l’art religieux
dans le diocèse de
Lyon
au XIXème
siècle
Dans
le diocèse de Lyon ce que certains auteurs nomment la « reconstruction
religieuse » du XIXème siècle s’appuie sur un bouillonnement d’idées et
d’initiatives dans les domaines sociaux, artistiques, intellectuels,
industriels, pastoraux, etc.
Reconstruction religieuse
On
pense à l’influence de prêtres comme Joseph NOIROT (1793-1880) ou Camille RAMBAUD (1822-1902), Jean
Louis LACURIA (1808-1868) et son frère Paul (1806-1890), de laïcs comme
Frédéric OZANAM (1813-1853), Pauline Marie JARICOT (1799-1862), dont l’action ne se
limitait pas un seul secteur d’activités. OZANAM, par exemple, lecteur de L’Avenir, journal des « catholiques
libéraux » comme Lamennais ou Lacordaire, fonde la Société de Saint-Vincent-de-Paul mais aussi les Conférences Notre-Dame ou encore le
journal L’Ere nouvelle. JARICOT donne
instruction et emploi aux jeunes filles, fonde l’Œuvre de la Propagation de la Foi et celle de la prière du Rosaire.
Après la Révolution, le 19e
siècle est marqué par un profond mouvement spirituel et la volonté des Églises
chrétiennes de restaurer leur influence. Au début du siècle, la reconstruction
religieuse du diocèse de Lyon s'engage dans une ère de foisonnement
philosophique et d'idéalisme mystique.
« Ma manière d'envisager les arts est un appel à toutes les
intelligences ; et de même qu'il est nécessaire de se faire comprendre et d'attirer la foule, de même il
est nécessaire de satisfaire et même de développer s'il se peut les
intelligences les plus élevées […]. Dans la
chaire, la parole met l'homme au-dessus de l'homme : il fait prédominer chez lui
la partie divine, le lien qui le rattache au
Créateur ; l'image est la prédication permanente, la prédication qui entre par
l'œil au lieu d'entrer par l'intelligence et qui, si elle est d'abord moins
vive, a l'avantage d'être perpétuelle. » Victor Orsel.
(2007, Le Temps de la peinture.
Pour un renouveau spirituel)
Au début du XIXè
siècle, la reconstruction religieuse du diocèse s’engage dans une atmosphère de
foisonnement philosophique et d’idéalisme mystique dont le Bien et le Mal de Victor Orsel (1832) compte pour l’une
des œuvres les plus emblématiques.
(DUFIEUX,
2007, p.101)
C’est une véritable
refondation à laquelle se livrent l’Eglise de Lyon, ses archevêques, ses
prêtres et ses fidèles, ses architectes et ses peintres, au service du Lugdunum
Christianum et de son peuple de martyrs.
(DUFIEUX,
2007, p.109)
Cette
reconstruction, qui s’inscrit dans un environnement de découvertes
scientifiques, d’inventions techniques, d’essor industriel, de nouvelles
théories, d’expérimentations sociales…, allie retour aux origines et adaptation
à la modernité.
Ecole mystique de Lyon
A Lyon des scientifiques
(Louis Ampère, Claude Julien Bredin), des philosophes (Pierre Simon Ballanche, Antoine Blanc Saint Bonnet), des écrivains
(Victor de Laprade), des artistes (Paul Chenavard), des chefs d’entreprise
(Jean Baptiste Willermoz), ont des démarches semblables, parallèles ou
croisées, qui amènent certains observateurs à parler d’Ecole mystique de Lyon pour qualifier la quête spirituelle de cette
époque dans la région lyonnaise.
Des poètes et écrivains, prophètes et prédicateurs, forment
ce que l’on appelle “l’école mystique de Lyon” : Ballanche, Ozanam, Laprade et
Blanc de Saint-Bonnet contribuent à baigner la ville dans un spiritualisme qui
influence Louis Janmot ou Paul Chenavard. Hippolyte Flandrin à l’église de
Saint-Germain-des-Prés à Paris, Jean-Baptiste Frénet à la basilique de
Saint-Martin d’Ainay à Lyon, Claudius Lavergne à la chapelle de Châtillon
d’Azergues, Paul Borel à la chapelle du collège Saint-Thomas d’Aquin d’Oullins
participent eux aussi de ce renouveau religieux. Le Bien et le Mal de Victor
Orsel présenté au Salon de 1833, La Pietà d’Hippolyte Flandrin exécutée vers
1842, comptent parmi les œuvres les plus emblématiques de cet art religieux. Véritable
tableau expérimental, Le Bien et le Mal exprime les convictions morales et
religieuses d’Orsel qui, peu à peu, se sont précisées au contact des Nazaréens.
