musée du diocèse de lyon

Entrée

L’exposition catholique de 1936

 

 

Quand il visita, en mai 1935, l'exposition réalisée par le diocèse de Marseille, son ancien diocèse, le Cardinal Maurin y vit sûrement l'expression de sa pensée profonde : n'avoir pas peur de se montrer, révéler à tous la fécondité de la foi dans le jaillissement des œuvres, donner aux catholiques légitime fierté de leur Eglise. Réconfort pour les croyants, apologétique sans discours à l'égard des autres. D'ailleurs, c'était l'air du temps. Dans les organisations déjà anciennes comme dans les tout neufs mouvements d'Action catholique, on aimait sortir au grand jour : gymnastes, scouts, F.N.C., J.O.C., J.E.C., J.A.C., Enfants de Marie, défilaient dans la rue avec musique, uniformes ou drapeaux, occupaient stades et terrains publics par des fêtes, meetings et jeux scéniques. L'heure n'était pas à l'enfouissement...

 

Lyon aussi devait donc avoir son exposition. Dès juillet 1935, un comité d'organisation de dix personnes, cinq ecclésiastiques et cinq laïcs, présidé par Mgr Delay, évêque auxiliaire, se mit au travail. Tout fut prêt en moins d'un an, au prix d'un grand effort. Enfin, le samedi 16 mai 1936, dans le Palais de la Foire encore presque neuf, aménagé sous la direction des architectes Mortamet et Curtelin, avec l'aide technique des Ateliers d'Apprentissage de l'abbé La Mache, le Cardinal Maurin, accompagné du Cardinal Verdier, put inaugurer solennellement son exposition.

 

Du rez-de-chaussée au troisième étage, le vaste bâtiment était plein.

 

En bas, à côté de l'enseignement libre qui occupait dix galeries, se pressaient les stands des congrégations religieuses, associations de piété, scouts et guides. En outre étaient présentés les grands sanctuaires (Fourvière, Valfleury) et les paroisses de Lyon créées depuis la Séparation. Enfin, les institutions de formation du clergé et ses organisations publiques.

 

Le premier étage abritait les œuvres de bienfaisance et les réalisations sociales. Au deuxième, l'Action catholique, la masse des stands des paroisses et des archiprêtrés de tout le diocèse. Enfin, sous la rubrique « Moyens de propagande », la presse catholique.

 

Au troisième, une grande exposition d'art religieux, à laquelle avaient contribué le Musée Saint-Pierre, mais aussi le Louvre et le Petit-Palais. A côté, les unions professionnelles d'Action catholique, les œuvres de plein air, et la très importante section des missions.

 

Sur toute la vie du diocèse, une abondance d'informations était donnée en graphiques, panneaux explicatifs, photographies, figures découpées. On apprenait que l'Enseignement libre avait compté, en 1935, 3 172 professeurs et 68 150 élèves dans 900 établissements ; que « Le Messager de Millery », paru dès le 15 janvier 1892 avait été l'un des tout premiers bulletins paroissiaux français ; que le diocèse comptait 8 000 croisés et 26 230 Enfants de Marie, etc. Dans les stands des congrégations, quantités de scènes en poupées habillées apparaissaient peut-être désuètes et puériles aux intellectuels, mais plaisaient à la foule, et montraient en tous cas, selon les termes du P.Rimaud, « une magnifique faculté d'adaptation aux besoins du monde moderne ».

 

Dans la vaste allée centrale, se tenaient de grands rassemblements, avec discours, chants et jeux : J.O.C., Journée paysanne, Ligue des Catholiques, Enseignement libre, Union Jeanne d'Arc, fête de gymnastique. Au dehors, salle Rameau, la Compagnie des Spectacles d'Art Libre, de Suzette Guillaud, avait joué Les Martyrs de Lyon des abbés La Mache et Charavay ; et « Les Amis de Saint-Charles », de Saint-Etienne, donnèrent Le Messie de Haendel. Deux messes pontificales furent célébrées, à Saint-Nizier et à Saint -Jean, et Fourvière vit venir plusieurs pèlerinages. Jusqu'au 7 juin, plus de 300 000 personnes visitèrent l'exposition.

 

Pour le Cardinal Maurin, qui célébra à cette occasion son jubilé, ce fut l'apothéose de son épiscopat. Dans son éditorial placé en tête du Guide-­programme sous le titre « La Parole du Chef », on sent percer, sous des termes discrets, sa joie de voir honorer la forme de catholicisme qui lui était chère, celle de la « Concentration religieuse » recommandée naguère par Pie X, qui l'avait nommé évêque. Un catholicisme à la fois populaire et structuré, avec ses œuvres, ses écoles, ses syndicats, ses patronages, ses sociétés de gymnastiques, ses associations d'apostolat et de prière ; le tout organisé dans les paroisses et le diocèse, base solide pour une Action catholique de reconquête, qu'il ne pouvait concevoir autrement qu'incluse dans ce cadre. Il mourut le 16 novembre suivant…

 

Quelques années à peine, et tout allait basculer.

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1994, n°1