musée du diocèse de lyon

Entrée

 

Adresse du Conseil Diocésain de Pastorale

au Pape Jean-Paul II

1986

LUNDI 6 OCTOBRE

 

 

 

 

 

Très Saint-Père,

 

 

Avec joie puisque vous l’avez accepté, nous désirons vous faire partager pendant quelques instants ce qui fait la vie de notre diocèse, avec ses points forts, ses questions, les réponses que nous tentons d’y apporter.

 

Avant d’aborder la vie de notre Eglise diocésaine nous pensons utile de souligner d’abord dans quel contexte elle se situe.

 

Un premier constat très important : ici, comme dans le reste de notre pays, on ne peut plus être chrétien en pensant « être comme tout le monde ». Nous sommes devenus minoritaires. De ce fait, plus que jamais être chrétien exige une foi authentique, responsable, communautaire. La relation avec ceux qui ne partagent pas notre foi n’est pas sans nous interroger, parfois nous ébranler, même si souvent aussi elle nous renouvelle. Et il est indispensable, pour ceux qui veulent devenir chrétiens de trouver sur leu chemin des croyants qui soient vraiment témoins de la nouveauté de la Foi pour les accompagner.

 

 

 

Quatre défis nous paraissent essentiels à relever dans notre diocèse :

1.    le défi de la grande ville,

2.    le défi d’une société de plus en plus divisée en deux,

3.    le défi d’une société multiculturelle,

4.    le défi de la science.

 

 

1.    Le défi de la grande ville

 

Le diocèse comprend une zone rurale importante, nous en reparlerons plus loin. Pour le moment nous considérons le poids numérique du complexe lyonnais : plus de 1.300.000 habitants sur un total de 1.800.000 personnes pour le territoire du diocèse.

L’attraction de la grande ville entraîne de multiples déracinements familiaux et sociologiques. Parmi cette émigration intérieure il faut compter plus de 80.000 étudiants.

Défi du déracinement, de l’isolement, de l’anonymat, de la marginalisation possible… Dans le contexte d’aujourd’hui, on dit souvent que beaucoup se replient sur eux-mêmes ou sur leur famille, dans une sorte de nouvel individualisme à distance des institutions politiques, syndicales ou religieuses.

Mais en même temps, certains agissent avec réalisme pour plus de justice, de liberté et de solidarité. Le chantier est vaste et nous sommes convaincus que la grande ville représente aussi une chance d’ouverture et de richesse par la stimulation qu’elle provoque.

Pour les chrétiens, laïcs mais aussi prêtres et diacres, c’est le défi d’une présence dans tous ces lieux si divers, dans tous ces réseaux où se joue l’avenir de notre société et où ils sont convaincus que leur foi a aussi son mot à dire.

 

 

2.    Le défi de la dualité caractéristique de notre société

 

Dans la société française, notre région a bénéficié plus que d’autres du développement économique. Facteur d’enrichissement pour certains, il a entraîné pour d’autres chômage, insécurité matérielle, angoisse de l’avenir.

Apparition d’une société cassée en deux, avec de nouveaux pauvres et un écart de plus en plus grand entre riches et démunis. A ce sujet, l’incertitude de l’avenir pour beaucoup de jeunes citadins dans l’agglomération lyonnaise, dans les villes comme Roanne et Villefranche, ne doit pas nous faire négliger combien cette incertitude pèse sur les zones rurales, soit dans les petites industries, soit parmi les cultivateurs. Là aussi les moins favorisés risquent d’être éliminés.

Véritable défi pour les chrétiens que d’appeler au partage et à la justice parmi ceux qui sont riches, et à l’espérance et au combat parmi ceux qui sont pauvres, ceux qui le sont ici chez nous, ceux si nombreux qui sont massivement pauvres là-bas, loin de chez nous.

La situation politique française où Gauche et Droite représentent chacune approximativement la moitié du pays, accentue cette dualité. On note la désaffection des plus jeunes pour la politique, une certaine exacerbation des extrémismes de toutes tendances. Cette situation divisée met sa marque sur les chrétiens. Ce qui rend le défi plus difficile à relever.

 

 

3.    Le défi d’une société multiculturelle

 

Le choc entre les cultures se joue à un double niveau :

 

Celui de l’éclatement des valeurs traditionnelles, au sein des lieux où elles trouvaient leur cohérence et leur cohésion (famille, école, église) avec des divergences, des affrontements. A ce niveau, pour les chrétiens le défi est de rester fidèles aux valeurs évangéliques, mais aussi avoir l’audace sans renier leurs valeurs propres, de contribuer avec d’autres à préparer la société de demain en accueillant positivement ses valeurs nouvelles. En ce domaine l’accord entre nous n’est pas toujours facile.