Il est convaincu que sa foi et son attitude d’artiste doivent désormais
s’exprimer par la peinture murale. La Pietà de Flandrin, peinte à l’occasion de
la mort d’Auguste, frère de l’artiste, s’impose par sa dramaturgie formelle.
Elle renvoie elle aussi à l’art de la fresque qui caractérise l’art lyonnais
dans la première moitié du 19e siècle.
(2007, Le Temps de la peinture.
Pour un renouveau spirituel)
Dans le
domaine artistique cette « reconstruction religieuse » semble
particulièrement marquée dans le diocèse de Lyon par deux influences : celle de
Lamennais et celle des Nazaréens.
La pensée de Lamennais
Avant
qu’il ne s’éloigne de la doctrine catholique, Lamennais inspire l’enseignement
de plusieurs professeurs de la région lyonnaise comme Noirot ou Lacuria.
L’esthétique mennaisienne a rencontré, chez les artistes lyonnais,
parfois élèves de Noirot et imprégnés d’illuminisme, un succès immense. (…)
Ce mysticisme esthétique est, à Lyon,
confondu avec la doctrine d’Ingres, puis elle devient un des arguments
importants de ceux qui soutiennent la construction de Fourvière. Elle se
prolonge au XXe siècle…
(HARDOUIN-FUGIER
Elisabeth, 1983, p.46)
…
le contexte de foisonnement philosophique
et religieux des années 1840, profondément marqué par la théologie esthétique
de Lamennais et l’enseignement de l’abbé Lacuria…
(DUFIEUX,
2007, p.105)
Le mouvement nazaréen
Des
artistes locaux, en résidence à Rome, fréquentent des artistes d’origine
allemande qui cherchent à mettre l’art au service de la religion chrétienne en
revenant à des traditions anciennes.
Ils appartiennent au genre didactique.
(…) Faire croire en instruisant, émouvant
et rendant meilleur.
(CAFFORT, 2007)
Même si ces diverses influences créent une véritable ambiguïté
autour de l’œuvre (le Bien et le Mal d’Orsel), il s’en dégage manifestement le
primitivisme et la religiosité des Nazaréens, désireux de mettre leur art au
service d’un renouveau religieux.
(2007, Le Temps
de la peinture, p.10)
Art philosophique
En
raison de cette volonté de propager leur pensée religieuse BAUDELAIRE voit dans
les artistes lyonnais des « peintres
qui pensent », des « raisonneurs »,
des « idéalistes » ;
il range leurs œuvres dans la catégorie de « l’art philosophique » et voit en Lyon, cité complexe et
obscure pour lui, « une ville
philosophique ».
Qu’est-ce que l’art pur suivant la
conception moderne ? C’est créer une magie suggestive contenant à la fois
l’objet et le sujet, le monde extérieur à l’artiste et l’artiste lui-même.
Qu’est-ce que l’art philosophique
suivant la conception de Chenavard et de l’école allemande ? C’est un art
plastique qui a la prétention de remplacer le livre, c’est-à-dire de rivaliser
avec l’imprimerie pour enseigner l’histoire, la morale et la philosophie.
(…)
Toute bonne sculpture, toute bonne
peinture, toute bonne musique, suggère les sentiments et les rêveries qu’elle
veut suggérer.
Mais le raisonnement, la déduction,
appartiennent au livre.
Ainsi l’art philosophique est un
retour vers l’imagerie nécessaire à l’enfance des peuples, et s’il était
rigoureusement fidèle à lui-même, il s’astreindrait à juxtaposer autant
d’images successives qu’il en est contenu dans une phrase quelconque qu’il
voudrait exprimer.
Encore avons-nous le droit de douter
que la phrase hiéroglyphique fût plus claire que la phrase typographiée.
(…)
Plus l’art voudra être
philosophiquement clair, plus il se dégradera et remontera vers l’hiéroglyphe
enfantin ; plus au contraire l’art se détachera de l’enseignement et plus
il montera vers la beauté pure et désintéressée.
