musée du diocèse de lyon

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LETTRE PASTORALE

DE

SON EMINENCE LE CARDINAL ARCHEVEQUE DE LYON

et Mandement

à l’occasion du Carême de l’an de Grâce 1907

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LA SITUATION PRÉSENTE ET SES DEVOIRS

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1907

 

 

 

 

 

Nous, Pierre-Hector COULLIÉ, par la miséricorde de Dieu et l'autorité du Saint-Siège apostolique, cardinal-prêtre de la Sainte Eglise romaine, du titre de la Trinité-des-Monts, archevêque de Lyon et de Vienne, primat des Gaules.

 

au Clergé et aux Fidèles de Notre Diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

 

 

NOS TRES CHERS FRÈRES,

 

 

Nous venons à vous, à la veille de ce Carême, le cœur tout rempli encore des fortes impressions que vous avez éprouvées vous-mêmes à la lecture de la dernière Lettre Encyclique de Notre Saint-Père le Pape. Et ayant à vous dispenser l'instruction et les exhortations accoutumées à ce retour du temps favorable et des jours de recueillement, Nous ne voyons pas qu'il Nous soit possible de choisir un autre sujet que celui-là même qui angoisse nos âmes et sur lequel l'ennemi cherche à donner le change, à tromper nos esprits, et à couvrir ses attaques pour les porter avec plus de sûreté.

 

Oui, N.T.C.F., le but des ennemis de l'Eglise est de détruire toute religion parmi nous. Plus encore, c'est de détrôner Dieu lui-même, de nier son existence et de nous faire accroire que nous sommes en ce monde par je ne sais quel accident sans cause, pour une existence éphémère qui doit se résoudre dans le néant dont nous sommes sortis. « Ce qu'on veut rayer du cœur et de l'esprit de l'homme, c'est Dieu (Encyclique du 6 janvier 1907). » Pour arriver à ce but infernal, les sectes ennemies ont dressé depuis bien longtemps un plan habile dont elles n'ont cessé de poursuivre l'exécution avec persévérance. On est étonné quand, parcourant l'histoire des vingt-cinq dernières années qui viennent de s'écouler, on suit pas à pas cette marche toujours progressive vers l'anéantissement de tout ce qui entretenait parmi nous la pensée de Dieu et son culte. On est stupéfait quand, en même temps, on constate avec quel succès ces ennemis de Dieu et de la Sainte Eglise arrivent à endormir l'opinion, à faire croire aux populations, même les plus chrétiennes, que leurs desseins sont tout au progrès de la prospérité publique, du développement moral de la nation et même au bien de la religion. Et cependant, chaque jour ils remportent contre notre Foi une nouvelle victoire, au grand détriment de la patrie et au grand péril des âmes.

 

Depuis bien longtemps déjà, les esprits attentifs se rendaient compte de l'aboutissement final où tendait l'effort de ces sectes impies, qui travaillaient à monter au pouvoir. Mais voici un peu plus d'un quart de siècle que, démasquant peu à peu et graduellement leurs batteries, et devenant chaque jour plus influentes, plus maîtresses de la puissance publique, elles ont opéré les travaux d'approche, pour enfin conquérir et puis dévaster la France Catholique. Faut-il énumérer cette succession de désastres qu'elles lui ont infligés tour à tour ? L'expulsion des Congrégations religieuses ; la laïcisation — comme ils disent de toutes les institutions publiques : hôpitaux, écoles, cimetières, prétoires ; ils ont poursuivi l'auguste image de Jésus crucifié partout où elle consolait une douleur, rappelait la grande pensée du devoir, étendait une influence de protection, ou suggérait les arrêts de justice et les pensées de miséricorde. Mais c'est surtout sur l'enseignement chrétien que devait s'exercer le travail de la destruction progressive qui va s'achevant à cette heure. Ces attaques, indirectes d'abord par les expulsions d'ordres religieux, s'adressent bientôt directement à la liberté d'enseignement en écartant toute leçon religieuse de l'école publique et en rendant chaque jour plus difficile, et tout à l'heure impossible, la création et l'entretien d'écoles, où le maître puisse en liberté donner aux enfants, pour satisfaire à la volonté formelle de leurs parents, un enseignement qui ne soit point hostile à leur religion et à leurs principes chrétiens.

 

Et en même temps, la guerre est conduite contre toutes les manifestations extérieures du culte catholique et bientôt contre l'exercice de ce culte lui-même.

