Expositions d’art
religieux
1947
En
1947 sont organisées deux expositions d’art sacré à la chapelle du Lycée Ampère
à Lyon.
ART SACRE
CONTEMPORAIN,
du 13 septembre au 20 octobre
Cette
exposition est organisée par la revue des dominicains Art Sacré, l’organisme d’aide aux artistes Nouvel Art et le Syndicat
d’initiatives de Lyon. Un petit livret accompagne cette exposition
comportant trois textes et le catalogue des œuvres.
REGAMEY Pie Raymond
Il
est rédacteur de la revue Art Sacré
et dans son texte demande que l’on ne classe pas les artistes en les opposant
les uns aux autres. Il indique que cette exposition comporte deux
sections : l’une organisée par les « parisiens », le Père
Pichard et lui-même, l’autre par les lyonnais René Déroudille et Marcel Michaud
principalement.
Lyon est une des plus vives capitales de l’esprit. Il
est une des plus hautes capitales de la foi et de l’amour divin. Au moment où
nous sommes, où l’on pourrait cueillir les fruits d’un effort de trente ans et
plus pour la renaissance d’un art chrétien, Lyon se devait d’organiser une
exposition de cet art. Il l’organise à l’occasion de ce Congrès National de la
Pastorale liturgique, qui tente de faire enfin passer dans les mœurs
paroissiales les bienfaits d’une renaissance liturgique trop limitée encore à
des élites et à des initiés.
PICHARD Joseph
Il
fonde en 1935 la revue Art Sacré, en
1951 le Salon d’art sacré, et en 1955
la revue Art chrétien. Dans son texte
il précise qu’il ne veut pas que l’on limite l’art sacré au seul champ
liturgique.
Le sens sacré habite le cœur de tout homme, et aussi
bien celui dont l’enfance n’a point été couverte du chaud manteau des
traditions, et qui n’a point hérité le langage de ses pères. Il lui fait
pourtant entendre la voix qui parle en lui et, s’il est un artiste, répondre
lui-même à haute voix. Comment le fera-t-il ?
Je souhaite qu’une exposition d’art sacré fasse place
quelque jour à ces témoignages isolés, difficiles à déchiffrer, mais parfois si
forts et si pathétiques.
Saurons-nous reconnaître, à travers tous les mots de la
chair et de l’esprit les moments essentiels de l’éternel dialogue : la
crainte, l’amour, l’aveu du mystère, et jusqu’au murmure suprême de la sérénité
adorante.
MICHAUD Marcel
Il
dirige à Lyon la galerie d’art Folklore ;
il anime le groupe Témoignage, où se
rencontrent depuis 1936 Louis Thomas, Etienne-Martin, Jean Le Moal, Jean Bertholle
(Aléric), René-Maria Burlet, Camille Niogret, Jean Manessier, Étienne-Martin,
Léon Reymond, César Geoffray, Claudius Petit… ; il fonde en 1937 la
revue Le Poids du monde. Dans son
texte il précise que les artistes choisis par les « lyonnais »
n’avaient pas tous à l’origine la claire conscience de faire œuvre d’artiste
chrétien mais sont venus progressivement à exprimer de cette manière
spirituelle leurs convictions profondes.
L’homme dans son cœur (…) trouve Dieu s’il en est assez amoureux. Les preuves de présence sont
permanentes pour ceux qui ne les veulent pas sous forme d’anges joufflus ou de
vieillards à barbe de patriarches : IMAGINONS Dieu toujours présent dans
chaque force, dans chaque forme, dans chaque signe d’amour et je demande aux
dirigeants catholiques de ne pas chasser le poète du temple.
Ce sont ces signes, ces appels, ces offrandes
incantatoires que les artistes lyonnais essaient de retrouver et ce, dès 1935.
Ils le font peut-être en balbutiant mais, j’en suis garant, avec une bonne
volonté amoureuse formelle.