(…)
Y a-t-il des climats philosophiques
comme il y a des climats amoureux ? Venise a pratiqué l’amour de l’art
pour l’art ; Lyon est une ville philosophique. Il y a une philosophie
lyonnaise, une école de poésie lyonnaise, une école de peinture lyonnaise, et
enfin une école de peinture philosophique lyonnaise.
Ville singulière, bigote et
marchande, catholique et protestante, pleine de brumes et de charbons, les
idées s’y débrouillent difficilement. Tout ce qui vient de Lyon est minutieux,
lentement élaboré et craintif ; l’abbé Noireau, Laprade, Soulary,
Chenavard, Janmot. On dirait que les cerveaux y sont enchiffrenés.
(BAUDELAIRE, 1969,
pp.127sq)
BOSSAN et Fourvière « cathédrale du
XIXème siècle »
Pour
beaucoup la basilique de Fourvière symbolise la « reconstruction religieuse »
du diocèse de Lyon au XIXème siècle et en devient l’emblème ;
son architecte est considéré comme l’un des animateurs majeurs des courants
artistiques qui concourent à cette entreprise spirituelle. Il fut cependant
moins enclin au symbolisme syncrétiste comme plusieurs autres artistes de cette
époque (DUFIEUX, 2004, p.261).
Le chef de file de ces artistes est Pierre
Bossan (1814-1888), aux côtés de qui tous travaillent ou collaborent et dont la
spiritualité marque chacun. C’est de lui que tous tiennent leur respect pour
l’art ancien allié à une volonté de renouvellement du décor ; c’est de son
enseignement que tous tirent leur goût pour une exécution parfaite. Ils mettent
leur art au service de la religion qu’ils défendent. Ils ont une communauté de
choix esthétiques et de conduite de vie que Lucien Bégule définit en « ce
goût de la méditation (…) cette humeur casanière, pudiquement défiante d’une
réclame éhontée, qui caractérise si manifestement le Lyonnais et dont n’ont
jamais pu se dépouiller les plus remarquables de nos artistes contemporains,
tels Bossan, Janmot, Dufraisne, Ravier, Paul Borel » (L.Bégule,
« Thomas-Joseph Armand-Calliat », discours de réception à l’Académie,
1903, p. 19). Chacun détient l’excellente maîtrise d’une technique qui lui est
propre et l’édifice religieux est l’imbrication de leurs œuvres soumises à une
même spiritualité qui en fait l’unité architecturale et décorative.
(VILLELONGUE
Martine, Lucien Bégule (1848-1935) Maître verrier, Université Lyon 2,
thèse d’histoire de l’art, 1983, p 113,
cité
par PENLOU, 2008, 1ère partie, I/2)
Cette
forme d’art religieux participe au renouveau du diocèse de Lyon,
particulièrement dans les centres urbains en expansion. Par l’activité
missionnaire, il se répercute en de nombreux pays. Il est par la suite source
de copies plus ou moins inspirées.
ARTISTES
(classement par année de décès, liste à compléter, les notices
sont mises en ligne progressivement, à compléter)
Victor ORSEL (Oullins, 1795 - Paris, 1850)
Hippolyte FLANDRIN (Lyon, 1809 - Rome, 1864)
Gabriel TYR (Saint-Pal-de-Mons, 1817 - Saint-Etienne, 1868)
Tête de Christ, étude (MBA Lyon)
Chapelle
du Collège Notre-Dame-de-Mongré (Villefranche)
Couvent
des Minimes (église Saint-Louis) à Saint-Etienne
Ministère de la culture, base
JOCONDE
Tony DESJARDINS (Lyon, 1814 – Belmont-Ain, 1882)
1848-1882, architecte du diocèse de Lyon
1854-1870, architecte en chef de la ville
de Lyon
Restaure
l’abbaye de Charlieu, les églises d’Ambierle, Bourg-Argental, Les Salles,
