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Grand jubilé de la Primatiale Saint-Jean

24 juin

 

 

 

 

 

Le Grand Jubilé de la Primatiale Saint-Jean a lieu le 24 juin, fête de saint Jean-Baptiste auquel est dédiée la Primatiale Saint-Jean, lorsque la Fête-Dieu tombe ce même jour. Cette occurrence s’est produite six fois : en 1451, 1546, 1666, 1734, 1886 et 1943. La prochaine aura lieu en 2038. Ce jubilé séculaire solennise la fête annuelle du Pardon de la Saint Jean et de la Saint Pierre, instaurée en 1393, qui devait prendre de fait la suite de la Fête des Merveilles supprimée en 1394.

 

 

 

La Fête des merveilles

 

Cette fête date du Moyen-âge. Elle célèbre la mémoire des martyrs de 177 le 2 juin, jour de la fête de saint Pothin, premier évêque de Lyon. Plusieurs processions relient diverses églises et convergent vers la Saône qu’elles descendent en barques jusqu’à l’abbaye d’Ainay. Les autorités consulaires de la Ville sont associées à cette fête. Au XIIIè s. la fête est déplacée au mardi précédant la Saint-Jean (24 juin), fête de la Primatiale. Elle est source de conflits entre les autorités religieuses et civiles malgré l’accord de 1320 sur la répartition des pouvoirs entre le Roi, l’Eglise et les Consuls (la Charte Sapaudine). Elle est finalement supprimée en 1394.

 

 

La Fête annuelle du Pardon de la Saint-Jean et Saint-Pierre

 

En 1392 le duc de Berry, fils de Jean II roi de France, est reçu chanoine de la Primatiale et apporte une relique, un os de la mâchoire de Jean-Baptiste, saisie lors du sac de Constantinople (1204). A la demande du chapitre, une indulgence aux fidèles qui honorent cette relique entre la Saint-Jean (24 juin) et la Saint-Pierre (29 juin) est accordée, selon les textes, par le pape Boniface IX ou Clément VII, antipape en Avignon. Un siècle plus tard, en 1476, pour lever tout doute sur la légitimité de la bulle de Clément VII, le pape Sixte IV en renouvelle la concession. Un premier Pardon de la Saint-Jean et Saint-Pierre a lieu en 1393.

Les pèlerins obtiennent une indulgence semblable à celle des pèlerins de Rome. Leurs offrandes permettent d’achever les travaux de la Primatiale. Durant cette semaine les paroisses apportent à la Primatiale leurs reliquaires. La fête ne concerne plus les autorités consulaires.

La Collégiale Saint-Jean-Baptiste de Saint-Chamond possédait, elle aussi, une relique de la mâchoire de Jean-Baptiste.

 

 

 

 

 

Le Grand Jubilé séculaire

 

 

La célébration de la Fête-Dieu s’est imposée à Lyon à la suite du concile de Vienne (1312) qui demandait l’application du décret du pape Urbain IV (1264). Si cette fête, qui a lieu soixante jours après Pâques, tombe un 24 juin, jour de fête à la Primatiale, c’est que Pâques est célébré un 25 avril, jour de la Saint-Marc, et le Vendredi-Saint un 23 avril, jour de la saint Georges, d’où le moyen mnémotechnique de s’en souvenir :

 

Quand George Dieu crucifiera,

Quand Marc le ressuscitera,

Et lorsque Jean le portera,

Grand Jubilé dans Lyon fera.

 

A cette occasion l’archevêque fait la demande au Pape d’une indulgence plénière, comparable à celle de l’Année Sainte à Rome, pour les pèlerins qui viendront à Lyon. Cette tradition se perpétue depuis 1451. Il en va pareillement depuis cette même époque pour Rocamadour depuis 1428 ou Le Puy en Velay depuis 1441.

 

 

 

1451

 

 

Ce premier grand jubilé a lieu sous l’épiscopat de Charles de Bourbon, et l’administration du diocèse par son oncle Jean, évêque du Puy.

 

Un acte du Chapitre signale qu’il y eut foule de pèlerins et qu’il serait préférable que l’indulgence coure sur plusieurs jours ; ce qui faciliterait l’accès à la Primatiale pour les confessions, eucharisties et offrandes.

