Le
Chanoine Berjat
et
la
Société de Saint-Jean
Né à Saint-Héand, le 25 avril 1867,
Antoine Berjat fut aumônier à la
Maison Saint-Joseph de Saint-Genest-Lerpt (maison de redressement dépendant de
Cîteaux), puis vicaire à Saint-Etienne
et à Valfleury,
et enfin vice-recteur de Fourvière, où il mourut, le 1er août 1935. Partout où
il passa, il laissa le souvenir d'un homme de foi, d'un apôtre particulièrement
attentif à ses
frères les plus abandonnés (notamment à la Maison Saint-Joseph). A Fourvière, il se dépensa au service des
pèlerins et pour le développement de la piété mariale, dont il
vivait en toute simplicité.
Mais, si le chanoine Berjat
occupa dans le clergé diocésain une place à part, et si son œuvre laissa
des traces, ce fut par son activité au service de l'art religieux. Peut-être
tenait-il ces goûts et cette préoccupation de son père, maître armurier qui
ciselait lui-même la décoration des plus belles pièces sortant de son atelier.
Dès le séminaire, Antoine Berjat étudia l'art chrétien dans toutes les époques
de son développement et se constitua une documentation personnelle raisonnée. A
Valfleury, il s'initia au travail d'érudition et publia une histoire du
pèlerinage et du sanctuaire.
En arrivant à Fourvière, où il fut nommé le 7
mars 1919, il était prêt pour la tâche qui l'attendait. La guerre de 1914
n'avait interrompu ni le mouvement artistique, ni même le mouvement littéraire,
et à la fin des hostilités, libéra des énergies et des initiatives en tous sens,
dans le domaine de l'art religieux comme ailleurs ; les noms de Maurice Denis,
Georges Desvallières en portent témoignage. Le mouvement, bien entendu,
touchait Lyon, où un certain nombre d'artistes et d'amateurs cherchaient à se
grouper. La venue du chanoine Berjat permit au projet de prendre corps, et
c'est ainsi que naquit sous sa présidence la « Société de Saint-Jean pour
l'encouragement de l'art chrétien »,
section lyonnaise de la société existant à Paris depuis 1872 (vers 1840, une confrérie de Saint-Jean, fondée
par Lacordaire, avait rassemblé des artistes chrétiens, des Lyonnais en avaient
fait partie). Dès le 3 avril 1919, une
conférence donnée aux Facultés catholiques par Henri d'Hennezel, conservateur
du Musée des Tissus, sur « Le Péril de l'art sacré », signala au public la création
de la nouvelle société, dont étaient membres des artistes comme l'architecte A.Sainte-Marie
Perrin, Lucien Bégule, Emmanuel Cateland, G.Decote, Tony Tollet, Louis Prost,
A.Morisot. L'animateur en second en était l'architecte orfèvre Amédée Cateland,
qui publia, à partir
de 1925, sous le timbre de la Société, quatre
fascicules destinés à former
le commencement d'un album de photographies accompagnées de commentaires sur
des œuvres d'art chrétien du diocèse, anciennes ou modernes ; on ne put aller
plus loin.
Si l'archéologie
et l'histoire de l'art étaient bien présentes dans les réunions de la Société,
le premier souci était de favoriser la vie de l'art chrétien. En lien
avec le Comité diocésain pour l'approbation des plans et travaux des édifices
religieux, origine de l'actuelle Commission diocésaine d'Art Sacré, la Société
se tenait à la
disposition des prêtres responsables de travaux de construction ou
d'aménagement.
En fait, dans le Comité comme
dans la Société, le chanoine Berjat assurait la principale
part du travail. On le voyait dans les églises en chantier (Charlieu, Vougy,
Chazelles, Saint-Maurice de Monplaisir, Notre-Dame Saint-Alban, la chapelle du
Carmel, etc.) et d'abord, cela va de soi, à Fourvière, dont il surveilla avec soin l'aménagement intérieur. Régulièrement,
un groupe d'élèves des Beaux-Arts venait solliciter ses conseils ; il multipliait
articles, dans la Semaine religieuse,
et conférences. Pour lui, la dispute entre ancien et moderne était sans objet :
si l'œuvre est une prière, peu importe son âge ; et c'est la prière sur la
beauté qui comptait pour lui. Tout naturellement, il s'attacha à la
liturgie, et contribua fortement au mouvement de restauration liturgique,
grégorienne en particulier, si fort entre les deux guerres, et aima retrouver
les traditions lyonnaises antérieures à la réforme de Montazet. En tous
ces domaines, sa trace resta sensible longtemps après lui.
Partout, il recueillait livres
et objets du culte en danger, il les faisait voir avec amour à ses
visiteurs. Il convient de ne pas oublier que sa collection de statues de la
Vierge est à l'origine
du Musée de Fourvière. Une photographie le montre sur son lit de mort ; au fond, sur une
cheminée et une commode, quelques-unes de ses statues, qu'il avait tant aimées,
symbolisent une vie donnée à la prière mariale et à la beauté.
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 2000, n°12