 

Toute cette savante et persévérante tactique aboutit enfin à la Loi de Séparation, ou plutôt à cette série de lois qui, sous le nom menteur de séparation, en est arrivée à la spoliation totale de l'Eglise, arrêtée dans sa liberté d'expansion, étouffée dans le recrutement de son sacerdoce, et réduite dans l'usage même de ses temples, qu'elle ne détient que d'une façon précaire et incertaine, et sans aucun titre devant les Lois.

 

A ce tableau trop rapidement esquissé, et où sont omis encore un grand nombre de mesures administratives, de paroles ministérielles, d'actes de toutes sortes dont le sens et le but vont à jeter le mépris sur les choses saintes, à restreindre la liberté des fidèles, à poursuivre, en un mot, l'œuvre de déchristianisation de la France, ne voyez-vous point, N.T.C.F., combien étaient justifiés les avertissements que Nous vous avons maintes fois donnés, soit par Nos Lettres Pastorales, soit de vive voix, et spécialement à l'occasion de Nos visites dans vos paroisses ?

 

Or, reconnaissez donc bien que, pour un trop grand nombre du moins, vous ne teniez pas assez de compte de ces avis que Notre cœur de Pasteur vous adressait. Endormis par les protestations mensongères des candidats politiques qui briguaient vos suffrages, déconcertés par les affirmations contradictoires qui vous étaient rapportées et qui remplissent les journaux chaque jour, séduits par les promesses de faveurs pour vos familles et vos Communes, promesses souvent illusoires, que répandaient à profusion les gens dont l'intérêt était de vous tromper, vous n'avez point su comprendre que c'était une lutte entreprise contre la religion elle-même, contre la liberté, contre le droit le plus respectable du père de famille à conserver la Foi parmi ses enfants, et à vivre ouvertement dans la fidélité à ses traditions religieuses.

 

Aujourd'hui, il en est temps, N.T.C.F., ouvrez les yeux aux enseignements de ce passé qui vient de se dérouler devant vous ; prêtez l'oreille aux révélations qui échappent parfois à l'ennemi dans cette confusion de la mêlée. Pour ne prendre que quelques exemples de ces aveux, n'a-t-on pas affiché sur toutes vos murailles des discours dans lesquels on affirmait que la Loi de Séparation était une loi parfaitement libérale, que les intentions du ministre qui en poursuivait la confection et l'application étaient toutes bienveillantes, toutes généreuses à l'égard des fidèles ? Or, voici que le plus âpre des persécuteurs et l'initiateur de cette rupture violente avec le Saint-Siège, reconnaît aujourd'hui que ces associations cultuelles, présentées comme le salut de l'Eglise, sont absolument en opposition avec la Constitution de l'Eglise Catholique. Lui-même il déclare que le Saint-Père, Chef de l'Eglise, ne pouvait faire autrement que de condamner cette loi et de se refuser à la laisser accepter par les catholiques. Il déclare qu'il connaissait bien lui-même à l'avance l'extrémité où il poussait le Chef de l'Eglise. C'était donc un piège, de l'aveu même de celui qui recommandait au Sénat le vote de la Loi (Voir les articles de M. Combes dans la Nouvelle Presse libre de Vienne).

 

Et cependant, n'y a-t-il pas encore parmi nous des catholiques qui, se laissant prendre aux affirmations, répétées avec une instance qui finit par ressembler à une cruelle ironie, acceptent comme libérales les intentions qui ont dicté la Loi de Séparation, et volontiers blâmeraient le Souverain Pontife d'en avoir déjoué les pièges, au prix de si grands sacrifices ?

 

Ne serions-nous donc pas aussi instruits des vérités de notre Foi relativement à la Sainte Eglise que ne le sont les ennemis de Dieu, que ne l'est lui-même cet adversaire haineux, sorti de nos rangs, et qui cependant se trouve bien obligé de rendre justice, en quelque mesure, au Saint-Siège et à notre bien-aimé Pie X ?

 

Et, en effet, Nos bien chers Frères, ces hésitations des esprits en face des directions du Saint-Père viennent surtout de l'ignorance d'un grand nombre, à l'égard des notions fondamentales de l'Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

On ne se souvient pas assez que la Sainte Eglise n'est point du tout une institution humaine, dont le dessin aurait été tracé par le génie de l'homme et pourrait être, par conséquent, modifié au gré des générations qui se succèdent. Non, il n'en est point ainsi. L'Eglise Catholique est une œuvre divine. Solidement établie par la main de Notre-Seigneur Jésus-Christ, elle est un édifice harmonieux qui repose sur la pierre inébranlable contre laquelle ne prévaudront point les portes de l'Enfer.