 

 

 

1546

 

 

Le mandement de l’archevêque Hyppolite d’Este, cardinal de Ferrare :

 

De l’autorité de Monseigneur Révérendissime et Illustrissime Cardinal de Ferrare Archevêque et Comte de Lyon Primat de France, et de MesSeigneurs les Doyen et Chapitre Comtes de la Grande Eglise Monsieur S. Jean de Lyon est publié, et dénoncé à tous bons Fidèles le grand et général Pardon de plénière Indulgence et rémission d’icelle Eglise, reçu et approuvé et confirmé d’ancienneté en notre Mère Ste. Eglise Catholique ; et par si longtemps qu’il n’est mémoire du contraire, toutes et quantes fois il advient concurrence de la très-Sacrée Fête du précieux Corps de N.S. Sauveur et Rédempteur J.C. avec la solennelle Fête de la Nativité de son glorieux Précurseur Monsieur S. Jean-Baptiste, comme adviendra cette présente année 1546, le 24 de Juin.

Le dit Pardon entrera à midi de la Vigile de la Fête, et durera par toute la dite Fête et jusqu’à Samedi du lendemain 26 du dit mois.

Et à l’aide de Dieu par lesdits Seigneurs sera donné si bon ordre que chacun aisément en tranquille dévotion sans tumulte et oppression pourra gagner ledit Pardon.

Il est aussi enjoint à tous Gens d’Eglise ayant peuple, que ce que dessus ils publient et fassent savoir en leurs Prônes.

 

 

Une médaille est éditée de style gothique où figure un Jean-Baptiste portant un agneau avec cette légende : Ecce Agnus Dei, et autour de la médaille : Le grand Jubilé fut à S.Jean de Lyon 1546

 

 

En 1604 Claude de RUBYS décrit la cohue qu’occasionna ce jubilé :

 

L'Année 1546 la Fête-Dieu s'étant rencontrée le jour de la St. Jean de Lyon, le 24. jour de Juin, fut le grand Jubilé de St. Jean de Lyon, où se gagnaient les mêmes Indulgences plénières que l'on gagne allant à Rome l’Anno Santo. Pour gagner ce grand Jubilé vint à Lyon une telle affluence de peuple, de tous les quartiers de la France, des Pays de Lorraine, Savoye, Bresse & autres divers endroits, que l'on ne se pouvait tourner par les rues. Et parce que les hôtelleries, tavernes et cabarets de la ville ne furent pas capables, pour héberger une telle multitude, on fut contraint de dresser des feuillées par les rues, comme on fait aux vogues des villages, ou des tentes à la façon des cabarets de la Cour, où on donnait à boire et à manger aux gens. Et outre ce, n'y avait bonne Maison en la Ville qui n'eût des Seigneurs et Dames, ou de ses amis de dehors logés : comme aussi parce que les Confesseurs dispersés par les Eglises et Convents ne pouvaient suffire à ouïr en Confession un si grand peuple, il y en avait bon nombre qui confessaient par les rues, et sous les tentes et feuillades. Davantage quoi que pour éviter la confusion, qu’eût été, si ceux qui allaient et venaient du pardon, se fussent rencontrés par même chemin, pour aller gagner le Pont de Saône, on fit un Pont de bois derrière St. Jean, sur des Bateaux, qui allait droit répondre aux degrés, qui sont devant l’Eglise des Célestins. Si ne laissa la foule du peuple d'être si grande, depuis ledit Pont jusqu'à l'Eglise de St. Jean, qu'il y demeura plusieurs personnes étouffées, et y en eût eu avantage, sans le secours que firent plusieurs gens de bien, à ceux qui étaient en cette foule, leur jetant du pain trempé et du vin en grande abondance par les fenêtres, que les pauvres gens recevaient ouvrant la bouche, et haletant comme Poussins. La fontaine qui est en la place de St. Jean jeta du Vin par ses Tuyaux tant que le pardon dura. Qui fut depuis le mercredi à vêpres, jusqu’au jeudi à soleil couchant. La procession du corps de Dieu fut remise au Dimanche suivant.

 

 

 

1666

 

 

Le mandement de l’Archevêque Camille de Neuville :

 

Camille de Neufville Archevêque et Comte de Lyon, etc.

