musée du diocèse de lyon

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Gilbert DRU

1920-1944

 

 

 

Très tôt, dans les milieux de la Résistance, on songea à ce que serait la vie politique après la libération. Les chrétiens comme les autres, et parmi eux un étudiant en Lettres, encore jeune et dont l'activité contre la défaite et la résignation accaparait de plus en plus la pensée et le temps.

 

D'une rare maturité, Gilbert Dru, en bon jéciste (Jeunesse Etudiante Chrétienne, JEC), s'intéressait depuis des années à la place des catholiques dans la Cité. Il respirait le pacifisme briandiste qui s'était répandu dans l'Action Catholique, quand la défaite écrasante et ignominieuse de juin 40 réveilla son patriotisme. Travailler au salut de la France contre l'occupant allemand, nazi de surcroît, fut tout de suite pour lui LE devoir, primant tous les autres. Salut spirituel et moral, autant que temporel, en vue duquel les jeunes chrétiens avaient à ses yeux une responsabilité majeure : seuls ils étaient en mesure de percevoir et faire connaître le fondement spirituel qui pouvait donner vie et réalité aux vertus d'intelligence, de sens moral et de liberté dont la France avait tant besoin, et dont les discours de la Révolution Nationale ne pouvaient atteindre que les mots.

 

En juin 1941, Albert Gortais, secrétaire général de l'Action catholique de la Jeunesse Française (A.C.J.F.), replié à Lyon, lança la revue Les Cahiers de notre Jeunesse. Dru en fut le secrétaire général et l'un des rédacteurs réguliers. Il put y développer à loisir ses idées directrices : l'honneur de la France, la dignité de l'homme, l'exigence de justice et de vérité qui interdisaient de courber le dos et d'accepter l'inacceptable. L'instauration du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), en février 1943, donna à ses réflexions un champ d'action pratique. Il s'agissait maintenant de convaincre les jeunes français de prendre le maquis plutôt que de partir travailler au service de l'industrie de guerre allemande : réflexe patriotique élémentaire, réaction d'honneur, refus de la force injuste et du mensonge. Il ne fut pas facile, à lui et à son ami Jean-­Marie Domenach, de le faire comprendre à leurs camarades de la J.E.C.

 

En interdisant la publication des Cahiers, au mois de juin 43, la Censure rendit à Gilbert Dru la liberté de son temps, qu'il employa à orienter les jeunes vers le maquis, à mettre sur pied des filières en même temps que des groupes de soutien et d'action, à organiser une formation intellectuelle tournée vers la compréhension des évènements politiques.

 

Car de plus en plus la grande question était pour lui l'exigence de pureté sans compromis, l'exigence d'engagement dans la vie de la Cité, dans ce proche avenir de liberté qu'il fallait préparer. Mais quel engagement ? En bon jéciste encore, en outre fortement influencé par E.Mounier et son « personnalisme », il ne pensait pas qu'il dût y avoir une « politique chrétienne » ; mais le chrétien, prenant dans le combat politique la place qui lui revient naturellement comme citoyen, y saurait faire prévaloir la justice, ce qui n'est possible que sur le terrain politique.

 

Ses idées prirent corps dans une déclaration de principes, au cours de l'été 43. Encore imprécis, encore tributaire de Mounier (dont le moralisme aux accents de prophète était assez éloigné d'une pensée proprement politique), ce texte servit néanmoins de base de réflexion dans les rencontres qu'il eut à Paris, pendant l'hiver 43-44, avec quelques dirigeants du mouvement démocrate chrétien. Mais il s'agissait là de vrais hommes politiques, parfois même de politiciens qui, eux, préparaient ce qui allait devenir le M.R.P., et le courant passa mal. Rentré à Lyon, Dru fonda, en avril 44, avec Maurice Guérin, responsable chevronné de la C.F.T.C., le Comité de Coordination et d'Action Chrétienne (C.C.A.C.), destiné à mettre quelque unité d'action entre les chrétiens résistants, et à assurer leur présence dans les organismes politiques de l'après-libération, dont les contours commençaient de se dessiner.

 

Il ne vit pas l'aboutissement de ses efforts. Arrêté par la Gestapo avec son ami Francis Chirat, du C.C.A.C., il fut, avec lui et trois autres otages, abattu sauvagement, le 27 juillet à midi, sur la place Bellecour. Nul ne peut dire ce que fût devenu dans la maturité ce garçon aux promesses pleines d'espérance, en qui s'incarnaient la richesse et la vitalité du catholicisme lyonnais « non conformiste des années 30 ».

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1998, n°22

 

J.M. Domenach avait, en 1947, publié une belle vie de son ami. Il a pu, avant de mourir, avec l'aide de Bernard Comte, Denise et Christian Rendu, en préparer une édition enrichie, récemment publiée : Gilbert Dru. Un chrétien résistant, Beauchesne.