 

 

Au niveau de la diversité des cultures liées à la présence des populations étrangères : ici aussi la confrontation ne se fait pas sans heurt. L’accueil des réfugiés politiques, le nombre important d’immigrés, de nationalités fort différentes, la montée du racisme, l’impact important de certains groupes religieux sont autant de faits vécus à la fois comme richesse et comme menace. La revendication du droit à la différence culturelle est un défi nouveau. Si des chrétiens se sont engagés avec d’autres pour que les étrangers soient accueillis et respectés, la plupart partagent l’embarras de tous sur la réponse à donner : « Comment gérer cette diversité ? »

 

 

4.    Le défi de la science

 

Dans notre région, la recherche scientifique occupe une place importante dans le monde industriel, médical ou universitaire. Porteuse de nombreux espoirs, elle suscite également beaucoup de questions quant à l’avenir de l’homme.

Nous sommes aussi sensibles au défi que représente dans nos sociétés une rationalité technique très envahissante, que ce soit à l’usine, au bureau, à l’hôpital ou dans l’espace rural. Les chrétiens ont à relever ce défi, à la fois en ce que la technicité ainsi développée peut méconnaître du sens de l’homme, mais aussi en ce qu’elle peut contribuer à le libérer et à le grandir. Ainsi, avec tous les habitants de notre territoire, beaucoup de chrétiens du diocèse, qu’ils soient prêtres, laïcs ou religieux, cherchent comment répondre à ces défis et collaborent activement pour mettre en place des réponses par rapport à l’éthique, par rapport à l’argent et au travail, par rapport à l’étranger qui demeure parmi nous. Cependant, le souhait de ces chrétiens serait que le peuple de Dieu tout entier les soutienne dans leur démarche et soit ainsi le vivant témoignage de leur espérance et de la tendresse de Dieu pour tout homme.

 

 

*

 

Très Saint Père, nous souhaitons que votre parole soutienne et encourage tous ceux et celles qui entendent en tout cela un appel à la conversion, tous ceux qui se réunissent en groupe, en équipe, en communauté, pour redécouvrir les exigences permanentes de l’Evangile, retrouver la qualité et l’efficacité de la prière, vérifier l’authenticité de leur témoignage.

 

Dans notre Eglise diocésaine d’autres défis interpellent les chrétiens. Ils sont liés pour une part à la situation que nous venons de décrire, car nous sommes tous d’accord pour dire qu’il nous faut répondre à cette situation, mais nous sommes très différents quant à la manière de répondre.

 

Nous voudrions évoquer avec vous trois choses :

1.    la confrontation entre différents courants,

2.    la responsabilité de laïcs dans la vie de l’Eglise,

3.    le diocèse en mutation

 

 

1.    La confrontation entre différents courants

 

Dans notre diocèse comme dans le reste du pays l’indifférence religieuse s’accroît. Par rapport à la rencontre entre croyants et indifférents ou incroyants, on sent que les sensibilités et les comportements des chrétiens sont très divers. On retrouve cette diversité quand on aborde la question de la rencontre entre chrétiens et musulmans. Le nombre important de ces derniers dans la région lyonnaise pose souvent de manière aiguë la question du respect de leurs coutumes et de leurs pratiques religieuses.

La diversité est manifestée plus clairement quand on compare les spiritualités et les pratiques apostoliques et pastorales des groupes ici représentés par les membres du Conseil Diocésain de pastorale.

Il est vrai que cette diversité correspond à divers besoins de la mission. Il n’est pas moins vrai qu’elle correspond aussi à des courants pour qui la compréhension mutuelle n’est pas toujours facile : l’expérience naissante du Conseil diocésain de Pastorale nous le prouve.

Il faut toute la foi des uns et des autres pour que ces différences demeurent sources de richesses et résistent aux dangers du sectarisme ou, à l’autre extrême, du découragement.

 

Dans ces conditions, la pastorale diocésaine doit se donner des moyens appropriés :

-      et pour soutenir la foi des chrétiens et les aider à trouver les mots pour dire cette foi dans le quotidien ;

-      et pour maintenir l’unité de l’Eglise, sans pour autant étouffer ses différences ;

-      et pour accueillir et accompagner ceux qui veulent commencer ou recommencer à croire ;

-      et pour multiplier les lieux d’accueil, de rencontre, de partage où la foi en Christ puisse être proposée ;

-      et pour que chacun soit assuré du soutien de tous dès lors que sa place et sa mission le mettent aux frontières de l’Eglise ou aux postes où se joue l’avenir de l’humanité.

 

Pour répondre aux attentes actuelles, la catéchèse pour adultes, l’accompagnement spirituel, l’accueil et l’évangélisation des catéchumènes sont actuellement des points importants de recherche, tout particulièrement par rapport au monde des jeunes.

Enfin, la présence dans le Conseil diocésain de pastorale d’un ménage mixte catholique-protestant est le signe de l’importance et de la vitalité que garde dans notre diocèse le travail œcuménique.

Puisse votre parole, très Saint-Père, apaiser les antagonismes afin que la vitalité de l’Eglise de Lyon soit vraiment à la mesure des questions actuelles qui se posent dans le diocèse, que les chrétiens aient à cœur de s’écouter dans leur diversité : que, sans se suspecter mutuellement, ils soient guidés par l’amour de Jésus-Christ et des hommes de ce temps.