A tous ceux qui ces présentes verront, savoir faisons qu’étant constant par une Tradition immémoriale que lorsqu’il y a concurrence de la Fête-Dieu avec celle de la Nativité de S. Jean-Baptiste, il y a grand et général Pardon, Rémission et Jubilé dans l’Eglise de Lyon, et attendu que les deux Fêtes concourent cette année, nous avons permis et permettons la publication dudit Pardon général et Jubilé, qui commencera le Mercredi à Vêpres 23 de Juin prochain et finira le 26 dudit à Midi, et nous conjurons et exhortons les Fidèles, tant de notre Diocèse que de tous les autres, où se fera ladite Publication, de profiter d’une occasion si sainte et si célèbre, pour obtenir les faveurs et les grâces du Ciel, et à se préparer à cette solennité par la ferveur de leurs prières et pratique des bonnes œuvres.

Donné à Lyon en notre Palais Archiépiscopal.

L’Archevêque de Lyon

Par Monseigneur

Basset Secrétaire

 

 

Les Chanoines donnent des précisions sur l’organisation :

 

Les Doyen, Chanoines et Chapitre de l’Eglise, Comtes de Lyon, font savoir que pour gagner le grand Jubilé dans leur Eglise à cause de la concurrence de la Fête-Dieu avec celle de la Nativité de S. Jean-Baptiste, il suffira de visiter une fois ladite Eglise depuis le Mercredi 23 de Juin prochain à Midi, jusqu’au Samedi suivant 26 du même Mois, à Midi, et d’y faire les prières accoutumées pour l’exaltation de notre Mère sainte Eglise, l’union des Princes Chrétiens et l’extirpation de l’hérésie, après s’être dûment confessé et communié, sans qu’il soit nécessaire de le faire le même jour, ni dans ladite Eglise, en laquelle pour éviter la confusion, l’on ne confessera et ne communiera pendant ledit temps. Et pour empêcher la foule et le désordre, l’on n’y entrera que par trois grandes portes, dont les avenues seront pour cet effet dûment disposées, et l’on sortira par la porte de l’Archevêché et celle de la Sainte Croix, après y avoir demeuré pendant le temps seulement de cinq Pater et cinq Ave, ou de quelque autre courte prière à sa volonté, sans qu’on y puisse entrer qu’après que tous ceux qui premiers y seront entrés en soient sortis et ainsi successivement, afin que chacun puisse profiter d’une occasion si rare et si salutaire.

Par Mesdits Seigneurs.

Guillomon Secret.Commis.

 

 

Les Chanoines éditent une médaille en bronze avec sur une face l’Hostie dans un soleil et la légende : Decanus et Capitulum Eccl. Comitum Lugduni, et sur l’autre Saint Jean-Baptiste avec cette légende : Le grand Jubilé de S. Jean de Lyon 1966.

 

 

 

1734

 

 

Comme il y avait une incertitude sur la date de Pâque cette année-là dans le diocèse, l’Archevêque Chateauneuf de Rochebonne en appelle au pape Clément XII, qui, par un bref du 23 décembre 1733 signé du camérier Charles Majelli, confirme la date du 25 avril pour Pâque, jour de la Saint-Marc ; par conséquent la Fête-Dieu est célébrée le 24 juin.

 

A NOTRE VENERABLE Frère, l’Archevêque de Lyon.

CLEMENT PAPE XII.

Notre Vénérable Frère, Salut et Bénédiction Apostolique.

Votre Fraternité sait parfaitement avec quel soin et quelle exactitude les Pontifes Romains nos Prédécesseurs ont marqué les temps convenables à la célébration de nos divins Mystères. Vous jugez bien, notre Vénérable Frère, qu’on ne doit faire nulle attention aux Tables des Fêtes mobiles, qui se trouvent dans quelques Bréviaires imprimés à Lyon. On y voit le jour de Pâque marqué au dix-huitième d'Avril, pour cette année prochaine mil sept cent trente-quatre. Mais c’est là une erreur contraire à ce qui a été prescrit par le Saint Siège lequel renvoie cette Solennité au vingt cinquième de ce même mois. Ainsi je suis très-assuré que Votre Fraternité, animée par son zèle pour l’union et la concorde Ecclésiastique, ne permettra point qu’il s’introduise dans son Eglise aucune diversité dans la célébration des Mystères de notre .Religion et de notre Rédemption. Elle sait que le Sacerdoce doit être unanime dans l'observation de tous les préceptes divins : mais que c'est à nous en particulier à empêcher qu'on ne varie point dans le jour auquel on solennise la Pâque : Nous nous reposons d'une partie de ce soin dans la vigilance pastorale de Votre Fraternité. Elle fera voir que comme nous sommes unis par les liens d'une même Foi, nous le sommes aussi pour la solennité de nos saints Mystères. Nous vous donnons, notre Vénérable Frère, notre Bénédiction Apostolique, avec tous les sentiments de l'affection la plus tendre.

