musée du diocèse de lyon

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L'Association des familles consacrées

à la Sainte Famille

 

 

Avec les dévotions à Jésus enfant et à saint Joseph, le XVIIe siècle vit éclore et se développer, en complément naturel, la dévotion aux trois personnes de la Sainte Famille, répandue surtout dans l'ouest de la France et plus encore au Canada. Elle reprit vigueur après la Révolution et se répandit spontanément dans tout le pays. Des « Associations de la Sainte Famille » se créèrent, par exemple à Lyon en 1819. La plus connue est celle que le Père Noailles fonda à Bordeaux en 1820 en même temps qu'une congrégation féminine sous ce nom, comme il en existait déjà à Mende (1750), Besançon (1800), Villefranche­-de-Rouergue (1816) ; celle de Lyon vit le jour en 1825. L'esprit commun de ces fondations était de favoriser les vertus cachées de la vie domestique quotidienne: simplicité, humilité, obéissance, travail, charité. C'est l'esprit de Nazareth, sous le vocable duquel d'autres congrégations se fondaient également, qui informa une si large part du catholicisme au XIXe siècle, et qui fleurit particulièrement en une sainte Thérèse de Lisieux ou en un Charles de Foucauld. Il s'agit là d'abord de sanctification personnelle.

 

Il revenait à un jésuite, dans la ligne de saint Ignace, d'infléchir légèrement l'axe de la dévotion, sans abandonner, cela va de soi, la sanctification personnelle, pour en faire également un moyen de sanctification sociale. Le père François-Philippe Francoz (1817-1898), né à Saint-Michel de Maurienne, prêtre en 1852, conçut, au cours de son troisième an passé à Fourvière, le projet de travailler à la sanctification de la société par l'instrument de la famille, « son premier fondement matériel et social ». Un tel souci était relativement neuf dans l'Eglise, qui n'avait guère pu s'intéresser à la famille en tant que telle avant qu'au modèle familial nobilaire eût achevé de se substituer le modèle bourgeois, plus aisément accessible à l'enseignement évangélique en la matière. Alors commencèrent de s'élaborer un corps de doctrine et une ligne d'action apostolique. L'initiative du père Francoz se place dans les débuts de ce mouvement.

 

La simplicité pratique du projet lui donna toute son efficacité. Une famille s'engage à dire en commun, chaque soir, la prière quotidienne devant une image murale représentant la Sainte Famille à laquelle elle se consacre. Elle s'inscrit auprès de son curé, qui l'affilie à l'Association des familles consacrées à la Sainte Famille et lui fournit une image. Une fois par an, toutes les familles renouvellent en public leur engagement dans une cérémonie commune à l'église paroissiale. Un promoteur diocésain fait connaître la dévotion auprès des curés, et leur distribue tout le matériel imprimé, conçu et tiré par les soins du père Francoz (images de missel et murales, livres de prières, Manuel des familles chrétiennes paru en 1870, etc.). Si le « Centre universel » spirituel est établi au sanctuaire de Lorette, en Italie, depuis 1867, le père Francoz, en tant que promoteur central, assure la propagande générale, et les liens avec les promoteurs diocésains. Mais la direction des groupes de familles appartient bien explicitement aux curés, chacun dans sa paroisse.

 

Aucune prière nouvelle, aucune pratique surérogatoire, mais un esprit nouveau : la famille est un « sanctuaire domestique » dont le père et la mère sont « les prêtres », « hommes de Dieu dans la famille », « gardiens de leurs enfants », et responsables de la sainteté du foyer qu'ils doivent répandre au dehors. La prière en commun le confirme chaque jour, l'image murale est là pour le rappeler en permanence.

 

Conçue à Lyon en 1861, mise au point à Clermont-Ferrand en 1862 et approuvée la même année par le général des jésuites, l'Association prit vie effective d'abord dans le diocèse de Grenoble (à Burcin), et le bureau central s'installa à Lyon, 12 rue sainte Hélène, quand le père Francoz s'y fixa définitivement en 1868. Elle se répandit peu à peu ; les premiers diocèses touchés de façon importante furent ceux de Clermont (65 paroisses en 1870), Maurienne (44), Viviers (37), Valence (25), Bayonne (21) ; celui de Lyon, à cette date, n'avait que 10 paroisses associées, dont 8 dans la Loire.

 

Les approbations épiscopales ne tardèrent pas, puis celle du Pape lui-même, le 5 janvier 1870. Par la suite, après la mort du père Francoz, la direction de l'Association fut transférée à Rome. Déjà Léon XIII, en renouvelant l'approbation, avait, en 1893, institué la fête liturgique de la Sainte Famille. En se répandant massivement suivant les innombrables initiatives particulières, la dévotion, si facile à pratiquer librement, échappait quelque peu à une organisation instituée : n'était-ce pas là, en fin de compte, le but recherché?

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1998, n°5