 

 

2.    La responsabilité des laïcs dans la vie de l’Eglise

 

Dans notre diocèse, cette prise de responsabilité devient très importante. L’an passé, 200 permanents se sont retrouvés engagés dans la responsabilité pastorale. Mais le nombre des laïcs bénévoles qui travaillent activement dans la mission de notre Eglise est bien plus impressionnant. Ainsi, présents dans la catéchèse, la liturgie, les aumôneries scolaires et d’hôpitaux, les équipes paroissiales, les Mouvements d’Action Catholique, les Mouvements éducatifs, les groupements orientés vers l’éducation, la spiritualité, la prière, l’action sociale et charitable, les services et les conseils diocésains, les laïcs à tous les niveaux prennent leur place dans la vie de l’Eglise.

 

Certes, des problèmes se posent :

-      les mentalités ne sont pas toujours prêtes à accueillir des responsables laïcs là où les prêtres étaient traditionnellement présents ;

-      des recherches sont encore à mener pour clarifier le rôle respectif des laïcs et des prêtres, notamment par rapport aux sacrements et pour renouveler le contenu de certains ministères ou services ecclésiaux ;

-      le nombre important des femmes parmi ces laïcs responsables peut poser une question. Pourquoi les hommes laïcs sont-ils si peu nombreux ? Cependant, une autre question surgit aussi : pourquoi ces femmes n’auraient-elles pas des responsabilités accrues dans l’Eglise ? Ne font-elles pas preuve de leur compétence ? N’ont-elles pas une parole originale à dire ?

 

Enfin, un autre appel : la nécessité de plus en plus grande d’une formation approfondie.

De nombreux laïcs acceptent d’y donner le temps nécessaire, depuis la maîtrise en théologie jusqu’à la simple initiation à l’accueil en paroisse. En deux ans, le diocèse a distribué plus de cinquante bourses pour des formations de type pastoral, mais aussi pour d’autres ouvertures telles que la philosophie.

Cet effort de formation va de pair avec une recherche sur les ministères, ceux qui peuvent être confiés aujourd’hui à des laïcs.

 

 

3.    Le diocèse en mutation

 

+ L’élan des laïcs dans l’Eglise ne fait pas perdre de vie que par ailleurs les prêtres du diocèse se font moins nombreux ; c’est une cause de préoccupations. Notre diocèse connaît le même phénomène que bien d’autres en Europe ; peu de jeunes envisagent la prêtrise et le clergé en place atteint une moyenne d’âge élevé : 63 ans. Une telle situation a incité à revoir l’organisation traditionnelle du diocèse. Des paroisses sont en voie de regroupement sous la responsabilité d’équipes presbytérales interparoissiales, le soin de l’animation de chacune revenant peu à peu à des équipes de laïcs. De même dan des secteurs orientés sur des populations, tels que le monde scolaire et étudiant ou le monde de la santé, des équipes de laïcs prennent la relève des aumôniers.

 

+ Cette responsabilité des laïcs dans la pastorale diocésaine ne se fait pas sans une redécouverte de la spécificité du ministère presbytéral et du ministère diaconal dans un profond désir de complémentarité.

 

+ Autre signe de vitalité pour le devenir du diocèse : la participation des jeunes. Ceux-ci nous redonnent le goût des grands rassemblements pastoraux : 1.300 jeunes de la région lyonnaise, de milieu populaire, ont participé au rassemblement de la J.O.C. à Villavenir, le 18 mai ; 2.000 jeunes au Forum des lycéens ; la fête annuelle des l’Action Catholique des Enfants. De tems rassemblements montrent que des jeunes retrouvent espoir en eux et en leur avenir.

 

+ Enfin, sans nous étendre sur ce sujet si important, il faut dire que l’ouverture aux pays dits du Tiers-Monde et les échanges avec les Eglises qui y sont implantées sont à la fois signe et renouvellement de vitalités pour notre diocèse d’où sont issus depuis longtemps de nombreux missionnaires. Le Service de Coopération Missionnaire, le Comité Catholique contre la Faim et pour le développement, entre autres, déploient leur activité dans ces domaines.

 

 

 

Les mutations qui s’annoncent qui s’annoncent dans la vie diocésaine sont le signe d’une Eglise pleine de promesses. Ainsi peu à peu croît dans le diocèse une Eglise à la fois fidèle à la tradition, et toute entière tournée vers l’avenir, désireuse de correspondre aux appels des hommes de ce temps et de cette région. Elle veut ainsi répondre aux exigences de son baptême et aux appels de Vatican II.

 

Très Saint-Père, puissent vos paroles de soutien donner à toute cette Eglise de Lyon un élan renouvelé de vitalité et l’assurance dans sa manière de vivre la mission, qu’elle est en étroite union avec toute l’Eglise universelle que vous représentez.

 

Au nom du Conseil diocésain de Pastorale :

Agnès Granjon