 

« L'Eglise, dit le Catéchisme, est la société des fidèles établie par Notre-Seigneur Jésus-Christ et soumise à l'autorité des pasteurs légitimes, principalement de Notre Saint-Père le Pape. »

 

L'Eglise est donc, avant tout, une société ; une société plus parfaite que toute société humaine, puisque son organisation et ses lois constitutives ont été dictées par Dieu lui-même ; une société déterminée en ses organismes et dans le fonctionnement de sa vie.

 

Cette société n'a point du tout un but temporel, à l'inverse des sociétés que forment entre eux les hommes. Son but est tout surnaturel et tout au-dessus des intérêts passagers qui préoccupent les autres associations d'ici-bas. Dès lors, elle peut se mouvoir telle qu'elle est, au milieu de toutes les diversités de formes que revêtent les groupements humains. Peu lui importe qu'elle ait à s'accommoder avec une forme de gouvernement ou avec une autre. Elle peut s'épanouir à l'aise dans une république aussi bien que dans une monarchie.

 

Mais quels que soient les gouvernements humains, ils ne sauraient en retour, avoir aucuns motifs de s'occuper de la constitution intime de l'Eglise. Elle est un fait que les gouvernements rencontrent et qu'ils doivent reconnaître ; mais, l'Eglise ayant un but tout spirituel et une organisation tout exclusivement ordonnée vers ce but, les gouvernements n'ont aucune raison réelle de contrôler, de contrarier son fonctionnement normal, bien moins encore de vouloir lui imposer une organisation nouvelle et une constitution de leur choix.

 

C'est, par malheur, ce qu'a entrepris la Loi de Séparation. A l'Eglise Catholique, elle a voulu donner une constitution protestante, et elle lui a déclaré que, si elle ne voulait point accepter cette constitution imaginée par des législateurs ignorants de sa nature et de sa fin, elle serait spoliée de tous ses biens, de ressources pourtant si légitimement acquises et si nécessaires à son fonctionnement et à sa vie.

 

En effet, qu'est-ce qui distingue essentiellement la constitution de l'Eglise Catholique, si ce n'est précisément le pouvoir résidant dans sa hiérarchie ? Tout le gouvernement de l'Eglise Catholique est aux mains de l'épiscopat dont le Chef est l'Evêque de Rome, le Vicaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est Jésus-Christ qui a établi les évêques pour régir l'Eglise de Dieu : quos posuit episcopos regere ecclesiam Dei. C'est Jésus-Christ qui a donné à Pierre la Primauté d'Honneur et de Juridiction sur le collège de ses Apôtres ; c'est Lui qui a chargé Pierre de confirmer ses Frères, c'est-à-dire d'être l'infaillible gardien parmi eux de la rectitude de la Foi et le suprême modérateur de leur pouvoir.

 

C'est donc là une organisation définie et intangible : à la base, le fondement qui est Pierre et sur lequel est bâti l’édifice tout entier : sur ce fondement, les colonnes imposantes de l'épiscopat, qui, par le monde, soutiennent les diverses parties du temple grandiose où s'abritent les multitudes. C'est là toute l'architecture dessinée de la main de Jésus-Christ lui-même qui demeure le chef invisible de l'Eglise, tout en se faisant représenter sur la terre par le Pape, chef visible. C'est là une doctrine qui n'est point nouvelle. Elle est celle de tous les siècles. Ecoutez saint Cyprien « Le Seigneur dit à Pierre : « Moi je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.» Ainsi, il bâtit son Eglise sur un seul. Et si après la Résurrection il accorde un pouvoir égal à tous ses Apôtres, s'il leur dit : « Comme mon Père m'a envoyé je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit », cependant, pour rendre l'unité plus frappante, il veut dans son autorité souveraine, que cette unité, dans son origine, ne découle que d'un seul (Lib. De Unit. Eccles.). »

 

C'est ainsi qu'avait parlé déjà notre saint Irénée (Lib. III advers. Hoeres. et Epist. 57), et à ses paroles si explicites et si remarquables, faisaient écho saint Jérôme, saint Basile, saint Ambroise et toute la Tradition de l'occident et de l'orient.

 

Toute cette admirable unité de l'Eglise qui est son caractère premier, sa prérogative singulière et à laquelle elle a toujours tenu comme à la prunelle de ses yeux : cette unité que Bossuet, notre grand Bossuet, a chantée en un si magnifique langage : l’unité de l'Eglise Catholique tient essentiellement à cette constitution hiérarchique.

