Joseph Folliet
et les débuts des Compagnons de Saint François
La
fondation des Compagnons de saint François appartient à la période non-lyonnaise de Joseph Folliet. C'est en effet à Parts qu'il les créa, en 1927, avec deux amis :
René Beaugey, du « Sillon
catholique » (groupes de
prière créés après la guerre par des disciples de Sangnier), et un jeune
jésuite, le
P.Boulier, lié à la fondation de la J.O.C. française l'année précédente.
L'idée lui
en était venue au cours du Congrès international pour la paix, organisé en août
1926 par Marc Sangnier dans sa propriété de Bierville (Seine et Oise). Pendant un mois, dix mille
personnes de treize nations s'étaient imprégnées de l'idéal cher à l'ancien Sillon, de fraternité universelle, et
donc de réconciliation entre les peuples, à commencer par la France et l'Allemagne. A cet idéal, le
jeune Folliet (il avait 23 ans), membre depuis 1923 de la « Jeune
République », était
tout acquis. L'amitié qu'il noua alors avec Franz Stock, le futur aumônier
allemand des prisons de Paris de 1940 à 1944, en fut pour lui comme l'incarnation. Il résolut donc
de fonder un mouvement de jeunesse (c'était dans l'air du temps) consacré à entretenir et répandre l'esprit de réconciliation et de paix. Sous une double
inspiration, il allait lui donner une forme originale appelée à enrichir encore le message. De l'Action
Catholique de la Jeunesse Française
(ACJF), il retint le besoin de formation à l'apostolat social. Des mouvements de jeunesse allemands, en
particulier du « Quickborn », dont il avait vu vivre les membres à Bierville, il accueillit la spiritualité de l'union à Dieu dans l'effort joyeux au sein de la nature
(le P.Doncoeur était justement en train d'en faire bénéficier le scoutisme
français).
Marqué au
fond de l'âme par le pèlerinage qu'il avait fait à Assise en 1923, Folliet mit son mouvement sous le patronage de saint
François. Fraternité avec tous sans cloisonnements sociaux ou politiques,
volonté de paix, amour de la pauvreté et de la liberté
qu'elle procure, amitié avec toute la création, joie et apostolat sur les
routes : esprit franciscain, auquel les sillonistes étaient ouverts. Assez
naturellement, grâce à René Beaugey, les premiers Compagnons de saint François
se recrutèrent au sein d'un groupe parisien du Sillon Catholique.
Dès le mois
de juillet 1927, un pèlerinage au
mont Sainte-Odile les lança sur les routes et leur donna l'occasion de mettre
au point leur formule : marche, campements, contacts avec les habitants,
cercles d'étude, prière, messe. A côté du P.Boulier, aumônier, Joseph Folliet,
avec le titre de « chansonnier », en était l'inspirateur. Sa fonction
ne consistait pas seulement à rédiger des chants et à en conduire l'exécution,
mais aussi à préparer les cercles d'études ou « chapitres » : choisir
les thèmes de réflexion, dresser les
questionnaires, en assurer la présentation historique et doctrinale. Il fut
bien le guide du mouvement, qui commença de s'étendre, d'abord dans le Nord et
en Picardie.
Tout de
suite, également, Folliet trouva à Lyon une aide précieuse. Il y connaissait,
par la Jeune République, l'abbé
Laurent Rémillieux, curé de
Notre-Dame-Saint-Alban, rénovateur de la vie paroissiale. En 1929, une dirigée
de l'abbé, Sylvie Mingeolet, créa à Lyon la branche des Compagnes de saint
François, dont Rémillieux fut l'aumônier. Avec un dévouement inlassable et
efficace, elle allait incarner la devise du mouvement « paix et
joie ».
Après le
retour de Joseph Folliet à Lyon en 1938, pour succéder à Marius Gonin, et surtout pendant la guerre
et l'occupation, le mouvement eut à Lyon son centre, intimement lié à la
Chronique Sociale, et à diverses autres activités : il fournit, par exemple,
plusieurs diffuseurs clandestins au non moins clandestin Témoignage chrétien. Mais nous sortons de notre propos.
On comprend
que l'importance des Compagnons de saint François dans le catholicisme français
dépassa largement celle que lui aurait donnée la seule arithmétique du nombre.
Ils contribuèrent au premier rang à renouveler l'atmosphère catholique et à
créer l'esprit « mouvement de jeunesse ». Notamment par leurs chants,
que tous connurent et chantèrent : on découvrait l'importance du chant, instrument d'amitié,
de joie, d'apostolat... Ils avaient conscience d'être des novateurs, non
parfois sans quelque naïveté (« le passé jaloux meurt à nos genoux, et l'avenir est à
nous »...), mais à juste titre, car ils surent réellement innover, dans
l'esprit de saint François et donc dans la fidélité à l'Eglise. En fin de
compte, peut-être fut-ce là l'œuvre la
plus importante de Joseph Folliet ?
Henri
HOURS
Eglise
à Lyon,
1994, n°11
d'après le
mémoire de maîtrise de Florence Denoix de Saint-Marc, Joseph Folliet et les Compagnons de saint François,
Université Lyon III, 1986.