musée du diocèse de lyon

entrée

Pierre d’Epinac

1540-1599

 

 

Avant de mourir le 13 septembre 1573, l'archevêque Antoine d'ALBON avait préparé sa succession, en résignant le siège en faveur de son neveu, Pierre d'ÉPINAC. Après quelques difficultés de procédure, surmontées en partie grâce à l'aide des jésuites, notamment du père AUGER, celui-ci put faire entériner l'acte en Cour de Rome comme auprès du roi, et prit possession de son siège, le 2 octobre 1574.

 

Ce n'était pas un inconnu dans le diocèse, loin de là. Né dans une famille de la noblesse forézienne, reçu chanoine-comte de Lyon en 1550 (à l'âge de dix ans...), il ne participa effectivement à la vie du chapitre qu'à partir de 1563, après de solides études à Paris et à Toulouse où il obtint le doctorat en droit civil et canon. Le chapitre utilisa sans tarder ses compétences. A plusieurs reprises, à la fois comme « chamarier » et comme « syndic », il eut donc mission de défendre, à Lyon, dans la région et à Paris, les droits temporels et les privilèges juridiques de l'illustre corps, gravement atteints par les dégâts de l'occupation protestante de 1562-1563. Il se révéla bon juriste et représentant efficace des intérêts à lui confiés : le chapitre l'élut doyen, dignité suprême, en 1569. Dès lors, lui incomba la responsabilité de poursuivre l'œuvre entreprise par son prédécesseur après la tourmente : non seulement réparer les pertes temporelles, mais restaurer la dignité de vie des chanoines, soutenir son oncle l'archevêque dans ses essais encore modestes de réforme, en premier écho aux décrets du concile de Trente, qui venait de s'achever en 1563 ; tout en défendant, bien entendu, les droits acquis du chapitre, notamment l'exemption à l'égard de l'ordinaire. Dans le même temps, il ne jugeait pas choquant de recueillir en commende plusieurs abbayes et prieurés. (Le système de la commende, officialisé par le concordat de 1516, permettait au roi de nommer à des abbayes et prieurés des personnages qu'il voulait favoriser, et qui touchaient les revenus de ces « bénéfices » sans en exercer les fonctions. Ce système scandaleux a été l'une des principales causes de la décadence de l'ordre monastique sous l'Ancien régime.)

 


 

Devenu archevêque, Pierre d'ÉPINAC poursuivit sur cette ligne, qu'il accentua. Non seulement il soutint l'action des jésuites et des capucins et favorisa le développement des confréries, mais il inaugura un nouveau style de ministère épiscopal direct, prêchant régulièrement dans sa cathédrale et présidant lui-même les cérémonies. Il restaura les deux synodes annuels et, en 1577, publia en français (grande nouveauté) des statuts synodaux remis à jour, enrichis, sur le mariage, d'articles empruntés aux décrets du Concile, accompagnés d'un petit catéchisme et d'un ensemble de recommandations sur les sermons, sur le respect des sacrements et des lieux saints, sur le sérieux de la vie ecclésiastique : un utile guide pratique. Il prit comme auxiliaire le carme Jacques MAISTRET, comme vicaire général le chanoine Etienne de LA BARGE, comme official primatial le sacristain de Saint-Nizier Antoine-Emmanuel CHALON, tous trois adversaires résolus des huguenots et partisans de la réforme dans l'Eglise. Son orientation réformatrice était sans équivoque.

 

Ainsi le diocèse put-il être toujours dirigé, quand l'archevêque se trouva aspiré au loin. Député du clergé de Lyonnais et Forez aux Etats-généraux de 1576, chargé de fonctions en diverses assemblées générales du clergé, il fut remarqué par Henri III qui se l'attacha et lui confia diverses missions. Si bien qu'à partir de 1579, il fut, pendant une dizaine d'années, absent du diocèse, tout en continuant de veiller sur lui de loin, et de publier instructions et directoires.

 

On était alors au plus fort des guerres civiles. Ayant adhéré au parti des GUISE, EPINAC fut arrêté par Henri III après leur assassinat à Blois en 1588, et gardé là un an captif. Puis il gagna Paris, où une année encore, il fut, au sein du gouvernement ligueur, le principal représentant du courant modérateur et antiespagnol, donc très peu ultramontain, qu'on a appelé la « Ligue française ». Ayant retrouvé son diocèse à la fin de 1590, il reprit naturellement son action pastorale, tout en continuant de suivre une ligne politique d'indépendance française qui faisait pièce aux ambitions brouillonnes du duc de NEMOURS, gouverneur de la province. Quand Lyon se fut soumis à Henri IV, le 8 février 1594, il attendit trois mois pour se rallier à lui. Malade, retiré des affaires publiques, il vécut encore jusqu'au 10 janvier 1599, et laissa le souvenir d'un prélat qui, sans pouvoir être appelé un réformateur, il était encore trop lié au siècle, a néanmoins largement préparé son diocèse à s'ouvrir, après lui, au grand souffle de la réforme catholique.

 

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1997, n°7