 

Or, voici que, par un caprice, des législateurs, parmi lesquels nous voyons en si grand nombre les ennemis déclarés de l’Eglise, viennent nous dire : Désormais, vous ne serez plus une hiérarchie dans laquelle l’autorité vient du Chef, mais vous serez une association dont toutes les décisions seront prises à la majorité des voix. Non pas même cela, mais vous serez une multitude d’associations que vous formerez spontanément, et dans chacune desquelles le pouvoir s’exercera selon le mode parlementaire. Ces associations pourront se fédérer, mais dans ces fédérations elles-mêmes, c’est le nombre qui détiendra le pouvoir. L’Evêque pourra bien entrer dans ces groupements, mais l’Evêque n’y apportera que sa voix personnelle, et nous ne lui permettons pas d’y être plus qu’une unité.

 

En vérité, N.T.C.F., ne comprenez-vous pas qu’il s’agissait bien là d’une révolution dans la Constitution même de l’Eglise ?

 

Et qu’on ne dise pas qu’un article de la Loi garantissait la constitution propre de chaque culte dans la formation de ces associations. La loi, dans son ensemble était formelle : Toute association ne pouvait vraiment se mouvoir que sous l’impulsion d’une majorité souveraine.

 

Il eût donc fallu, pour entrer dans ce cadre, pour se conformer à ces dispositions, briser avec la hiérarchie sacrée, c’est-à-dire accepter une constitution tout opposée à celle qu’a voulue et qu’a établie Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c’est pourquoi Notre Saint-Père le Pape n’a pas reculé devant cette nécessité où il se trouvait de déclarer hautement son Non Possumus. Et comme il avait été décidé avec une souveraine injustice que tous les biens de l'Eglise, les biens des paroisses, des Séminaires, des Evêques, des prêtres, propriété légitime et sacrée aussi bien que nécessaire, ne nous seraient laissés qu'à la condition de cette apostasie, voici que, par le vol le plus sacrilège, la conséquence de cette fidélité de l'Eglise à sa constitution, c'est son dépouillement absolu et sa ruine totale. Et l'on ose dire, par une ironie insultante et cruelle, que l'Eglise a abandonné ses biens, que l'Etat a bien été obligé de s'en saisir puisque c'étaient désormais des biens sans maîtres ! Et ces mensonges odieux ont été affichés dans tous vos villages ! Et des feuilles publiques ont jeté partout cette dérision qui a pénétré dans l'esprit des masses abusées !

 

 

 

C'est pourquoi Notre Saint-Père le Pape défendant l'Eglise de ce reproche, s'écrie : « On lui a donc pris ses biens ; elle ne les a pas abandonnés. Par conséquent, déclarer les biens ecclésiastiques vacants à une époque déterminée, si à cette époque l'Eglise n'a pas créé dans son sein un organisme nouveau ; soumettre cette création à des conditions en opposition certaine avec la Constitution Divine de cette Eglise, mise ainsi dans l'obligation de les repousser ; attribuer ensuite ces biens à des tiers comme s'ils étaient devenus des biens sans maîtres ; et finalement, affirmer qu'en agissant ainsi on ne dépouille pas l'Eglise, mais qu'on dispose seulement de biens abandonnés par elle, ce n'est pas seulement raisonner en sophiste, c'est ajouter la dérision à la plus cruelle des spoliations (Encyclique : « Une fois encore » du 6 janvier 1907). »

 

Vous devez donc le bien comprendre, N.T.C.F., c'est la guerre religieuse qui a été déclarée. Et l'on voit ce spectacle étrange que ceux-là même qui poursuivent ainsi la sainte Eglise, qui s'emparent de ses biens, qui détruisent toutes ses œuvres, ne craignent point en même temps de prétendre que c'est nous, catholiques, qui voulons la persécution et la guerre ! Ici encore il nous faut citer les paroles mêmes de Notre Saint-Père Pie X :

 

« Etrange accusation, qu'une accusation pareille !