DONNE à Rome à Sainte Marie Majeure, sous l'anneau du Pêcheur, ce 23 Décembre de l'année 1733, la 4. année de notre Pontificat.

CHARLES

Evêque d’Emese

 

 

Le mandement de l’Archevêque Chateauneuf de Rochebonne :

 

Charles-François de Chateauneuf de Rochebonne

Par la Miséricorde de Dieu et l’Autorité du Siège Apostolique Archevêque et Comte de Lyon, Primat de France, et Pair de France :

A tous Abbés, Doyens, Prieurs, Curés, et autres ecclésiastiques Séculiers et Réguliers, et à tous les Fidèles de notre Diocèse ; Salut et bénédiction en notre Seigneur.

Nous sommes, mes très-chers Frères, si pénétrés du désir de votre salut, par les liens de la Charité de Jésus-Christ, qui Nous attachent à vous, que Nous regarderons toujours comme le principal objet de nos devoirs et de notre satisfaction, d’y contribuer dans toutes les occasions : En voici une singulière et bien favorable, c’est le Pardon Général, LE GRAND JUBILE, dont notre Eglise Primatiale, par un Privilège singulier est en usage et possession, lorsque la Solennité de la Fête-Dieu concoure le même jour avec celle de Saint Jean-Baptiste, Patron de cette Eglise. Les Bontés de Dieu se manifestent sur vous d’une manière bien spéciale, en vous ouvrant les trésors de ses Miséricordes infinies.

Cet heureux concours arrive cette présente année, et Nous nous faisons une grande joie de vous l’annoncer d’avance, afin que, par les réflexions que vous y ferez, vous compreniez les avantages et l’importance de cette grâce ; et que vous vous mettiez plus en état de la recevoir et d’y participer.

Pour contribuer, autant qu’il dépendra de Nous, à vous disposer à profiter efficacement et solidement de cette grande Grâce, Nous vous annonçons que Nous ferons faire une Mission générale dans cette Ville, qui commencera le vingt-trois du mois de Mai prochain, et finira avec le Jubilé.

Voici, mes très-chers Frères, des jours de Bénédiction, voici des jours de Salut qui s’approchent. Quel bonheur pour vous que Dieu vous ait réservés pour ce temps de miséricorde, où vous pouvez vous réconcilier parfaitement avec lui par une sincère pénitence, et par une entière conversion de cœur et d’esprit ! Avec quel empressement devez-vous donc recourir à ce trésor d’Indulgences qui vous est offert ; et quel reproche n’aurez-vous pas à vous faire, si vous négligez d’en profiter et d’y chercher l’entière rémission de vos péchés ?

Nous vous exhortons donc de tout notre cœur et par tout le zèle que Nous avons pour le salut de vos âmes, de ne rien oublier pour vous mettre en état de profiter d’une grâce si singulière et si abondante, par la prière, par le jeûne, les aumônes et autres bonnes œuvres, chacun suivant son état ; et sur tout, mes très-chers Frères, par la cessation du péché, et par le sacrifice d’un cœur véritablement contrit et humilié.

A CES CAUSES, Nous Archevêque et Comte de Lyon susdit, Ordonnons que ce Jubilé soit publié dans toutes les Paroisses de notre Diocèse, afin que tous les Fidèles puissent y participer en venant visiter notre Eglise Primatiale de Saint- Jean, après néanmoins qu’ils auront tâché de se mettre en état de grâce par une bonne Confession, laquelle ils pourront faire à tous Prêtres approuvés de Nous, ou de nos Vicaires généraux.

Les Curés ou Vicaires des Paroisses avertiront leurs Paroissiens que le Jubilé commencera le 23 du mois de Juin à midi, et finira à pareille heure le 26 du même mois. Ils avertiront aussi qu’ils doivent faire dans toute autre Eglise leur Communion et leurs autres prières : il suffira, en visitant l’Eglise de Saint-Jean, de dire cinq Pater et cinq Ave, en dirigeant leur intention pour notre Saint-Père le Pape, pour le Roi et toute la Famille Royale, pour la Paix entre les Princes Chrétiens, pour l’extirpation de l’Hérésie, l’Exaltation de notre Mère la Sainte Eglise catholique, et la conversion des Hérétiques et des Infidèles : lu Et sera notre présent Mandement lu, publié et affiché par tout où besoin sera.

