musée du diocèse de lyon

Les débuts du collège Saint Thomas d’Aquin

 

Le collège Saint-Thomas d'Aquin, à Oullins, intéresse l'histoire non seulement comme grand établissement d'enseignement mais peut-être surtout comme la principale institution créée à Lyon sous l'influence du courant catholique libéral.

 

Son fondateur, l'abbé Etienne Dauphin (1806-1882), prêtre du diocèse de Lyon, avait, dès avant la prêtrise, manifesté à la fois son intérêt pour l'éducation et son attirance vers la pensée libérale. Abonné à L'Avenir, il avait désiré se joindre aux disciples de La Mennais, à la Chesnaie, et c'est à ce dernier qu'il demanda avis et conseils quand il décida de se lancer dans l'aventure d'une maison d'enseignement.

 

Sitôt ordonné prêtre, avec trois autres confrères, dont l'abbé Pierre Chaîne, il ouvrit au Petit Perron, le 4 novembre 1833, un établissement avec douze élèves. Dès le printemps suivant, ils s'installaient au Grand Perron loué aux Hospices, et enfin, à la rentrée de 1836, cent élèves prenaient place dans le château d'Oullins, que les directeurs avaient pu acheter. Au prix de longues démarches, le collège avait reçu le rare privilège du «plein exercice», c'est-à-dire du droit d'avoir une classe de philosophie et de présenter ses élèves au baccalauréat.

 

Inspirateur de l'entreprise, l'abbé Dauphin, comme tous les grands maîtres de l'enseignement libre, ne dissociait pas instruction et éduca­tion. Faisant confiance aux capacités naturelles de la raison, il conçut l'enseignement dans l'union de la religion et de la science. L'éducation religieuse ne se bornait pas au catéchisme et à l'observance des pratiques : la vie quotidienne du collège en était imprégnée, ce qui n'était pas original, et aussi la formation intellectuelle. L'enseignement de la philosophie se mêlait intimement aux visions chrétiennes sur l'homme et le monde. Quant à l'instruction religieuse, elle se liait en grande partie à l'histoire d'Israël et de l'Eglise. La direction spirituelle des élèves n'était pas le monopole d'un prêtre spécialisé, tous les professeurs en prenaient leur part.


 

De même, les fonctions de professeur et de surveillant n'étaient pas séparées, de façon à ne pas créer un corps de surveillance. Comme partout, sorties et promenades étaient réglées avec soin mais, de plus, l'été, des groupes de grands élèves suivaient l'abbé Dauphin en des voyages à travers l'Europe, notamment dans les pays alpestres : Allemagne, Autriche, Suisse, Italie, dans l'esprit des Voyages en zig-zag de Topffer qu'on rencontra même un jour, sur un bateau du Léman. En 1850, on fit respectueuse visite au comte de Chambord, à Wiesbaden...

 

On recherchait la meilleure qualité de l'enseignement : les professeurs n'étaient pas polyvalents, mais spécialisés, chacun dans sa discipline. Autant que possible, dans les langues et les sciences, les études suivaient une ligne progressive et inductive, à partir d'une pratique permettant de dégager les lois générales.

 

La rencontre entre le collège d'Oullins et Lacordaire ne fut donc pas fortuite. Depuis longtemps, l'abbé Dauphin pensait que l'esprit de sa maison ne durerait qu'au sein d'une congrégation. Déjà, plusieurs de ses professeurs s'étaient agrégés au Tiers-Ordre dominicain, auprès du P.Hue qui s'occupait de fonder une branche dominicaine féminine enseignante. Lacordaire fut averti. Il connaissait Oullins pour y avoir été reçu lors du carême qu'il avait prêché à Lyon en 1845 ; il sauta sur l'occasion. En 1852, il put acheter l'établissement aux prêtres direc­teurs et, du même coup, fonder le Tiers-Ordre enseignant auquel il pensait. Quatre professeurs d'Oullins en furent les premiers membres. A la rentrée de 1853, la direction passa aux nouveaux religieux. Cela n'alla pas sans quelques moments douloureux, le P.Lacordaire était impulsif, et l'abbé Dauphin se retire au diocèse de Paris. Mais finalement la maison, sous la nouvelle direction, notamment du P.Captier, ancien élève et ancien professeur d'Oullins, garda la ligne tracée par son fondateur : respect de la dignité de la personne, confiance dans les institutions destinées à aider l'enfant à devenir lui-même, confiance dans la raison. Le tout, bien entendu, sur une foi totale. L'esprit de Dauphin et de Lacordaire devait rester à Oullins, et il n'est pas indifférent pour l'historien, quand il rencontre au cours de ses recherches tel ou tel notable lyonnais, de savoir qu'il passa par Saint-Thomas d'Aquin.

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1993, n°14

 

D'après: Philippe BLANC, L'Ecole Saint Thomas d'Aquin-Veritas à Oullins, 1986.