donation d’Artaud
aux chanoines de Saint-Irénée
993
En l’année de l’incarnation
de Notre Seigneur Jésus Christ neuf cent quatre vingt treize, indiction 6,
acte publié à Lyon.
Que soit connu de
tous les fidèles de l’Eglise de Dieu, tant présents que futurs, de quelle
manière fut faite la demande du comte aux chanoines de Saint-Irénée et
Saint-Just.
Comme il voit
s’achever un siècle anéanti par les multiples misères des mortels, aussi,
reconnaissant avoir beaucoup failli en s’agitant en tous sens depuis sa
jeunesse et jusqu’à ce jour, autour des lieux dédiés à Dieu, et surtout autour
de ce lieu auquel fut fait sa demande, que la grâce de la dispensation divine
tombe sur une si belle assemblée pour que ses chanoines interpellent chaque
jour le Dieu créateur de tout pour le rachat de ses fautes, et qu’ainsi en ce
siècle il vive en meilleure santé, et après la fin de cette vie de misère il
connaisse un plus grand bonheur.
Pour cela il donne,
tant pour lui que pour la sépulture de Etienne, son frère, et pour le salut de
ses géniteurs, et aussi de tous ses parents, les terres situées en comté de
Lyon, en territoire de Ternand, à savoir l’église Saint-Martin qui est
communément dite Létra, avec en même temps les dîmes et le revenu du prêtre
avec toutes ses dépendances qui lui sont attribués, c’est-à-dire maisons,
terres travaillées et non cultivées, vignes et plantations qu’Etienne planta,
mais aussi ce que le donateur édifia et beaucoup d’autres ensuite, avec
prairies et saulaies, avec aussi moulins et leurs bâtiments, avec aussi forêts
et chutes d’eaux, et pâturage avec droit de passage. Sur ces biens il donne
aussi chaque année au temps des vendanges une manse et trois boisseaux de vin à
destination de la table des frères ; et la moitié des revenus de cette
église, qu’Umfred, son frère, tient pour la table de ces saints frères,
aussitôt après son décès leur revient. En outre l’autre moitié reste en sa
propriété, tant qu’il vit. Et après le décès de ce vénérable homme qu’est le
comte, les biens décrits ci-dessus restent tous intégralement, sans diminution,
sans retard quelconque, et à tout jamais, en la propriété de ces chanoines.
De plus le
bienfaiteur comte est remarquable par son peu d’exigence jusqu’à ce jour, de
sorte que les chanoines de ce lieu peuvent faire chaque jour l’office divin, à
savoir le matin, avec toutes les heures, et la messe en l’honneur de la sainte
mère de Dieu toujours vierge Marie, à son autel, derrière lequel est déposé le
corps du bienheureux Viateur, confesseur du Christ, au côté gauche duquel est
enseveli le bienheureux Arige, pontife de Lyon, et à l’autel de droite est
vénéré l’apôtre Thomas le Didime.
Puis, en plus, le
maître des lieux, c’est-à-dire seigneur et valeureux homme, plein de vie,
c’est-à-dire nourri d’inspirations divines, se souvenant qu’on ne saurait
trouver aucun lieu qui ait brillé avec plus d’éclat d’autant de milliers de
mérites des saints comme l’église du bon martyr et pontife du Christ Irénée,
qui lui est dédiée en cette sainte colline, et persuadé en lui-même que là où
s’est multiplié le témoignage envers le Christ d’une multitude, là est plus
fortement et plus facilement écartée la menaçante, mauvaise et trompeuse
troupe, c’est-à-dire la multitude des démons, et pensant très justement qu’à
travers leur mérites le secours de Dieu sera plus rapidement procuré à ceux qui
viennent vers leur refuge,
aussi, pour que lui
arrive ce qu’il attendait, voulut-il d’un pur sentiment d’amour que soit
préparée sa sépulture devant les portes du bienheureux Jean-Baptiste, et qu’au
jour de son anniversaire les chanoines de ce lieu se rassemblent devant son
tombeau et de là fassent une procession funéraire pour lui, et ce à chaque
anniversaire. Et sur ces mêmes biens qu’il leur apporta avec ardeur et charité,
qu’en ce jour ils se redonnent des forces au réfectoire.
Dès lors ces
chanoines, qui s’entendent répéter une demande si grande et inouïe que jamais
plus de pareilles ils n’entendront, la rapportant aux oreilles de
l’église-mère, où ils donnent un bon et précieux conseil, entendant la sagesse
de ces hommes importants et reconnaissant que la demande du comte était faite
en charité, ils se sont convaincus que le demandeur reçoive ce qu’il demandait,
suivant le précepte de l’apôtre qui dit : Portez les fardeaux les uns des
autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ.