DONNE à Lyon dans notre Palais et sous notre Scel Archiépiscopal ce neuvième Avril mil sept cents trente-quatre.

† CH. FR. DE CHATEAUNEUF DE RCHEBONNE, Arch. De LYON.

Par monseigneur

CARRIER, Secret.

 

 

La Mission générale est confiée à plusieurs prédicateurs jésuites dans les diverses églises de la ville.

 

Pour ce jubilé est publié un ouvrage intitulé : Catéchisme, instructions et prières pour le jubilé de l'Eglise primatiale de S. Jean de Lyon pour l’année 1734, qui comporte le mandement de l’archevêque puis des instructions sur les indulgences, en particulier celle du Grand Jubilé, et le recueil des prières propres à ce jubilé, avec cette adresse préliminaire :

 

On pourra faire ces prières, ou dans sa maison, ou dans quelque Eglise que ce soit, l’affluence ne permettant pas d’en faire de longues dans l’Eglise de Saint Jean : et quant aux Instructions, il sera nécessaire que Mrs les Curés et Vicaires, et les autres personnes préposées à l’éducation de la jeunesse, s’en servent, soit dans leurs Prônes pour instruire les Fidèles, soit dans les Catéchismes pour disposer à gagner le Jubilé ceux qui sont sous leur conduite. Il sera bon pour cela de commencer les instructions quelque temps avant que le Jubilé arrive, afin que tout le monde soit instruit parfaitement et de la doctrine de l’Eglise sur les Indulgences, et de la manière de gagner le Jubilé.

 

 

Les Chanoines ont demandé aux évêques de France d’annoncer ce jubilé à leurs diocésains :

 

Monseigneur,

Notre Eglise qui s’est toujours fait une Loi de se conformer en tout à ses anciens Usages, ne doit pas manquer de vous donner avis suivant sa coutume, du Pardon Général et Grand Jubilé qui doit s’y gagner cette année 1734.

Nos Actes Capitulaires, et une Tradition Immémoriale nous certifient que ce jubilé est attaché au concours de la Fête-Dieu, avec celle de Saint Jean Baptiste, que ce concours arriva en 1451 et en 1546 et en 1666 et qu’en conséquence notre Jubilé a été solennellement célébré trois fois.

Ce même concours devant arriver pour la quatrième fois cette année présente 1734 Nous avons cru, Monseigneur, devoir vous informer que notre Grand Jubilé commencera le Mercredi 23 de Juin prochain à l’heure de midi, et qu’il finira le samedi suivant 26 à la même heure, comme Vous pourrez le voir dans notre Publication que Nous vous supplions de vouloir bien faire annoncer à votre Peuple, afin qu’il puisse profiter d’une occasion si salutaire et si rare.

Nous chercherons toujours avec ardeur celle de vous témoigner que Nous sommes avec respect,

Monseigneur,

Vos très humbles et très obéissants Serviteurs.

 

Les Doyen, Chanoines et Chapitre de l’Eglise, Comtes de Lyon.

 

 

Les Chanoines donnent des précisions sur l’organisation :

 

LES SEIGNEURS DOYEN, CHANOINES

et Chapitre de l’Eglise, Comtes de Lyon,

FONT SAVOIR :

Premièrement, que pour gagner dans leur Eglise le grand Jubilé, attaché à la concurrence de la Fête-Dieu avec celle de la Nativité de Saint Jean-Baptiste, il suffira de visiter une fois la dite Eglise, depuis le Mercredi, vingt-troisième de Juin prochain, à l’heure de midi, jusqu’au Samedi suivant, vingt-sixième du même mois, à la même heure de midi, et d’y prier à l’ordinaire, pour l’Exaltation de notre Sainte Mère l’Eglise, pour la Paix et l’union entre les Princes Chrétiens, et pour l’Extirpation de l’Hérésie, après s’être Confessé et après avoir Communié.

Secondement, que pour éviter la confusion, on n’administrera point les Sacrements de Pénitence et d’Eucharistie dans l’Eglise de Saint Jean durant ces trois jours de Jubilé.

Que pour empêcher la foule et le désordre, on n’y entrera que par les trois grandes Portes, qui seront toutes trois ouvertes et l’on en sortira par la Porte de l’Archevêché ou par celle de Sainte Croix.

