musée du diocèse de lyon

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Les confréries de piété

sous l’Ancien Régime

 

 

De tout temps, répondant à l'invitation du Christ lui-même, les chrétiens fervents se sont groupés pour prier ensemble. Avec les confréries de piété, l'Eglise post-tridentine a vu une floraison de ces groupes. La forme n'en était pas neuve, le Moyen-Age les avaient bien connues, mais elles se multiplièrent, et surtout vécurent d'un esprit nouveau. Un livre récent, puisé aux bonnes sources, fait sur la question le point de façon sûre (1).

 

Jusqu'alors, les confréries n'avaient pas toujours été bien vues par l'Eglise. A la piété, beaucoup mêlaient préoccupations et pratiques fort profanes : les confréries de métiers, par exemple. La Réforme catholique du XVIe siècle les réveilla, et les plaça sous le contrôle plus direct des autorités ecclésiastiques. Elles devinrent l'un des cadres privilégiés de la vie chrétienne : pratiques de dévotion (messes, prières à domicile, bénédictions du T.S. Sacrement, fêtes patronales, processions), charité (secours aux pauvres, aux malades, aux affamés), solidarité interne (notamment lors des funérailles des confrères).

 

Chez nous, c'est à partir du XVIIe siècle qu'elles se développèrent, en même temps que prenait forme la nouvelle vie ecclésiale issue du Concile de Trente. Elles se placèrent sous les patronages les plus divers : la Vierge (Notre-Dame de Délivrance, Notre-Dame du Bon-Pasteur, Notre-Dame de la Consolation, Notre-Dame des Sept-Douleurs, L'Im­maculée Conception, le Scapulaire, la Pureté de la Vierge...), le Christ (les Cinq Plaies, le Corps du Christ, le Sacré Cœur, la Sainte Croix...), les Saints (les saints martyrs et Saint Irénée, Saint Roch, Saint Charles, Saint Joseph, Sainte Marie-Madeleine...). Ne tentons pas d'en dresser la liste, la place manquerait, et de toutes façons elle resterait incomplète.

 

La confrérie de la Doctrine chrétienne, établie dans une vingtaine de paroisses, se consacrait au catéchisme. Les plus répandues furent celles du Saint-Sacrement (150 paroisses) et du Rosaire (55 paroisses), qui se multiplièrent dans le diocèse entre 1660 et 1750. En développant la pratique du chapelet et la dévotion eucharistique, l'Eglise combattait de façon efficace l'influence calviniste. D'ailleurs, tout, dans les confréries, allait dans ce sens : culte des saints, prières pour les trépassés, cérémonial fait pour frapper l'attention et l'imagination sensible.

 

 


L’Eglise, désormais, tenait les confréries bien en mains. C'est l'archevêque qui les créait par l'approbation des statuts ; c'est lui qui accordait les indulgences, les autorisations de procession et de culte ; il pouvait exercer lui-même le contrôle de leur administration et de leur gestion financière.

 

C'est en ce temps que le curé devint vraiment le chef de la paroisse. C'est donc à son initiative que se créèrent souvent les confréries, surtout celles du Saint-Sacrement et du Rosaire. Il y trouvait des facilités pour développer la piété et l'instruction religieuse de ses paroissiens qui, détournés d'aller chercher ailleurs de quoi satisfaire leurs besoins spirituels, se voyaient fixés sur place, dans la paroisse, de l'église de laquelle ils étaient amenés à s'occuper davantage et prendre soin de l'entretien.

 

A partir de 1750, il ne se créa pratiquement plus de confréries nouvelles. La religion « éclairée » du siècle des Lumières goûtait peu leur aspect populaire, et Mgr de Montazet ne supportait guère que celles du Saint-Sacrement et du Rosaire, qui faisaient un peu figure de confréries « officielles », si l'on peut dire. Mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire à priori, la ferveur des confréries ne diminua pas, ni la rigueur de leurs observances ; ce serait même plutôt l'inverse.

 

A la campagne (en ville, la situation était autre) la confrérie groupait les paroissiens pieux, et leur donnait l'occasion et les moyens de penser à autre chose qu'aux tâches et nécessités de la vie quotidienne. En bien des cas, elle favorisa la naissance de la fabrique, avec laquelle elle put parfois se confondre. On peut se demander si, en permettant la constitution de noyaux cohérents, habitués à penser avec l'Eglise, les confréries n'ont pas rendu possible, ou tout au moins favorisé, un peu plus tard, la résistance à la législation religieuse de la Révolution. On aimerait savoir combien de confrères du Saint-Sacrement ou du Rosaire furent, sous Linsolas, « chefs de paroisses » ou « catéchistes »...

 

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1994, n°4

 

 

 

(1) Anne-Marie Gutton, Confréries et dévotion sous l'Ancien régime. Lyonnais, Forez, Beaujolais, Lyon, éd. Lugd, 1993.