, la campagne invraisemblable que l'on fait, sur mon nom.
Vous me connaissez
suffisamment. Vous savez que je ne vous ai jamais rien caché sur mon activité
religieuse et sociale. Je vous ai régulièrement fait des rapports détaillés sur
ma vie de prêtre consacré, sur votre demande, au service des émigrés algériens
de la région lyonnaise.
J'affirme solennellement
devant Dieu, devant vous, Eminence, et devant l'Eglise, que les bruits que la
police fait circuler sur mon compte sont faux.
Je n'ai jamais ramassé ni
distribué aucun argent, pour un prétendu « service d'entraide ». Je n'ai jamais été responsable de prétendues
collectes et répartitions de fonds.
Toute ma vie était, sur
votre ordre paternel, consacrée à aider, dépanner, soulager, comprendre nos frères algériens émigrés en France.
J'ai seulement, comme vous le désiriez, systématiquement refusé d'exclure de
notre sympathie active ceux dont les idées politiques pouvaient ne pas cadrer
toujours avec la ligne officielle des gouvernements qui se sont succédé depuis
quatre ans. Tout Algérien, quel qu'il soit, avait droit à mon amitié et à mon aide humaine.
Il y a quelques semaines, un
groupe d'Algériens de Saint-Fons, m'ayant fait part de leur action sociale au
service des détenus, de leurs familles et de leurs enfants, et m'ayant demandé
où ils pourraient déposer leur argent et leurs listes d'assistés, je les ai
félicités pour leur initiative fraternelle et leur ai conseillé de s'adresser
aux PP. Chaize et Magnin, étant strictement entendu que cet argent serait
scrupuleusement réservé à l'aide sociale envers les malheureux.
L'argent en question, je ne
l'ai jamais ni touché ni vu. Les Pères ne m'ont jamais « téléphoné pour me
demander d'envoyer l'argent ». Je n'ai
jamais en aucune caisse dissimulée dans un prétendu café de la rue Pressensé. Je ne me suis jamais occupé de
collecter ou répartir quelque argent que ce soit.
D'ailleurs, je respecte trop
les Algériens pour avoir voulu organiser à leur place un prétendu service social. Ils sont assez
grands pour s'organiser tout seuls.
…………………
Bien filialement et
respectueusement.
Albert CARTERON
Communiqué de S.Em. le Cardinal Gerlier, Rome
(La Croix du 25 octobre 1958, Semaine Religieuse de Lyon 1958/49)
Des échos qui me reviennent de maints côtés, des lettres que je reçois
malgré mon éloignement m'obligent à la présente déclaration, que j'aurais
préféré infiniment pouvoir éviter.
De nombreuses consciences, en effet, ont été troublées par
les accusations portées contre l'abbé Carteron et l'abbé Magnin. Les démentis
opposés par ceux-ci n'ont pas suffi à les rassurer et beaucoup se demandent
comment des accusations aussi graves auraient pu être lancées sans être
appuyées sur des preuves ou, à tout le moins, sur des présomptions sérieuses. Je
considère comme un devoir, pour dissiper cette douloureuse équivoque, de
répondre clairement, autant que je le puis actuellement, aux questions que se
posent des esprits droits.
A la base de cette affaire, il y a certains éléments
positifs, déjà soulignés dans le communiqué publié récemment par le cardinal Liénart et par l'archevêque de Lyon :
1° Des
musulmans
ont pris l'initiative
d'un service
d'entraide au profit des détenus musulmans
et de leur famille dans le besoin.
2°
Un musulman,
membre de ce service d'entraide,
a demandé au P. Carteron s'il pouvait lui procurer
un local pour les besoins
de ce service.
3° Le P. Carteron a répondu à cette demande en
adressant ce musulman au P.
Magnin. Celui-ci
a consenti la disposition d'une pièce, étant bien précisé
que l'action de ce service était exclusive
de toute action
politique et, à plus forte raison, terroriste.
4°
Rien, à
notre connaissance, ne permet de dire que
cette condition n'ait pas été respectée.
En cet état et pour des raisons qui nous échappent encore,
une accusation grave a été portée, tendant à faire du P. Carteron le bailleur de fonds, le trésorier, le
responsable de ce service d'entraide, et à le présenter ainsi comme un membre important de
l'organisation du F.L.N. en métropole. Pour étayer ces accusations, certains
membres de la police - je dis certains membres - n'auraient pas hésité à faire souscrire aux suspects
musulmans des déclarations dont le caractère mensonger est aisé à discerner.
Pour y parvenir, ils n’auraient pas reculé devant l'emploi de la violence et
des sévices les plus graves, en même temps que les plus attentatoires à la dignité humaine.
Il ne m'appartient pas de donner les précisions
douloureuses et troublantes dont j'ai eu connaissance. Une enquête sérieuse
pourra les mettre en lumière. Je me crois en droit d'affirmer que tel de ceux qui ont
subi ces traitements a été mis dans un état physique ou moral grave.
L'odieux des accusations publiquement portées me créait
le devoir pénible de soumettre ces faits à ceux qui sont troublés, pour leur
permettre de rectifier, s'il est besoin, quelques jugements hâtifs et injustes.
Je tiens essentiellement à ajouter que, si certains procédés déshonorent leurs
auteurs, il serait formellement injuste de les imputer à l'ensemble du corps de la
police, que je connais et estime profondément. La tâche de celle-ci est particulièrement difficile dans les circonstances actuelles. Il n'est que juste de rendre
hommage à l'attitude de l'immense majorité de ses membres qui, en dépit de ces
difficultés, respectent dans leur action la dignité humaine. Comment ne pas songer,
d'autre part, à la souffrance de ces hommes devant les attentats criminels
dont ont été victimes plusieurs d'entre eux ? On ne saurait pas plus les
oublier que les atrocités commises trop souvent en. Algérie. Mais, pour l'honneur de .la France, on ne saurait y trouver la justification de douloureuses erreurs.
t Pierre-Marie,
cardinal GERLIER,
Archevêque
de Lyon.
† Pierre-Marie, cardinal
GERLIER
Archevêque de Lyon