Burchard à l’abbaye de Savigny
951
Dans l’action
pastorale de l’évêque le plus difficile est que le troupeau qui lui est confié
puisse dans son élévation profiter du meilleur et ne manquer de rien de ce qui
est utile à sa nourriture permanente.
En
conséquence, que soit connu des fils de l'Église qu’en l’année 949 de
l'Incarnation de notre Seigneur Jésus Christ, indiction 7, 18 des calendes de
septembre, au jour de l'Assomption de la Mère du fils de Dieu, moi Burchard, évêque malgré mon indignité, tandis que je
siégeais en concile ordinaire avec mes frères (évêques) pour traiter de choses
d’intérêt public, l’abbé Badinus, nommé par notre
prédécesseur seigneur Guy, au milieu des gens du couvent de Savigny dédié à
saint Martin, se mit à raconter à plusieurs reprises la désolation de ce
couvent, comment il a été envahi par des usurpateurs, la règle abandonnée, et
que depuis l’incendie des Hongrois il n’a absolument plus aucun acte
testamentaire ou privilège des anciens auquel se fier ; il disait craindre
qu’en fait, s’il arrivait que cet appel ne fût pas exaucé, l’œuvre qu’il
accomplit longtemps ici selon la règle serait détruite à jamais avant que ne
revienne un jour pareille occasion.
Les frères nous suppliant de dire
publiquement notre accord à cette demande, nous concédons volontiers à ce couvent
ce privilège de notre jeunesse mais cependant d’autorité épiscopale, par lequel
nous ordonnons :
- qu’en ce lieu l’honneur ancien
soit rétabli, étant sauve la soumission à la canonique Sainte Mère l'Église de
Lyon, et perdure de manière inviolable et ferme ;
- qu’à partir de maintenant les
moines, soldats de Dieu sous la houlette de l'abbé, possèdent de manière
paisible et utilisent de manière juste tout ce qu’ils possèdent aujourd’hui ou
possédèrent jusqu’à présent, ou même auront voulu obtenir auparavant, avec
l'aide du Seigneur, sans contradiction de quelqu’un ou soustraction et
diminution de nos successeurs ou usurpation d’hommes injustes ;
- que ces moines ne cessent
d’implorer tous les jours la miséricorde du Seigneur pour nous et pour tous nos
prédécesseurs ou successeurs, et qu’aucun de nos successeurs n’ose imposer une
nouveauté injuste ni tente à l’occasion d’un passage d’exiger des hébergements
illégitimes (mansionaticus) ni causer des dommages, ni n’ose
imposer d’aventure un abbé à ce monastère sans un accord commun et une libre
élection, mais qu’il soit possible à ces moines de servir le Seigneur dans la
quiétude et la sécurité, sans violence ou entrave de quiconque.
De par notre autorité pontificale nous
confirmons donc en ce lieu l’abbé susdit que notre prédécesseur a placé à la
tête de ce monastère pour faire appliquer la règle de saint Benoît, afin qu’il
remplisse son office tout le temps de sa vie, à moins, par impossible, de
fautes de sa part, et qu’après sa mort les moines tiennent chaque fois une
élection monastique canonique pour élire leur abbé.
Maintenant, par le Seigneur
Jésus-Christ, je vous prie, toi notre bienheureux successeur et tes successeurs
pareillement, et j’en prends à témoin la divine majesté, pour l'amour de Dieu
Tout-Puissant, pour la vénération du bienheureux Martin, confesseur du Christ,
en l’honneur duquel ce monastère a été fondé, et des autres élus de Dieu au
patronage desquels les droits de tout l’évêché sont liés, de déclarer votre
assentiment à nos prescriptions tel quel et de bien vouloir le confirmer une
seconde fois par des écrits de votre autorité, et de permettre ainsi que cela
reste inébranlable à jamais.
