musée du diocèse de lyon

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René Biot

(1889-1966)

 

 

Parmi tous les amis de la Chronique Sociale, il n'est pas de ceux dont le grand public ait le mieux retenu les noms. Il n'est pourtant pas l'un des moins originaux, ni des moins importants. C'est donc une bonne idée de lui avoir consacré un colloque, dont les riches actes viennent de paraître (1).

 

Ancien élève des Chartreux, il poursuivit des études médicales ordinaires, substituant toutefois à l'externat un service de laboratoire. Installé en 1917 comme généraliste, il s'oriente peu à peu vers une spécialité encore mal cataloguée, qu'il signala au grand jour en 1936, par l'ouverture d'un « Institut lyonnais d'endocrinologie et de psychologie ». Carrière, donc, pas tout à fait classique.

 

Son goût pour le laboratoire, qu'il tenait de son père, médecin à Mâcon, s'organisa sous l'illumination de la pensée de Claude Bernard. Un service de quelques mois, pendant la guerre, au célèbre hôpital militaire d'Alexis Carrel, lui révéla le bienfait des équipes médicales pluridisciplinaires. De ces deux expériences capitales, il garda la conviction que des liens étroits et quotidiens doivent unir le cabinet du clinicien au laboratoire, et les diverses spécialités entre elles. Si cette préoccupation n'était pas à proprement parler nouvelle, René Biot en fit l'un de ses soucis majeurs. Car l'homme est un. Le médecin n'a pas à soigner un organe, une maladie, mais un être humain considéré comme un tout : corps, psychisme, travail, famille, milieu social. Rien d'éton­nant qu'il se soit tourné vers l'endocrinologie, vers la connaissance de ces mécanismes infiniment délicats et quelque peu mystérieux encore, qui règlent le fonctionnement de l'organisme et dont le psychisme dépend pour une si grande part. Il devait y faire preuve d'un esprit d'observation rigoureux, et certaines de ses idées font aujourd'hui partie du bagage commun.

 

 


Comment un sens aussi aigu de l'unité de la personne et, par corollaire, un goût aussi marqué pour la complémentarité des recherches intellectuelles n'auraient-ils pas séduit un Marius Gonin, habile à provoquer les rencontres et à faire naitre les groupes de recherches ? Ne fût-ce que par son père qui, dès avant guerre, sympathisait avec le « Groupe d'Etude » de Mâcon, Biot connaissait la Chronique Sociale. Il y découvrit Joseph Vialatoux, le vigoureux penseur, qui devint son maître et ami intime. Gonin n'eut aucune peine à le convaincre de prendre en charge, avec son ami le docteur Gabriel Richard, la fondation et la direction d'un « Groupe lyonnais de recherches médicales, philosophiques et biologiques », où chercheurs et penseurs de toutes origines et de toutes spécialités pouvaient ensemble jeter les fondements d'un corps de pensée, et même de doctrine, sur tout ce qui touche à l'homme en relation avec son corps. Pendant une trentaine d'années se sont succédé les petits volumes où se publiaient les réflexions du groupe. Personne et vie sociale, travail, amour, mariage et vie morale, enfance et adolescence : c'est un immense champ qui fut ainsi labouré, parfois défriché. Ils ont ouvert une voie qui, aujourd'hui, paraît rebattue.

 

Tout naturellement, Biot s'intéressa dans cette perspective aux relations entre l'être humain et le religieux. Non seulement à propos du miracle, où il montra une extrême exigence de rigueur dans l'observation et la conclusion, mais tout ce qui touche à la vocation et à la vie sacerdotale et religieuse, domaine où l'ignorance de ces questions avait pu causer bien des erreurs. Il put rendre là de grands services, accueillis avec la confiance que méritait ce père de treize enfants. Pour lui, en effet, la doctrine de l'Eglise en ces matières ne se discutait pas, si bien que certains commentateurs, aujourd'hui, se sentent presque obligés de lui chercher des excuses...

 

Somme toute, René Biot apparaît comme l'un des représentants et auteurs marquants du grand courant de pensée qui, entre les deux guerres, revivifia la notion de personne dans son unité essentielle comme dans ses relations avec la société : famille et mariage, travail, etc. Les mouvements du Mariage chrétien, de l'Anneau d'or, les noms de Maritain, Mounier, font partie de cette histoire. Et à Lyon, qui en fut l'un des pôles, ceux de Victor Carlhian, Jean Lacroix, Gabriel Madinier et autres... avec René Biot.

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1993, n°3

 

 

(1) Médecine humaine, médecine sociale. Le docteur René Biot (1889-1966), et ses amis, Paris, Cerf, 1992, 320p.