lettre
au sujet des inventaires
du
cardinal Caverot
1883
MESSIEURS ET TRES CHERS COOPÉRATEURS,
A l'occasion d'une
circulaire de M. le Ministre de l'Intérieur et des Cultes, en date du 22
décembre dernier, adressée à MM. les Préfets et relative à l'inventaire du
mobilier des églises prescrit par l'article 55 du décret du 30 décembre 1809,
j'ai eu l'honneur de vous adresser des instructions spéciales, le 20 janvier de
la présente année.
Ces instructions ayant paru
trop sommaires à quelques-uns d'entre vous, je me prête volontiers au désir qui
m'a été exprimé, et le but de cette note est de les compléter.
Veuillez vous souvenir
vous-mêmes, Messieurs, et rappeler à vos Conseils de fabrique :
1° Que le décret précité,
article 55, fait une obligation stricte de dresser : 1° un inventaire exact et
complet de tous les objets mobiliers vases sacrés, ornements, linges, livres,
statues, tableaux, en un mot de tout ce qui constitue l'ameublement des églises
; 2° un inventaire des titres, papiers, renseignements, avec mention des biens
contenus dans chaque titre, du revenu qu'ils produisent, de la fondation à la
charge de laquelle les biens ont été donnés à la fabrique. Un double de
l'inventaire du mobilier doit être remis au curé ou desservant, et la minute
déposée dans le coffre à trois clefs.
2° Que chaque année, il
doit être fait de cet inventaire un récolement indiquant, s'il y a lieu, les
nouvelles acquisitions, les objets devenus hors d'usage, et l'emploi qui en a
été fait. — Cet inventaire et ce récolement sont dressés par les soins de la
fabrique exclusivement, sans aucune intervention de la municipalité,
intervention dont il n'est pas question à cet égard dans le décret de 1809.
3° Qu'une délibération du
Conseil de fabrique suffit, sans aucune autorisation ni de l'Evêque, ni du
Préfet, et sans aucun avis du Conseil municipal pour vendre les objets mobiliers
hors de service, ou reconnus impropres à leur destination, sauf l'exception
exposée au numéro suivant. (Décisions ministérielles des 24 janvier 1842, 19
juillet 1844, 16 mai 1848, 20 août 1856, jugement du tribunal civil de la
Seine, 29 juin 1877).
Ainsi l'ont toujours
compris et décidé l'Administration de l'intérieur et celle des cultes.
Sans cette liberté, on
pourrait se demander, en effet, à quoi serviraient les Conseils de fabrique. Car
on a peine à se faire l'idée d'un Conseil composé du curé, du maire et de cinq notables de la paroisse, lequel aurait
besoin de l'avis du Conseil municipal, et de l'autorisation de l'Evêque et du
Préfet, pour vendre des ornements ou des linges usés et lacérés, des meubles
disloqués, etc., etc.
4° Que s'il s'agit d'objets
d'art, tels que tableaux, sculptures, boiseries, vitraux, tapisseries ou
antiquités, etc., ou encore de bois, chapiteaux sculptés, pierres tombales et
autres matériaux provenant de la démolition d'une ancienne église, l'aliénation
n'en peut avoir lieu, sans l'avis du Conseil municipal et l'autorisation de
l'Evêque et du Préfet.
On ne saurait prêter à la
circulaire ministérielle l'intention d'étendre la nécessité de ces dernières
formalités au-delà des limites marquées par les décisions ministérielles
ci-dessus rappelées. Au reste, les jugements invoqués par la Circulaire du 21
décembre 1882, la Circulaire du 27 avril 1839, l'article 2 de l'Ordonnance du
14 janvier 1831, se réfèrent tous à des objets d'art.
Cependant, M. le Ministre
recommande à MM. les Préfets de veiller à ce qu'une copie de l'inventaire du
mobilier soit déposée à la Mairie en même temps que le compte.
Jusqu'à ce jour, le dépôt
de l'inventaire à la Mairie n'a jamais été demandé, et la loi ne le prescrit
pas. Le silence de la loi s'explique tout naturellement. Si, en effet, la
conservation du mobilier des églises importe aux communes, elles voient leurs
intérêts suffisamment sauvegardés par la présence dans les conseils de fabrique
des maires qui peuvent toujours prendre connaissance des inventaires, et qui
n'ignorent aucune des mesures dont le mobilier peut être l'objet.
La copie de l'inventaire,
dont le dépôt à la Mairie est recommandé à la vigilance de MM. les Préfets, ne
peut être donc que la liste des objets
d'art signalés comme tels dans l'inventaire ou récolement.
En conséquence, sans vous dessaisir
de la copie que la loi destine au curé, ni livrer à qui que ce soit la minute déposée dans l'armoire à trois clés, vous vous concerterez
avec le président du bureau pour remettre à la Mairie la liste des objets d'art extraite de l'inventaire
général. Si, ce qui est probable pour le plus grand nombre des paroisses, la
fabrique ne possède rien qui mérite cette qualification, vous en ferez la
déclaration écrite que vous remettrez au maire. Dans le cas contraire, vous
vous souviendrez qu'aucun des objets compris dans la liste déposée ne devra
être ni aliéné ou échangé, ni détruit ou transformé sans un accord préalable
des assemblées fabriciennes ou communales, et sans l’approbation des autorités
compétentes ;
Vous voudrez bien,
Messieurs et Chers Coopérateurs, vous conformez aux recommandations contenues
dans cette note.
Louis-Marie, Cardinal CAVEROT
Arch.
De Lyon et de Vienne.
DOCUMENTS
- Décret
du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises
art. 55 Il sera fait incessamment,
et sans frais, deux inventaires, l'un des ornements, linges, vases sacrés,
argenterie, ustensiles, et en général de tout le mobilier de l'église; l'autre
des titres, papiers et renseignements, avec mention des biens contenus dans
chaque titre, du revenu qu'ils produisent, de la fondation à la charge de
laquelle les biens ont été donnés à la fabrique. Un double inventaire du
mobilier sera remis au curé ou desservant. Il sera fait, tous les ans, un
récolement des dits inventaires, afin d'y porter les additions, réformes ou
autres changements; ces inventaires et récolements seront signés par le curé ou
desservant, et par le président du bureau.
- Lettre reproduite
dans la Semaine Religieuse du diocèse
de Lyon, 12 mai 1905, pp.687-689