Mais si quelqu’un par cupidité osait
enfreindre ou violer, ce que nous ne croyons d’aucune manière, ces décisions
prises pour l’intérêt fraternel, nous souhaitons qu’il en rende compte au
tribunal redoutable devant le Juge suprême qui punit toute injustice et devant
tous les saints, et qu’il soit condamné à l’excommunication.
Pour que le testament de ces
prescriptions soit inviolable et inébranlable pour la suite des temps, nous le
confirmâmes de notre propre main, et nous le remîmes pour confirmation aux
mains de nos fidèles.
(signatures)
de la main de Christian, prêtre et
moine, sur l’ordre de Eilmarius, archichancelier
en l’an 14 du règne du règne du
Conrad roi du Jura
seconde férie du mois de novembre.
La liste des
signatures diffèrent selon les sources :
CHIFFLET |
DE LA MURE |
CNRS |
Burchardus archevêque Icterius archevêque Childebodus évêque Maimbodus évêque Gotiscalcus évêque Vualchadus évêque Vuarnerius évêque Isardus évêque … …erius, évêque
d’Avignon Rodolphe fils du roi |
Burchardus, humble archevêque par la grâce de
Dieu, souscrit. ChiIdebodus, évêque Maymbodus évêque Iterius, archevêque Gotiscaldus, évêque Vualchaudus, évêque Vuarnerius, évêque Isardus, évêque Fulcherius, évêque Rodolfe, fils du roi Hornatus, doyen Hector, prêtre Contramnus, lévite Nithardus, diacre Heribert, diacre Anscherius, prêtre Erlulfus, pécheur Renco, diacre Arnulf, sous-diacre Johannus, diacre Milo, diacre Manassé, sous-diacre Ingelardus, lévite signé Anno, diacre Vuitzo, lévite Ailbertus, lévite |
Burchardus, humble archevêque par la grâce de
Dieu, souscrit. ChiIdebodus, évêque Maymbodus, évêque Burchard, archevêque au siège de Lyon Iterius, archevêque Rodolfus, fils du roi Andreas, officier Hornatus, doyen Gotiscaldus, évêque Isardus, évêque Vualchaudus, évêque Eugendus, lévite Pontius, évite Aymo, lévite Vuarnerius, évêque d’Avignon Hector, prêtre Contramnus, lévite Nithardus, diacre Heribertus, diacre Anscherius, prêtre Erlulfus, pécheur Renco, diacre Arnulfus, sous-diacre Jean, diacre Milo, diacre Manassé, sous-diacre Ingelardus, lévite signé Anno, diacre Vuitzo, lévite Ailbertus, lévite |
NOTES
indictione
VII : l’indiction étant une période 15
ans à compter de l’an 312, 312 + (15x42) + 7 = 949
XVIII
kalendarum septembrium : les
calendes commençant le 1er du mois, le 18ème jour
précédant le 1er septembre est le 15 août
anno XIIII regni
Conradi : Conrad étant devenu roi en 937,
il s’agit de l’année 951 (DE LA MURE donne une autre datation)
feria secunda
mensis novembris : lundi du mois de novembre (sans autre précision)
parvitatis : petitesse par opposition au
titre de « sa grandeur » ou jeunesse, Burgard
né vers 923 n’ayant pas atteint la trentaine
Badinus : abbé de Savigny nommé par l’archevêque Guy (927-948)
Conradi
regis Jurensis : Conrad III, roi de Bourgogne transjurane
Rodolfi filli regis : Rodolphe fils du roi Conrad
GLOSSAIRE
honor antiquus : honneur ancien, ce sont les droits de propriété acquis avec les titres
mansionaticus : hébergement dû au seigneur
lors de son passage
privilegium :
privilège, droit
du seigneur d’accorder un avantage
publica utilitate :
intérêt public s’opposant à intérêt privé
levita : lévite ou parfois
diacre
DOCUMENTS
-
Texte latin
o
CHIFFLET Pierre François, 1664, Histoire
de l'abbaye royale et de la ville de Tournus, p.282
o
DE LA MURE Jean Marie,
1670, Histoire
ecclésiastique…, pp.372sq