La Conférence Ampère
En 1905 le
P.Mayet, jésuite, dont le ministère s'exerçait auprès des lycéens, constitua,
avec quatorze jeunes gens récemment sortis du lycée, un groupe qui prit le nom
de « Conférence
Ampère ». C'était un cercle d'études, dans l'esprit du temps (Conférence
Olivaint, A.C.J.F., cercles ou comités du Sud-Est, Sillon, et tant d'autres,
moins connus. à Lyon ou
ailleurs).
Installé au
15 de la rue Pierre Corneille, la nouvelle association se transporta dès 1907
au 10 du quai de l'Est (de Serbie). En effet, elle commençait de s'étendre aux lycéens, d'abord des grandes
classes, puis des petites. Il fallait donc de la place, d'autant plus que la
Conférence Ampère, la « C.A. » devenait un lieu de formation globale.
Au cœur, la messe du dimanche et la messe mensuelle, avec la retraite annuelle.
Autour, les cercles d'études. Enfin, aux heures de loisir, des jeux et des
délassements. Il s'agissait bien de donner une formation spirituelle
fondamentale orientée, dans un esprit voisin de celui de l'Action Catholique de
la Jeunesse Française (A.C.J.F.), vers l'apostolat chrétien et social, dans une
atmosphère de confiance fraternelle. En 1914 la C.A. comptait deux cents
membres.
L'épreuve
de la guerre fut très dure : trente six tués, sur cent trente et un mobilisés,
puis des difficultés financières et de recrutement, enfin la santé du P. Mayet
qui dut se retirer en 1921. Le P.Desribes qui le remplaça n'était pas à son aise dans ce ministère, et la Compagnie de
Jésus désigna en 1925 le P.Léon Chaine (1888-1957), qui venait d'achever son
troisième an. Celui-el ne changea rien, et changea tout.
Il conserva
l'orientation, la primauté donnée à la formation spirituelle, les autres activités, l'organisation générale. Mais il introduisit un
esprit nouveau. Son regard, son visage, son allure, tout son être respirait l'énergie, la loyauté, le courage, le don de
soi, la foi. Dur à la peine, fougueux jusque dans les jeux de plein air,
infatigable au travail, il était en même temps attentif et délicat pour déceler
et secourir la peine des autres. Ce fut un exceptionnel éducateur d'adolescents, qu'il
savait appeler au dépassement de soi et à la virilité dans l'effort et dans la joie. Il leur
inculquait le sens de la tenue, de la loyauté, du courage, du service, de la
politesse, du travail (intellectuel ou autre). Les éléments nocifs ou douteux
étaient renvoyés.
La C.A. connut alors son apogée, surtout après
qu'en 1933 elle eut pu s'installer au 17 de la rue Duquesne, dans un hôtel
particulier où l'on avait
plus d'espace et
où « grands » et
« jeunes » avaient leurs locaux bien distincts. En 1940, elle
comptait huit cents membres. La vie suivait la ligne originelle. Au centre, la
messe, dialoguée en latin ou en français, obligatoire une fois par mois : et
aussi la retraite annuelle de trois jours à la Barollière, puis au Châtelard.
Tous les soirs, pour ceux qui en sentaient le besoin, étude surveillée. Le
dimanche et le jeudi, jeux dans
les salles et bibliothèque de prêt, ou lecture, dans l'après-midi, jeux en plein air sur le terrain
acquis en 1931 dans le quartier des Buers. Chaque année, un camp itinérant,
voire deux. A plusieurs reprises, furent organisées des représentations
théâtrales, dont certaines eurent du succès dans Lyon : « Le Bahut à travers les
âges » en 1936 et, en avril1939, « Les oiseaux » de Bernard Zimmer d'après Aristophane.
Mais toujours la formation spirituelle était au cœur de cette vie et lui
donnait son sens : Ligue eucharistique, conférence Saint-Vincent-de-Paul,
cercles des grands et des jeunes (méditation à la chapelle, cercle d'études),
cercle missionnaire. Quarante-huit
membres de la C.A. entrèrent dans des séminaires ou des noviciats, dont
dix-neuf chez les jésuites.
Vint la
guerre, où le P.Chaine partit comme aumônier volontaire, puis Vichy et
l'occupation. Après une période d'observation, le Père se retourna de plus en
plus vers la résistance et son influence, ainsi que celle des jeunes jésuites
qui le secondaient, entretint la C.A., à partir de 1942, dans l'atmosphère
d'exaltation muette et contenue de ces années-là, que ne peuvent se représenter
ceux qui ne les ont pas vécues. L'O.S.S. américain trouva à la C.A. un terrain favorable. Sur les cinquante
quatre membres qui moururent pour la France entre 1939 et 1945, environ vingt
cinq tombèrent dans la résistance (maquis, déportation, Gestapo).
La paix
revenue, la vie reprit son cours, mais les temps avaient changé, les esprits
aussi, et le cœur n'y était plus comme avant. Les Pères avaient l'impression de
ne plus parvenir à entraîner les garçons. Pour laisser les mains libres à ses
successeurs, le P.Chaine rompit les attaches et partit pour la mission du Tchad
en 1948. Mais rien
n'y fit. D'ailleurs
la Compagnie avait d'autres vues et la C.A. dut fermer ses portes, ce fut chose
faite en 1962. Ainsi disparut un merveilleux instrument de formation, comme la
jeunesse catholique en avait eu tant, durant un demi-siècle.
Henri
HOURS
Eglise à Lyon, 1994, n°5