Qu’on ne pourra y rester que pendant l’espace des cinq Pater et des cinq Ave qu’on y récitera, et qu’on n’y entrera que successivement, à mesure que les premiers venus seront sortis, afin que tout le monde puisse profiter d’un Jubilé si rare et si salutaire.

Par mesdits Seigneurs,

DEBILLY Secrétaire

 

 

Les Chanoines éditent un médaillon qui comporte sur une face la figure de Jean-Baptiste avec cette inscription : Prima Sedes Galliarum, et sur l’autre face : l’Hostie dans un soleil posée sur un jubé, avec autour cette légende : Ecclesiae Lugdun. Jubileum Saeculare quartum, et en exergue : Decanus et Capitulum Ecclesiae, Comites Lugduni dant, dicant, consecrant. An. M.DCC.XXXIIII.

 

 

Pour expliquer aux pèlerins le sens de ce jubilé une gigantesque fresque illuminée est dressée sur la Saône qui comporte de nombreux emblèmes figuratifs évoquant les bienfaits du jubilé, accompagnés d’inscriptions, comme :

-      à l’entrée d’un temple antique : adeste cives hospitesque, visuri hodie, quod nemo vestrum amplius visurus est (accourez citoyens et étrangers : venez voir aujourd’hui ce que personne ne reverra jamais),

-      un Jean-Baptiste s’adressant aux Publicains : quo gravior culpa est, parentis gloria major (plus grave est la faute, plus grande est la gloire du Père, saint Paulin),

-      la rosée tombant du ciel sur des parterres de fleurs desséchées : a lacrymis est vita mihi, (la vie me vient des larmes)

-      un rocher immobile au milieu des tempêtes : maria omnia contra (contre toutes les mers, Virgile).

 

 

Un compte rendu des différentes cérémonies à partir du mardi soir, veille du jubilé, jusqu’à l’octave de la fête, a été lu au Chapitre général le 14 janvier 1735.

 

 

 

1886

 

 

A cette occasion les Chanoines inaugurent leur nouvelle croix pectorale, sur laquelle figurent à l’avers saint Jean-Baptiste avec l’inscription ECCE AGNUS DEI et saint Etienne, et au revers le profil du pape Pie IX avec l’inscription PIUS IX PONT. MAX. RESTITUIT. En effet Pie IX avait accordé en 1877, sur la demande du nouvel archevêque, le cardinal Caverot, le port de cette croix, jusqu’ici refusé par les chanoines.

 

Cette année des diocésains viennent en pèlerinage des cantons de Saint-Etienne, Saint-Chamond, Rive-de-Gier et Le Chambon, qui depuis 1875 jouissent d’un statut particulier au sein du diocèse, avec désormais un vicaire général archidiacre de Saint-Etienne. Un guide du pèlerin est publié à cette occasion qui donne ces précisions :

Jeudi

10h. messe pontificale

15h. Vêpres solennelles du Chapitre

19h30 Salut du saint-Sacrement

22h Veille solennelle et Garde du Pardon par les Curés, Vicaires, Aumôniers et membres de la Confrérie du Très Saint-Sacrement du diocèse

Vendredi

10h. Messe pontificale en plain-chant grégorien, récemment restauré.

 

 

Une médaille est éditée qui comporte sur une face la figure Jean Baptiste et l’inscription Prima Sedes Galliarum, et sur l’autre l’Hostie dans un soleil (ostensoir) avec PRIM.LUGD.ECCL.JUBIL. SAECUL.QUINT.1886

 

Dans une Lettre pastorale le cardinal Caverot, qui craignait que dans le contexte d’anticléricalisme du moment ce jubilé ne connaisse point d’affluence, reconnaît :

 

