musée du diocèse de lyon

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Création du Denier du clergé

 

 

Tout commença sous la Révolution. Quand elle eut mis la main sur les biens du clergé séculier (2 novembre 1789), puis régulier (13 février 1790), l'Assemblée constituante mit à la charge de la nation l'entretien des prêtres et religieux et, logiquement, dans la Constitution de 1791, elle l'inscrivit sur la Dette nationale, garantie à perpétuité... Dans cette ligne, le concordat de 1801 confirma le caractère irrévocable de la vente des biens d'Eglise nationalisés, et en même temps institua le paiement pat l'Etat d'un « traitement convenable » aux évêques et aux curés ; sans le dire expressément, c'était reconnaître tacitement qu'il s'agissait bien d'une compensation. Puis, le temps passant, le souvenir d'un juste dédommagement s'estompa et, quand la loi de Séparation du 9 décembre 1905 supprima le traitement des prêtres séculiers, beaucoup n'y virent que la disparition d'une subvention mal justifiée.

 

Il fallut tout de suite trouver les ressources nécessaires à la vie des prêtres, et l'année 1906 fut occupée à mettre sur pied une nouvelle contribution. En mars et avril, un questionnaire demanda aux curés leur avis sur le meilleur mode de perception, sur la répartition des tâches, sur la composition souhaitable de la commission qui aurait à fixer et contrôler recettes et dépenses. Les évêques se concertèrent et s'accordèrent pour instituer une contribution annuelle, dont l'organisation serait laissée à l'initiative de chaque diocèse, mais qui porterait partout le même nom : Denier du Clergé, par analogie avec le Denier de Saint­-Pierre qui avait été créé en 1860, peu avant la disparition de l'Etat pontifical. Triste année 1906, marquée par les inventaires, les spoliations et, le 6 décembre, l'expulsion de l'archevêque du vieil archevêché et son refuge dans un appartement mis à sa disposition par de pieuses personnes, 2 avenue du Doyenné.

 

C'est là que, le jour de Noël, le cardinal Coullié institue « l'œuvre du Denier du Clergé, destiné à remplacer le traitement des prêtres de paroisses ». Sa lettre pastorale, complétée et précisée, le 13 mars suivant, par une circulaire au clergé, posait plusieurs principes. Tout fidèle a le devoir grave de s'acquitter de cette contribution, dont la justification se trouve dans plusieurs passages du Nouveau Testament ; c'est une obligation de conscience, donc dépourvue de sanction canonique, et chacun doit librement fixer le montant de sa cotisation, selon ses ressources. Chaque fidèle doit porter le regard au-delà des limites de sa paroisse et comprendre que c'est le diocèse qu'il s'agit de faire vivre : « c'est beaucoup moins par la paroisse que par le diocèse qu'un chrétien appartient à l'Eglise »; la paroisse est une « famille spirituelle », le diocèse, « seul, constitue un organisme complet dans l'Eglise de Jésus-Christ » puisque c'est le territoire confié à l'évêque. Cette brève leçon d'ecclésiologie peut retenir l'attention de l'historien. Elle suggère, en effet, que la nécessité d'organiser l'entretien du clergé contribua à renforcer, chez les catholiques le sentiment d'appartenir à un diocèse. Peut-être le développement de la vie paroissiale, si puissant dans les années précédentes, avait-il parfois pu limiter l'horizon, que l'aiguillon de la nécessité contraignait d'élargir. Dans le même temps et pour les mêmes causes, le besoin de grouper les œuvres en associations, rencontres, congrès à l'échelle du diocèse produisait les mêmes résultats.

 

Sous le contrôle direct et la responsabilité de l'archevêque, fut fixé le montant demandé à chaque paroisse, et répartie entre les prêtres la quotte-­part de chacun. La collecte commença dès mars 1907 et la reddition des comptes de l'année, en janvier 1908, fit apparaître une recette de 760 000 francs supérieure à ce qui avait été demandé (720 000) mais bien inférieure au montant du traitement naguère versé par l'Etat (880 000) Résultat non catastrophique, mais laissant présager un avenir précaire.

 

Il l'est toujours aujourd'hui ; et le Denier du Clergé, devenu « Denier du Culte », puis « Denier de l'Eglise », n'a pas perdu sa raison d'être...

 

 

Henri Hours

Eglise à Lyon, 2003, n°4