musée du diocèse de lyon
La Congrégation
Il est rare de rencontrer un
homme quelque peu marquant dans le catholicisme lyonnais au XIXe siècle sans
noter, comme en passant : « il fut membre de la Congrégation ». De
quoi s'agit-il ?
En 1802, de jeunes
catholiques, mûris dans la clandestinité qu'avait imposée la persécution
révolutionnaire, se groupèrent autour du Père Pierre Roger, père de la foi et futur jésuite, pour
former une congrégation mariale, à l'instar de celles qui avaient fleuri dans les
collèges de la Compagnie. Comme ces dernières, elle entretint en ses membres
une vie spirituelle intense : communion fréquente, prière et méditations,
récollections et retraites. Mais elle ajouta au modèle traditionnel une
vocation apostolique particulière, animée
par la volonté d'agir pour procurer le salut des âmes et la défense de l'Eglise. Jusqu'en
1815, la pression de la police impériale freina son action extérieure. Tout
juste eut-elle le temps, en novembre 1804, de déclencher le mouvement d'accueil
populaire et enthousiaste réservé à Pie VII de passage à Lyon, et, en
1809, de faire imprimer et diffuser clandestinement la bulle papale qui
excommuniait Napoléon.
Un deuxième caractère
distinctif fut le secret gardé sur elle-même. Un congréganiste ne devait jamais
faire connaître au dehors, fût-ce dans sa propre famille, l'existence de la
Congrégation, ni donc qu'il en faisait partie. Rigoureusement observé jusqu'à
la fin, ce secret permit à la
Congrégation de Lyon de traverser des périodes difficiles, sous le Premier
Empire et après la révolution de 1830, et de développer par la suite une action
considérable (Une Congrégation analogue exista à Paris, dès
1802. Plus mêlée que celle de Lyon à la vie politique, elle sut
moins qu'elle conserver le secret et attira l'attention des anticléricaux. Elle
disparut après 1830.)
Réorganisée en 1817 (une
Congrégation des Hommes, constituée à côté de celle des Jeunes gens,
forma avec elle « la Congrégation »), elle ne fut jamais très
nombreuse : 8 à la
fondation, environ 160 en 1830, 300 en 1850,275 en 1880,250 en
1900.
L'action des congréganistes se
porta d'abord tout naturellement vers les classiques œuvres de miséricorde :
secours aux pauvres, visites aux malades chez eux ou dans les hôpitaux, visite
et secours aux prisonniers, catéchisme.
Le tout, dans un esprit
d'éducation et d'édification spirituelle. Les activités individuelles se
coordonnaient entre elles, dans le secret des sections spécialisées. Secret levé,
bien entendu, pour l'archevêque, ses principaux collaborateurs, et quelques
prêtres amis dont certains étaient reçus comme membres honoraires.
Des œuvres furent créées au
grand jour, destinées aux milieux populaires : la société de Saint-Louis-de-Gonzague
pour les jeunes gens ; pour la régularisation des mariages, la société de
Saint-François-Régis ; pour les nouveaux venus à Lyon, l'œuvre des Savoyards, et
l'œuvre des Maçons (presque tous auvergnats) ; puis une forte participation aux
conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Tout cela, avant 1850. Plus tard,
devaient venir l'œuvre de Saint-Pontique, pour les enfants, les Cercles
catholiques d'ouvriers, l'Association catholique des patrons (pour les
artisans). Toujours, il s'agissait de former des noyaux solides, susceptibles
de préserver les jeunes gens de l'impiété et de l'immoralité ambiantes, de
façon qu'ils fussent en mesure de fonder des familles chrétiennes.
D'autres œuvres devinrent des
institutions de grande envergure, au service de l'Eglise et de la société,
utilisant les compétences, les ressources, l'influence sociale de ces bourgeois
enracinés dans leur milieu. C'est la Congrégation qui, ayant reçu de Pauline
Jaricot, en 1822, la responsabilité de la toute jeune Propagation de la foi,
lui donna un développement universel ; plus tard, c'est elle qui fonda la
Commission de Fourvière (1853) et assura la construction et l'entretien de la
basilique ; elle encore l'Université catholique, en 1875 (longtemps, la Faculté
catholique de Droit fut en partie tenue par la Congrégation), et, en 1879, le
quotidien catholique Le Nouvelliste. Pendant un temps, elle contrôla à Lyon
toutes les grandes entreprises catholiques collectives, seules lui échappant
les initiatives individuelles (A.Chevrier, C.Rambaud, L.Boisard). « Etre
de la Congrégation », cela signifiait avoir derrière soi l'appui d'une
force spirituelle et sociale qui donnait efficacité à un
apostolat conçu dans un esprit de foi intransigeante, de catholicisme social et
conservateur, et de défense religieuse.
A la fin du siècle, de
nouvelles formes d'association (« Cercles d'études » de l'Action
Catholique de la Jeunesse Française,A.C.J.F., « Groupes d'études » de
la Chronique des Comités du Sud-Est), fondées dans un esprit nouveau et
sur des bases neuves, plus encore l'essor de la vie paroissiale et
l'organisation diocésaine des œuvres, enlevèrent à la Congrégation son quasi
monopole dans l'action catholique. Après 1918, les circonstances étant tout
autres, la Congrégation resta, comme société de piété et de charité.
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 1998, n°10