Il nous a été donné de contempler une affluence aussi considérable que dans les grands Pardons précédents. Nous avons ressenti l'émotion profonde et la consolation inexprimable que cause à un cœur d'évêque l'action manifeste de la grâce d'en haut. Ceux d'entre vous que la piété, nous dirons mémo la simple curiosité, avait pu conduire dans les alentours de la Primatiale, ont vu de leurs propres yeux sa vaste enceinte insuffisante à contenir non-seulement les fidèles de la ville de Lyon et de ses faubourgs, mais encore eaux des parties les plus éloignées du diocèse et de plusieurs diocèses voisins. Dans l'intervalle des offices, la foule ne diminuait pas. On voyait alors s'empresser les diverses congrégations de religieuses enseignantes et hospitalières, la jeunesse appartenant à nos établissements d'éducation chrétienne, les enfants des écoles. La nuit même n'interrompait pas ces pieux exercices. Au pied de cet autel où Jésus-Hostie ne cessait pas de demeurer présent sur son trône eucharistique se réunissait alors l'élite de la piété lyonnaise. Ouverte aux hommes seuls, l'antique Primatiale prêtait les nefs aux pères de famille, aux jeunes gens, à des ouvriers bravant la fatigue d'une journée consacrée au travail, tous accourant pour faire en présence du Dieu du Cénacle l'adoration nocturne, et rivalisant de piété et d'ardeur avec les prêtres et les religieux, heureux de confondre avec eux leurs prières. Voilà, N. T. C. F. le spectacle dont nous fûmes témoins pendant ces trois jours d'impérissable mémoire. Mais il en est un autre plus admirable encore, et celui-là Dieu l'avait réservé pour lui seul et pour ses anges ; nous voulons parler de ces retours si nombreux, et plusieurs si inattendus, qui se sont opérés parmi tant d'âmes éloignées des pratiques religieuses. Pendant toute la durée du grand Pardon, les tribunaux sacrés étaient assiégés dans toutes les églises, et c'est là que tant de prodiges de miséricorde se sont accomplis.

 

 

 

1943

 

 

Ce jubilé est célébré en pleine occupation de la France par l’armée allemande et sous le gouvernement du maréchal Pétain. L’archevêque, le cardinal Gerlier, donne une homélie à Noël 1942 où il rappelle le devoir d’union nationale. Le 28 mars 1943 est renouvelée la consécration de l’humanité au cœur immaculé de Marie, voulue par le pape Pie XII. Le 21 juin le résistant Jean Moulin est arrêté à Caluire près de Lyon. Le mercredi 23 au soir s’ouvre le Jubilé qui se clôt le dimanche 27.

 

 

L’archevêque présente ce jubilé dans sa Lettre de Carême où il rappelle que le péché est la cause profonde des malheurs présents et le jubilé extraordinaire l’occasion providentielle d’une purification des cœurs, d’une réparation généreuse, d’un redressement chrétien.

 

 

La Primatiale est décorée de banderoles rappelant l’histoire et le sens du jubilé.

Les paroisses, les œuvres et les mouvements sont les acteurs principaux du jeudi 24.

Le dimanche s’achève ce grand jubilé avec une messe pontificale à la Primatiale en présence des autorités civiles, une allocution du Nonce à la basilique de Fourvière, une procession du Saint-Sacrement dans les rues de Lyon, le Salut du Saint-Sacrement à la Primatiale, suivi d’une réception du Nonce à l’Hôtel de Ville de Lyon.

 

A l’occasion de la Fête du Sacré-Cœur qui suit le jubilé le cardinal Gerlier publie ce communiqué :

 

Notre grand jubilé vient de s’achever en splendeur. Tout le diocèse en a été remué en même temps que Lyon. Nul ne m’accusera d’exagérer si je dis qu’un souffle divin a passé sur nous. Il ne suffit pas d’en remercier Jésus et Notre-Dame, et, après eux, tous ceux qui furent les artisans de ce grandiose succès. Il faut assurer à notre grand pardon un lendemain. Un tel élan des âmes ne peut disparaître comme une clarté qui s’évanouit. Et voici que la fête du Sacré-Cœur nous fournit l’occasion et nous suggère le moyen d’en prolonger le bienfait. Entre toutes les leçons qu’elle nous apporte et tous les appels qu’elle nous transmet, il n’en est pas de plus clairs que ceux qui s’enferment en ces deux mots dont l’austérité se pare pour le chrétien vrai de tous les charmes de l’amour : sacrifice et réparation.

Sacrifice et réparation : c’est à quoi nous convie l’ineffable plainte jaillie à Paray-le-Monial, du Cœur divin abandonné et trahi. Sacrifice et réparation : c’est ce que réclament de nous, si nous savons en pénétrer le sens, les événements formidables dans lesquels le monde est engagé. Car cette tragédie humaine sans précédent a une cause profonde qui domine et explique toutes les autres. La voix de Pie XII l’a rappelé à maintes reprises, comme l’avait proclamé naguère la vois de Pie XI. Le monde expie aujourd’hui ses iniquités et ses crimes à la source de notre malheur.