Saint-Georges-de-Reneins, Jarnioux, Notre-Dame des Marais à Villefranche,
Cathédrale et le Palais Saint-Jean… Construit les chapelles de l’Institution
des Chartreux, de Brouilly…
Ministère
de la culture, base
MISTRAL
Joseph-Hugues
FABISCH (1812-1886)
Claudius LAVERGNE (Lyon, 1814 - Paris, 1887)
Quare
dubitasti. Saint Pierre marchant sur
les eaux
(exposition 2007 MBA Lyon)
Le Christ montrant ses plaies
(exposition 2007 MBA Lyon)
Ministère de la culture, catalogue
général
Pierre BOSSAN (Lyon, 1814 – La Ciotat, 1888)
Jean-Baptiste FRENET (Lyon, 1814 - Charly, 1889)
Louis JANMOT (Lyon, 1814 - Lyon, 1892)
Paul CHENAVARD (Lyon, 1807 - Paris, 1895)
peintre de « l’Ecole
mystique » de Lyon
Le Triomphe des Religions (exposition
2007 MBA Lyon)
Le Jugement dernier (MBA Lyon)
L'Enfer (exposition 2007 MBA Lyon)
La Palingénésie sociale (esquisse,
présentation
p.12, MBA Lyon)
Charles
DUFRAINE (Saint-Germain-du-Plain, 1827 – Lyon, 1900), sculpteur
Thomas-Joseph
ARMAND-CALLIAT (Abrets, 1822 – Lyon, 1901)
Charles
FRANCHET (Lyon, 1838 - 1902)
collaborateur de
Pierre BOSSAN pour 10 églises, 5 chapelles, 4 monastères, 2 hôpitaux, 1
séminaire, 1 couvent
Paul-Émile
MILLEFAUT (La-Roche-de-Glun, 1848 –Lyon, 1907)
Paul BOREL (Lyon, 1828 - Lyon, 1913)
Louis SAINTE-MARIE-PERRIN (Lyon, 1835 - et Lyon,
1917)
Étienne
COUVERT (Lyon, 1856 - 1933)
premier
violon à l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, professeur de dessin
auteur du décor de la coupole de
l’église Saint-Pothin à Lyon,
auteur de toiles et de dessins pour
vitraux en France, au Canada et en Nouvelle Calédonie (à Balade)
Lucien
BEGULE
(Saint-Genis-Laval, 1848 - Lyon, 1935)
1983,
VILLELONGUE Martine, Lucien Begule (1848-1935)
Maitre-Verrier, (thèse, Université Lyon 2)
Lucien
Begule, maître verrier lyonnais (site web)
Auguste MORISOT (Seurre, 1857 –
Bruxelles, 1951)
DOCUMENTS
- BAUDELAIRE, 1869,
L’Art romantique, ch. L’art
philosophique
- texte
-
BUCHE, Joseph, 1935, L’Ecole
mystique de Lyon (1776-1847): Le Grand Ampère, Ballanche, Cl. Julien Bredin,
Victor Laprade, Blanc Saint-Bonnet, Paul Chenavard
- HARDOUIN-FUGIER
Elisabeth, 1983, Lyon,
bagne de la peinture, Bulletin
baudelérien, 18/2, pp.41-49
-
DUFIEUX Philippe 2004, Le
Mythe de la primatie des gaules : Pierre Bossan (1814-1888) et l’architecture
en Lyonnais au XIXe siècle
-
DUFIEUX Philippe, 2007, Le décor mural au service de la reconstruction
religieuse à Lyon au XIXè siècle,
Le Temps de la
peinture. Lyon 1800-1814, pp.101-109
-
Musée des Beaux Arts de Lyon (MBA), 2007, Le
Temps de la peinture. Lyon 1800-1814
-
site
MBA
- guide
-
MARTIN François René, 2007, Le pouvoir spirituel de l’artiste. Historicisme et
utopie à Lyon au XIXème siècle et au début du XXè siècle, Musée des Beaux Arts de Lyon, Le Temps de la peinture. Lyon 1800-1814 (catalogue de
l’exposition), pp.152-164
-
CAFFORT Michel, 2007, Faire croire : l’exemple des Nazaréens lyonnais,
Musée des Beaux Arts de Lyon, Le Temps de
la peinture. Lyon 1800- 1814,
2007 (catalogue de l’exposition), pp.59-64
- RYKNER Didier,
2007, Le
Temps de la peinture. Lyon 1800-1814, La
Tribune de l’Art
- PENLOU Séverine,
2008, Rôles et fonctions de la sculpture
religieuse à Lyon de 1850 à 1914 (thèse
Lyon 2)
+ Catalogue
des sculpteurs (PDF. 46Mo)
- Bibliothèque Municipale de Lyon, 2008, Lyon, capitale de l’étrange
g.decourt