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Lyon et l'Edit de Nantes

 

 

 

Au moment où le roi Henri IV signait à Nantes son fameux Edit de pacification, en 1598, le poids du protestantisme à Lyon était devenu léger. Il n'en avait pas toujours été ainsi. Les premières prédications réformées, en 1524 (c'est du moins la première date connue), confirmées par l'influence de voyageurs de passage, favorisèrent la formation d'une communauté, dont une répression discontinue, suivant les fluctuations de la politique royale, ne parvint pas à freiner la progression. Une Eglise put enfin être dressée, avec culte régulier et ministres, en 1546. Dès lors, en dépit ou à cause de plusieurs exécutions capitales (trois ou quatre en 1540, douze entre 1551 et 1553), la croissance se fit rapide. Tous les milieux sociaux furent touchés, riches marchands et pauvres compagnons, en particulier chez les libraires et imprimeurs, et dans les métiers exigeant de l'instruction.

 

L'Eglise calviniste progressant en nombre et en assurance, les catholiques finirent par se sentir menacés. L'agitation s'empara des esprits et s'exacerba. Quand la France se jeta dans la guerre, en 1562, Lyon bascula tout de suite : dans la nuit du 30 avril au 1er mai, la ville fut occupée militairement par le parti protestant qui, de cette place forte, domina le Lyonnais, le Forez et le Beaujolais où quelques Eglises avaient pu se fonder (Bourg-Argental, Saint-­Bonnet le Château, Feurs, Saint-Galmier).

 

On pouvait penser que Lyon allait devenir protestante. En fait, non seulement cette victoire fut de courte durée (l'armée royale et catholique reprit la ville le 15 juin 1563), mais ses conséquences furent mauvaises sur le protestantisme lyonnais. D'une part, très tôt une désaffection se fit sentir dans le petit peuple, déçu dans ses espoirs sur le coût de la vie et le régime du travail ; la défaite ne fit que l'amplifier. D'autre part et surtout, le saccage des églises (à Lyon, Saint-Just fut même détruite), le pillage des couvents, plus encore l'élimination de la messe et le traitement ignominieux infligé aux lieux et aux objets sacrés, révoltèrent les catholiques et intensifièrent leur haine de l'hérésie. Si bien que le parti protestant commença par être chassé de la municipalité, puis une expulsion massive mit dehors, en 1568, plusieurs centaines de familles et les temples furent détruits ; enfin, en 1572, l'abominable massacre des « vêpres lyonnaises », écho de la Saint Barthélémy parisienne, réduisit définitivement le protestantisme lyonnais à une condition menacée et précaire.

 

C'est donc une petite minorité survivante qui, en 1598, pouvait espérer profiter des avantages de l'Edit de Nantes. On n'en connaît pas le nombre : même après un accroissement sensible, dû pour la plus grande part à des apports extérieurs, la communauté, au milieu du XVIIe siècle, ne représentait pas plus de 2% environ de la population totale de Lyon. Elle fut d'abord en butte à une hostilité populaire assez marquée (il y eut des incidents jusque dans les années 20), tandis que les autorités s'attachaient à respecter l'Edit dans son esprit. Vers les années 50, la situation s'inversa : la cohabitation avec les catholiques était devenue pacifique et des relations normales s'étaient établies ; mais les autorités, suivant la politique royale, et sous l'impulsion de la Compagnie du Saint-Sacrement, commençaient de chercher tous les moyens pour éteindre le protestantisme. L'organe principal de cette entreprise fut la compagnie de la « Propagation de la Foi » (sans rapport avec celle du XIXe siècle), qui, entre 1659 et 1685, obtint 568 abjurations. Résultat non négligeable mais insuffisant pour éliminer l'Eglise calviniste lyonnaise. Ce fut l'œuvre de la révocation de l'Edit de Nantes, en 1685. Le départ des familles insoumises se fit dans le calme ; contrairement à ce qui a pu être observé en d'autres lieux, la vie lyonnaise n'en fut pas affectée.

 

Mais le protestantisme subsista, grâce aux familles de marchands étrangers, suisses notamment, que la révocation ne concernait pas. C'est à partir de ce petit noyau qu'une Eglise de la Réforme allait pouvoir renaître à Lyon, peu après 1770.

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1998, n°16