CATALOGUE
Exposition
des « parisiens »
- photographies de
chapelles (Vanves, Bénédictines missionnaires de Vanves, Capucins de Blois),
d’églises de la banlieue parisienne, de Raincy, de Savoie (par Novarina),
- des peintures
d’une trentaine d’artistes dont Maurice Denis, Bezombes, Rouault, Gleizes,
Manessier,
- des céramiques et
des émaux,
- des gravures et
des sculptures,
- des tapisseries
et des mosaïques,
- des vêtements et
objets liturgiques,
- des vitraux,
- une affiche.
Exposition
des « lyonnais »
- des vêtements
liturgiques des Dominicaines de Carmes, de l’Abbaye de la Rochette, de Gervais
R.,
- des objets
liturgiques de Cateland A., Desvallières R., Jacob, Memery E.,
- des peintures de
Bertholle J., Burlet R-M., Couty J., Ferréol M., Idoux C., Lenormand A., Ribes
L., Thomas Louis, Zelman,
- des sculptures de
Bouget J., Etienne-Martin,
- des céramiques de
Dangar A. et du groupe de Moly Sabata, Zelman,
- des images de
Deswartes J.F.
Cette
exposition marque un tournant en France dans les relations entre l’Eglise
catholique et l’art « contemporain ».
En 1947, l’exposition d’art religieux contemporain
organisée par Joseph Pichard, René Déroudille et Marcel Michaud à la chapelle
du lycée Ampère fut présentée comme la revanche des modernes sur les anciens et
l’adresse au clergé de Raymond Pie Régamey sonnait comme une invective :
Les preuves de la présence de Dieu sont permanentes
pour ceux qui ne les veulent pas sous la forme d’anges joufflus ou de vieillards
à barbe de patriarche […] je demande aux dirigeants catholiques de ne pas
chasser le poète du temple.
(1947, Art sacré contemporain. Catalogue de
l’exposition, p.64)
Les peintures de Louis Thomas, Jean Couty, René-Maria
Burlet, Georges Desvallières, Georges Roualuts, Paul Bony et Albert Gleizes,
pour ne citer qu’eux, figuraient aux cimaises de ce « Salon des
refusés ».
(DUFIEUX, 2004,
p.266)
LA PREMIERE GRANDE
RETROSPECTIVE de GLEIZES du 15 novembre au 14 décembre
Albert
GLEIZES (Léon Albert) est né à Paris en 1881 et mort à Saint-Rémy-de-Provence
en 1953.
En
1927 il s’installe près de Serrières, à Sablons, au bord du Rhône, dans la
propriété appelée Moly-Sabata où
résideront plusieurs artistes : son épouse Juliette Roche, Anne Dangar,
César Geoffray... En 1940 il part à Saint-Rémy-de-Provence.
Parmi
ses amis et disciples de la région lyonnaise on remarque :
- René-Maria
BURLET, fondateur en 1942 de l’Académie
du Minotaure et en 1950 de la revue L’Atelier
de la rose,
- Paul REGNY et son
épouse Andrée LE COULTRE,
- René DEROUDILLE,
critique d’art,
- Marcel MICHAUD.
Ces
deux derniers organisent cette rétrospective de 1947.
Nouvel Art présente le
catalogue de l’exposition sous le titre : Albert
Gleizes. Le cubisme et son dénouement dans la tradition.
Marcel MICHAUD
Dans
la préface il salue une œuvre de spiritualité :
Les formes et les couleurs ont des vertus propres et
signifient. Là, à mon avis, est l’héritage direct du cubisme et Gleizes le
comprend.
(…) Un tableau doit être une prière.
(…) Dans une époque de chaos et de culs
de sacs humains – on dirait que l’homme lorsqu’il veut se chercher hors de
l’universel et le sacré ne trouve que boue – il est réconfortant de voir enfin
une œuvre spirituelle disciplinée, ordonnée, sensible, lumineuse et bénéfique.
Dom Angelico SURCHAMP
Moine
bénédictin, fondateur en 1951 des éditions Zodiaque,
il présente deux textes extraits de Témoignage.
Cahiers de la Pierre-qui-Vire n°12 et 14 (1946), dans lesquels il rappelle
« l’itinéraire pictural et spirituel d’Albert Gleizes » (pp.2-16) et
« l’enseignement d’Albert Gleizes » (pp.17-30). Il cite ce
dernier :
Je viens de loin comme peintre et comme homme. J’ai
commencé par l’impressionnisme et sous le signe de l’indifférence et de
l’ignorance. Je ne puis prétendre à autre chose qu’à être un personnage de
transition.
