le roi
Charles à l’abbaye de l’Ile-Barbe
861
Au nom de notre Seigneur Jésus Christ, Dieu éternel,
Charles, roi par disposition de la divine providence,
fils du très pieux et illustre Lothaire jadis empereur.
Nous nous empressons par devoir de piété et par amour
de l’Esprit d’En-Haut de satisfaire au mieux les besoins des serviteurs du
Christ, tout autant que nous nous montrons encore plus assidus à la prière et
prompts à remplir nos obligations.
Que sur toute l’étendue de notre royaume soit donc
connu qu’à la demande de Rémy, pontife de la vénérable Eglise de Lyon, Gondran, abbé du couvent de l’Ile-Barbe, a présenté de ses
propres mains avec déférence à notre clémence les diplômes et prescriptions que
notre géniteur de divine mémoire, nos grand-père et arrière-grand-père, ont
établi pour ce monastère, et a réclamé humblement que ce que leur très grande
piété concéda soit renouvelé par un privilège stable de notre Sérénité.
Aussi, approuvant sous l’inspiration divine ses
requêtes et voulant en voir la digne et raisonnable réalisation, Nous décidons
que soit mis par écrit notre décret et nous rendons irrévocable que désormais
ce monastère jouisse à l’avenir, par franchise et état propre, sans aucune
diminution ni perturbation, de ce que Leidrade,
vénérable archevêque de l’Eglise de Lyon, a cherché et obtenu de mes
arrière-grand-père et grand-père, les glorieux empereurs. Et Nous suivant donc
leurs traces, nous disons notre accord et en confirmons la décision par notre
diplôme :
Que chaque année soit payée par ce couvent une livre
d’argent aux questeurs de notre propre prélature, que personne ne prétende leur
demander davantage ou réclamer des biens leur appartenant, ni n’ose exiger des
droits de gite et de couvert ou quelque autre revenu.
Mais qu’il soit permis aux moines y servant Dieu de
posséder ce sanctuaire avec tous les biens qui lui reviennent légalement, et
les bateaux, tout le temps, intégralement, sans division ou diminution, pour
leurs propres usages.
Que, soumis à leur chef, comme il se doit, ils mettent
en œuvre ce dessein, sans perturbation, librement et sincèrement, avec
l’approbation du Seigneur.
Nous voulons aussi et par ce diplôme nous décidons
qu’aucun juge public ou quiconque de par un pouvoir judiciaire ne tente
d’instruire des causes, quérir des taxes, demander des droits de gîte et de
couvert, enlever des garanties, limiter injustement dans leur immunité les
hommes qui habitent ce monastère, engager un impôt ou un revenu, entrer dans
les lieux et biens de cette Eglise, ou réclamer ce qui est noté plus haut.
Puisqu’il est bon pour nous, et pour la stabilité du royaume
que Dieu nous a confié, que les moines servant là le Seigneur implorent avec
plus d’application, mieux avec plus de liberté, la miséricorde du Seigneur.
Et pour que perdure notre diplôme, nous le signons
ci-dessous de notre propre main, et nous ordonnons qu’y soit apposée la marque
de notre sceau.
Sceau de Charles très glorieux roi (monogramme).
Aurélien, notaire à la place de Bertran,
j’ai relu et soussigné.
Daté du 11 des calendes de septembre, en l’année 5 du
règne de notre seigneur le roi Charles, le Christ propice, indiction 9.
Fait à Mantaille.
Au nom de Dieu. Heureusement.
NOTES
11 des calendes de septembre : soit le 22
août
l’année 5 du règne de notre seigneur le roi
Charles :
Lothaire Ier mort en 855, la date d’accession de son fils Charles
(le Jeune) à sa part d’héritage constituée de la Provence jusqu’au Lyonnais
étant généralement fixée en l’an 856, il s’agit de l’année 861
indiction 9 : l’indiction étant une période 15 ans à compter
de l’année 312, on calcule ainsi : 312 + (15x36) + 9= 861
Mantaille : résidence
du roi Charles, sur l’actuelle commune d’Anneyron
(Drôme).
DOCUMENTS
Ce
diplôme est le plus ancien document détenu par les Archives départementales du
Rhône. Il est muni du sceau royal. Il fait partie des documents découverts dans
la Primatiale le 17 septembre 1915.
- Texte latin
original et analyse du Diplôme original
de Charles de Provence
o
GUIGUE
Georges, 1915, Documents
des archives de la cathédrale de Lyon récemment découverts, Bibliothèque de l'école des chartes,
n°76, pp. 532-544
- Texte latin
(copies)
o
LE
LABOUREUR Claude, 1665, Les
Masures de l'Abbaye royale de l'Isle Barbe Les Lyon ; ou Recueil historique
de tout ce qui s'est fait de plus memorable en cette
Eglise, depuis sa Fondation iusques à present : avec le Catalogue de tous ses Abbez,
tant Reguliez que Seculiers
o
MENESTRIER
Claude-François, 1696, Histoire
civile ou consulaire de la ville de Lyon. Preuves, p.XXXVIII
o
BOUQUET Martin, 1757, Recueil
des historiens des Gaules et de la France, tome 8