« Fondée par Celui qui est venu dans ce monde pour le pacifier, et pour réconcilier l'homme avec Dieu, messagère de paix sur cette terre, l'Eglise ne pourrait vouloir la guerre « religieuse qu'en répudiant sa mission sublime et en y mentant aux yeux de tous…

« L'Eglise ne veut pas la guerre, la guerre religieuse encore moins que les autres ; et affirmer le contraire, c'est la calomnier et l'outrager. Elle ne souhaite pas davantage la « persécution violente. Cette persécution, elle la connaît pour l'avoir soufferte en tous les temps et sous tous les cieux. Plusieurs siècles passés par elle dans le sang lui donnent « donc le droit de dire avec une sainte fierté qu'elle ne la craint pas, et que toutes les fois que ce sera nécessaire, elle saura l'affronter. Mais la persécution en soi, c'est le mal. « L'Eglise ne peut donc pas la souhaiter, même en vue du bien que dans sa Sagesse infinie, Dieu en tire toujours. En outre, la persécution n'est pas seulement le mal, elle est « encore la souffrance ; et c'est une raison nouvelle pour laquelle, par pitié pour ses enfants, l'Eglise qui est la meilleure des mères, ne la désirera jamais (Ibidem). »

 

Ces paroles sont d'une clarté irrésistible pour toutes les âmes de bonne foi, et Nous sommes assuré que quiconque méditera avec soin toute cette dernière lettre encyclique, si pleine de lumière et si pénétrante de charité, ne pourra plus se faire d'illusion sur la réalité des desseins de persécution qui se décèlent aujourd'hui.

 

Notre devoir, en conséquence, N.T.C.F., le devoir de tous les catholiques est donc maintenant d'ouvrir les yeux d'abord et de percevoir clairement le péril de demain, comme aussi l'état de guerre qui déjà a fait tant de ruines.

 

Notre devoir est de renouveler notre Foi à la sainte Eglise : Credo in Sanctam Ecclesiam Catholicam ! Mais cette Foi doit être désormais, plus encore que par le passé, un sincère et ardent attachement du cœur à cette société divine à laquelle nous appartenons par le Saint Baptême. Cette Foi doit donc être un acquiescement simple, confiant et total à tous ses enseignements, aux directions de son Chef auguste, Notre Saint-Père le Pape. Cette Foi doit être, si nous pouvons dire, la substance même de notre vie, dictant à notre esprit, ses pensées et ses jugements, à notre volonté ses déterminations, à notre cœur ses élans, et s'il le faut, une héroïque vaillance.

 

Notre devoir, en effet, est de défendre l'Eglise ; de la défendre par tous les moyens légitimes, mis à notre disposition : l'exemple, la parole, la plume, le concours donné aux œuvres qu'elle suscite.

 

Aucun catholique ne doit s'y épargner, à plus forte raison, devons-nous tous désormais accomplir nos devoirs de citoyens, quand par nos votes nous sommes appelés à exercer une partie, si minime soit-elle, de notre souveraineté populaire, en ne donnant nos suffrages qu'à des catholiques intelligents et fermes, ou tout au moins, à des hommes qui défendront les libertés vaincues.

 

Notre devoir enfin, c'est la prière et la pénitence. « Voici le temps favorable, voici les jours de salut. » Nous vous l'avons maintes fois répété : quand le peuple de Dieu était affligé par des calamités publiques, il se répandait en supplications redoublées et plus ferventes, il se livrait à des jeûnes austères, il s'ensevelissait sous le cilice et la cendre. Et nous, ne devons-nous point, à son exemple, passer ce temps de la Sainte Quarantaine dans une componction et une ferveur plus généreuses que jamais ? Ne devons-nous point faire trêve décidément à toutes joies mondaines, nous soustraire à cette fièvre malsaine du plaisir qui envahit nos sociétés modernes, pour prier, pour pleurer, pour réparer devant Dieu et obtenir de Lui son intercession puissante au milieu de si grands maux.

 

C'est là, N.T.C.F.,  quoi nous vous convions avec les plus paternelles instances. Venez dans ces églises où d'après une loi étrange, Notre-Seigneur et Notre Maître, le divin prisonnier du Tabernacle, n'est plus chez lui, et puisque par une heureuse inconséquence, on nous laisse encore la faculté d'y venir le saluer et l'adorer, hâtez-vous de Lui apporter vos hommages et d'y venir puiser, au plus intime de son cœur, les consolations et les énergies qui sont à cette heure si nécessaires.

 

 

A ces causes, après en avoir conféré avec Nos vénérables Frères les Doyen et Chanoines de Notre Chapitre Primatial, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit.

 

I.             En ce qui concerne le Carême : …

 

II.           En ce qui concerne la visite pastorale : …

 

 

 

Donné à Lyon, sous Notre seing et le contre-seing du chanoine chancelier de Notre archevêché, le 29 janvier 1907, en la fête de saint François de Sales.

 

 

Pierre, Cardinal COULLIE,

Archevêque de Lyon et de Vienne,

Primat des Gaules.

 

Par mandement :

P.PAGNON,

Chanoine-chancelier

 

 

 

 

SOURCE : Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1er février 1907, pp.253-267