(…) D’autres viendront, qui iront
autrement loin et rencontreront un milieu plus favorable, qui, par la
souffrance aussi, enfanteront des œuvres ad majorem gloriam Dei. Quoi qu’il en
soit, j’ai reconnu cette vérité à toute action humaine, d’être une prière
exaucée. Laborare est orare…
(lettre de
A.Gleizes à Dom Surchamp, cité par celui-ci pp.15-16)
Albert
GLEIZES donne un texte écrit en 1943 intitulé « destinée du cubisme »
(pp.31-32).
Si certains stades du cubisme sont déjà entrés dans
l’Histoire, il n’en demeure pas moins que sa vie continue. Ses aboutissements
objectifs prendront leur sens exact dans un milieu humain régénéré, dans un
milieu humain religieux, établi sur un homme doué d’un corps et d’une âme et
tendant vers Dieu, vers la Perfection absolue. J’ai la conviction, malgré les
tristesses de l’heure, que nous nous acheminons vers ce dénouement.
(GLEIZES, p.32)
Dom
SURCHAMP comme GLEIZES insistent sur la redécouverte de la simplicité des
lignes de l’art roman et leurs transcriptions dans l’art cubiste qui s’inscrit
en la réinterprétant dans la tradition de la peinture religieuse.
La rétrospective Gleizes (…) se donnait pour ambition de démontrer que le
cubisme et sa figuration suggérée pouvaient s’inscrire dans une tradition de
peinture religieuse en retrouvant la géométrie et la palette austère des
maîtres romans.
(DUFIEUX, p.267)
CATALOGUE
- 80 tableaux
- 59 dessins, gouaches, crayon et couleurs
DOCUMENTS
- 1947, Art sacré contemporain. Catalogue de l’exposition (du 13 septembre
au 20 octobre à la chapelle du lycée Ampère)
- 1947, Albert Gleizes. 50 ans de peinture
(catalogue de l’exposition du 15 novembre au 14 décembre à la chapelle du lycée
Ampère)
-
Instruction du Saint-Office aux Ordinaires, 1952, De
Arte Sacra, 30 juin
- Hommage au Père
Couturier, forezhistoire
- Dom
Angelico SURCHAMP. Perspectives sur l’art roman, romanes.com
- LAVERGNE Sabine de, 1992, Art sacré et modernité. Les grandes années
de la revue l’Art sacré
- RINUY Paul, 2002, Le
Renouveau de l’art sacré dans les années 1945-1960 et la « querelle de
l’art sacré », eduscol, Ministère de l’éducation
-
La
revue Art sacré et l’Appel aux créateurs, croire.com, Maison Bayard
- DUFIEUX Philippe, 2004, Le
Mythe de la primatie des Gaules : Pierre Bossan (1814-1888) et l’architecture
en Lyonnais au XIXe siècle
-
BLANCHY Laura, 2004, Les
Expositions d’art contemporain dans les
lieux de culte, google.books
- LYON Antoine (éd.), 2005, Marie-Alain Couturier. Un combat pour l’art
sacré. Actes du colloque de Nice 2004
recension R.POUSSEUR dans Esprit&Vie
- COTTIN Jérôme, 2008, Art
contemporain et christianisme, Evangile
et Liberté, n°17
- SAINT-MARTIN Isabelle, 2008, Du
spirituel dans l’art du XXème siècle, Archives
de Sciences Sociales des Religions, n°114, pp. 125-139
- SAINT-MARTIN Isabelle, 2010, Figures du religieux dans l'art
contemporain, www.enseignement-et-religions.org/
- CAUSSE Françoise, 2010, La revue « L’Art sacré »,
le débat en France sur l’art et la religion (1945-1954)
recension dans Narthex
recension dans Esprit&Vie
- Cercle lyonnais
des amis de Gleizes
- voir les notices sur René-Maria BURLET, Andrée LE COULTRE, Louis THOMAS, Camille NIOGRET,
COUTURIER, LE CORBUSIER…
g.decourt