Il y a le péché : péchés publics des apostasies et des reniements, péchés sociaux des injustices que tolère ou provoque l’égoïsme, péchés familiaux des foyers qui se dérobent devant l’appel de la vie, péchés individuels des innombrables consciences qui capitulent devant les exigences jugées trop rudes du devoir, péchés collectifs de la masse immense livrée à un paganisme dégradant.

L’on comprend alors le mot de Pie XI dans l’Encyclique sur le communisme : « Le mal qui ravage l’humanité ne pourra être vaincu que par une sainte et universelle croisade de prières et de pénitence ». Cette croisade n’a pas été faite et la catastrophe est venue. Ayons maintenant le courage de l’entreprendre et nous verrons luire enfin l’aurore du salut.

Puisse la fête du Sacré-Cœur, en cette année de douleur et d’effroi, marquer pour nous le point de départ d’une résolution énergique et féconde.

 

 

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

 

-      RUBYS Claude (de), 1604, Histoire véritable de la ville de Lyon, contenant ce qui a été omis par Maîtres Symphorien Champier, Paradin et autres..., livre 3, ch.53

 

-      SAINT-AUBIN Jean (de), 1666, Histoire de la ville de Lyon, ancienne & moderne..., Volume 1, pp.264sq

 

-      LA CHAIZE (de), 1666, Réponse à quelques difficultés proposés par un théologien…

 

-      Archevêché, 1734, Catéchisme, instructions et prières pour le jubilé de l'Eglise primatiale de S. Jean de Lyon pour l’année 1734

 

-      COLONIA Dominique (de), 1734, Décoration du Feu d'artifice que Messieurs les Comtes de Lyon font dresser sur la Saône à l’occasion de leur quatrième jubilé

 

-      COLONIA Dominique, 1734, Instruction sur le Jubilé de l’Eglise Primatiale de S. Jean de Lyon…

 

-      Chapitre Primatial, 1735, Relation du Jubilé séculaire de l'église primatiale de Lyon. de l'année 1734

 

-      Archevêché, 1838, Le cérémonial de la Sainte-Eglise de Lyon, premier siège des Gaules

 

-      COLLOMBET F.Z., 1838, Etudes sur les Historiens lyonnais, le P. de Colonia, Revue du Lyonnais, volume 7, pp 161sq

 

-      BOISSIEU Maurice (de), 1880, L’Eglise collégiale de Saint Jean-Baptiste à Saint-Chamond. Son chapitre, ses reliques, pp.203sq

 

-      Archevêché, 1886, Grand jubilé de Lyon. Pèlerinage de Saint-Etienne et des cantons de Saint-Chamond, Rive-de-Gier, le Chambon, à N. D. de Fourvière et à la primatiale de Saint-Jean, 24 juin 1886

 

-      Médaille de 1886 (image)

 

-      SACHET Alphonse, 1886, Le Grand Jubilé Séculaire De Saint-Jean-de-Lyon 1451-1546-1666-1734

 

-      SACHET Alphonse, 1889, Notes supplémentaires au Grand Jubilé séculaire de Saint Jean de Lyon

 

-      MACE Armand, 1942, Le grand pardon séculaire de Saint-Jean de Lyon 1451-1546-1666-1734-1886-1943. Notes inédites sur le jubilé de 1886

 

-      Le journal La Croix, 1943

 

-      PEROUAS Louis, 1983, Le grand retour de Notre-Dame de Boulogne à travers la France (1943-1948). Essai de reconstitution, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 90-2, pp. 171-183

 

-      CLEMENT Jean Louis, 1999, Les évêques au temps de Vichy: loyalisme sans inféodation…

 

-      DURAND Jannic, 2008, Le projet de corpus des reliques et reliquaires byzantins en France, Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, pp. 152-181

 

-      OLIVIER Georges, 2014, Pierre-Marie Gerlier, le cardinal militant 1880-1965

 

-      ROSSIAUD Jacques, 2014, Lyon 1250-1550 : Réalités et imaginaires d'une métropole, ch.21

 

-      GUYARD Nicolas, 2015, De l’inventaire à l’histoire, Des reliques et des villes. Une histoire des objets sacrés

 

-      CHARLAS Joseph Michel, 2017, Cléricalisme et anticléricalisme à Lyon, de la Commune à la Première Guerre mondiale (1870-1914)

 

-      Archives du Rhône, Chapitre primatial Saint-Jean, 10G 571

 

-      voir les notices sur la Fête des Merveilles, les Archevêques, la Charte Sapaudine, la Croix pectorale des Chanoines, etc.

 

g.decourt