musée du diocèse de lyon

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La Confrérie de la Trinité

 

 

Longtemps, les confréries furent les seuls lieux possibles de rencontre autorisés. Beaucoup se confondaient avec les organisations de métiers ; par exemple, Saint-Honoré pour les boulangers et les pâtissiers. Dans les confréries purement religieuses, comme celles du "Corps de Dieu", ou Saint-­Sacrement, l'absence de distinction entre spirituel et temporel était moins évidente, mais existait quand même.

 

A cet égard, la confrérie de la Trinité occupait à Lyon une place à part. Elle était réputée la plus ancienne de la ville ; peut-être, mais ce n'est pas certain, avait-­elle succédé, autour de l'an 1300, à une confrérie du Saint-Esprit. Dès cette époque, et jusqu'à la fin, elle compta parmi ses membres d'abondants représentants des familles consulaires (celles qui fournissaient des échevins, ou "consuls"), au point qu'on en arrive à se demander si sa création, ou sa réorganisation, ne fut pas liée aux événements dans lesquels se forgea l'autorité municipale et qui amenèrent l'annexion de Lyon au royaume, entre 1269 et 1320. Au XIIème siècle encore, les échevins se sentaient "recteurs primitifs" de la pieuse société.

 

Ouverte en principe à tous, sans considération de rang ou de métier, elle subit de fortes variations dans ses effectifs : cinq cents en 1306, cent cinquante en 1422, trois mille sept cents en 1529 (chiffre très considérable, plus du quart des chefs de feux, dans une ville qui comptait alors autour de trente-cinq ou quarante mille habitants).

 

C'est sans doute à ses origines et à son importance numérique qu'elle dut de garder longtemps l'allure d'une société civique, dont les œuvres de charité revêtaient volontiers un caractère d'intérêt public. Certes, les unes étaient fort classiques, comme la distribution de pain sur la place des Cordeliers, le jour de la Trinité, transformée pour couper court aux abus, en 1519, en un service de dîner aux pauvres de l'Hôtel-Dieu. Mais d'autres avaient une visée plus large. Après avoir contribué à l'établissement et à l'équipement par le consulat d'un hôpital de pestiférés à Saint-Laurent des Vignes, la confrérie, en 1508, construisit à côté un hôpital de six chambres garnies, qu'elle agrandit par la suite, avant que l'hôpital de la Quarantaine l'absorbât. Son œuvre la plus mémorable eut trait à l'enseignement. En 1519, elle installa sur son terrain de la rue Neuve une école pour les enfants des confrères (rappelons-nous combien ils étaient nombreux) ; quand, en 1527, le consulat voulut fonder un collège dont Lyon était dépourvu, la confrérie lui céda la propriété des lieux, donnant son nom, "collège de la Trinité", au futur établissement.

 


 

La vie intérieure de la confrérie nous est peu connue. Selon toute vraisemblance, elle ressemblait à celle de toutes les autres : fête patronale célébrée solennellement (procession dans toute la ville, grand-messe, banquet) ; prières et offices en commun, messes pour lesquelles elle obtint du chapitre de Saint-Nizier, en 1486, l'autorisation de construire une chapelle entre deux contreforts au nord de l'église, où elle se trouve toujours. Outre les pratiques de piété et de charité individuelles, fortement recommandées, l'esprit que l'on cherchait à atteindre, comme dans la plupart des confréries, était celui de la charité fraternelle : entraide dans la pauvreté et la maladie; paix et arbitrage entre les confrères, assistance spirituelle dans la mort et les funérailles.

 

L'occupation protestante de la ville, en 1562, provoqua une éclipse forcée, après laquelle la confrérie ne retrouva jamais sa puissance passée. En 1614 encore, elle offrit à l'église de Saint-Nizier une belle porte neuve, au grand portail ouest: on peut toujours y voir sa marque au trumeau, sous la forme d'une Trinité sculptée en bas-relief. Mais les choses avaient changé, le temps était à la prise en mains des confréries par les autorités ecclésiastiques, en la personne des curés de paroisses, et à la réduction de leurs activités aux seules œuvres de piété et de charité, tandis que la vieille méfiance du pouvoir royal ne faisait que croître envers des compagnies qui ne lui devaient pas l'existence et qu'elle contrôlait mal.

 

La confrérie continua de vivre dans cette atmosphère nouvelle, avec des effectifs que nous ne connaissons pas, mais certainement très réduits si l'on en juge par l'amenuisement de ses moyens financiers, et observant fidèlement ses devoirs de piété, sous la conduite d'un aumônier toujours choisi au sein du chapitre de Saint-Nizier.

 

La Révolution, au nom du mythe rousseauiste de "la volonté générale", supprima les uns après les autres tous les corps constitués. Le 29 mai 1792, sentant sa fin prochaine, la confrérie tint tristement sa dernière séance. Déjà, l'aumônier avait dû se retirer, et ce fut au domicile de l'un des courriers que l'on se réunit. On régla quelques dettes, on prit quelques mesures pour se replier dans l'ombre et se faire moins remarquer, car on s'efforçait de croire à une possible survie. Mais c'était la fin, et tous le savaient bien. En 1795 et 1796, furent vendues comme bien national les deux maisons que la confrérie possédait rue Thomassin, et qui lui avaient été prises.

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1997, n°20