Eux donc, ayant
entendu le conseil du seigneur évêque, à savoir Burchard de race royale, et
celui des autres seigneurs, ont établi que tant eux que leurs successeurs,
selon ce qui est dit plus haut, en tout temps conserveraient intactes ces
décisions.
Par-dessus cela le
comte ajouta : si quelque homme, frère ou sœur, ou quelque proche, changeait en
pire un jour cette donation qu’il a faite pour la perpétuelle rédemption des
âmes susdites, ou la détruisait, qu’il garde sur sa conscience tous ses péchés
et ceux de tous ses parents, et qu’ensuite il suive la loi, c’est-à-dire règle
la « composition » double à ces chanoines. Et si dans les six mois
après avoir commis ces maux, il ne cherchait pas à remettre ces audaces dans la
légalité, qu’il encoure la colère du Dieu tout puissant, et aussi longtemps
qu’il portera atteinte à la communauté des chanoines, qu’il soit séparé de
toute l’Eglise et de l’assemblée des fidèles chrétiens, comme le fut de son
peuple Nabuchodonosor, ce roi orgueilleux, qui resta sept années avec les bêtes
sauvages, mangea du fourrage en raison de sa méchanceté ; qu’il n’en
arrive pas moins, mais pareillement, à qui détruirait cette donation ou lui
nuirait, commettant alors l’erreur, et que la mort subite le ravisse, et que
les diables de l’enfer l’enferment dans les ténèbres, où là il s’acquittera,
c’est-à-dire paiera et endurera, avec Dâtan et Judas le traître, les dures et
perpétuelles peines, sans aucune pitié ni fin.
Et cette donation
est validée à perpétuité avec la stipulation jointe. :
Sceau de seigneur
Artaud, vénérable comte pieux, en même temps que sa très douce épouse
Tetbergia, qui ont fait cette donation de bon cœur et en ont demandé la
confirmation.
Sceau de seigneur
Hugues, abbé, son frère.
Sceau de Adeline
abbesse.
Sceau de Gauceran.
Sceau de
Fredelannus
Sceau de Leutgarius
Sceau de Girin.
Sceau de Ardradus.
Sceau de Bladinus.
Sceau de Renconus.
Sceau de Umfred.
Sceau de
Drudolenus.
Sceau de Renconus.
Sceau de Arnold.
Sceau de Hugues.
Sceau de Arricus.
Sceau de Bernard
(…)
Le chancelier
Alcherius L., prêtre de Saint-Just, a donné l’acte en la veille des calendes de
juillet, 48ème année du règne du roi Conrad.
NOTES
locus Dei : traduit ici par lieu dédié à Dieu, nom donné à un
monastère (voir LAVERGNE)
manse : définition du CNRTL
exitus et regressus : traduit ici
par droit de passage
tantum atque aliud tantum componat : traduit ici
il règle la composition double ;
la « composition » étant une compensation et une amende pour un tort
commis, ici « tant + autant », voir VIELFAURE
subnixa stipulatione : traduit ici
par stipulation jointe, formule
juridique qui indiquerait les sceaux attachés à la charte
(…)
passage non traduit : tetra ut
dicunt interanea, si la transcription est exacte
TEXTE LATIN
- MONTFALCON Jean
Baptiste, 1855, Origines
et bases de l’histoire de Lyon,
p.378
-
LA
MURE Jean Marie (de), 1860, Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez. Preuves fondamentales, publié par R.de
Chantelauze, manuscrit de 1675, tome
3, n°6bis
DOCUMENTS
- PARDESSUS Jean Marie, 1841, De
la formule Cum stipulatione subnexa, qui se trouve dans un grand nombre
de chartes, Bibliothèque de
l'Ecole des Chartes,
2/2, pp. 425-436
-
LA MURE Jean Marie (de), Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez,
Volume 1, éd. 1860
-
La Diana, 1873, Recueil
de mémoires et documents sur le Forez
- LAVERGNE Gérard, 1929, Les
noms de lieux d'origine ecclésiastique, Revue
d'histoire de l'Église de France, 15/68, pp. 319-332
- REYNAUD JF., GUIBERT P., BOUVIER A., LANOS P., DUFRESNE P., 2012, Saint-Irénée (Lyon) : une église
funéraire des Ve-VIIe-Xe siècles, Revue
archéologique de l'Est, n°61
- VIELFAURE Pascal, Histoire du droit pénal, La période franque (5ème
– 10ème), Université de Montpellier