Irénée de Lyon
Eusèbe de Césarée au chapitre V de son Histoire Ecclésiastique (HE) reprend des
éléments d’écrits d’Irénée en partie perdus. Il le présente comme « presbytre de la communauté de Lyon » (paroikia)
quand la persécution éclate en 177. Il succède à Pothin l’évêque martyr.
Irénée
serait né à Smyrne (Izmir) en Asie mineure, entre 130 et 140. Irénée écrit à
Florinus qu’il y a connu Polycarpe dont on disait qu’il avait reçu
l’enseignement de l’apôtre Jean :
Je puis dire l’endroit où s’asseyait le
bienheureux Polycarpe pour parler, ses allées et venues, son caractère et son
aspect physique, comment il racontait ses liens avec Jean et avec les autres
qui avaient vu le Seigneur, comment il rappelait leurs paroles et ce qu’il leur
avait entendu dire au sujet du Seigneur, de ses miracles, de son enseignement,
comment Polycarpe, après avoir reçu tout cela des témoins oculaires du Verbe de
vie, le rapportait en conformité avec les Ecritures. J'écoutais cela
attentivement (…) et je le notais non sur du papier, mais dans mon cœur.
(Eusèbe, HE, V.20, 6)
A
la fin du second siècle, la communauté chrétienne de Lyon pouvait remonter
jusqu’à Jésus par une tradition orale (Jean, Polycarpe, Irénée).
Irénée
a été envoyé en mission porter une lettre de la communauté lyonnaise à l’évêque
de Rome, Eleuthère (175-180), peut-être pendant la persécution de 177. Les
chrétiens de Lyon s’inquiètent de la montée de l’influence, chez eux et dans
leurs communautés d’origine, de Montan, né en Phrygie, qui prêchait l’imminence
de la fin du monde et l’avènement prochain de l’Esprit. Alors que l’évêque de Rome
s’apprête à condamner Montant et ses adeptes (le montanisme), Irénée, dit
Eusèbe (HE IV.3/4) montre un « jugement
prudent et tout à fait orthodoxe ».
Eusèbe
raconte (HE V. 24-25)
une controverse sur la date de Pâques qui oppose, à la fin du second siècle,
les Eglises d’Asie à d’autres Eglises, dont celle de Rome. En Asie, les chrétiens célèbrent la
Résurrection le même jour que la Pâque juive, le quatorzième jour du mois de
nizan. Toutes les autres Eglises la fêtent le dimanche qui suit le quatorzième
jour. Le jeûne préparatoire à Pâques ne tombe donc pas en même temps :
certains jeûnent encore quand d’autres commencent la fête. L’évêque de Rome,
Victor, dans les années 190-191, veut imposer à tous le calendrier romain, car
le désordre régnait à Rome chez les chrétiens venant de partout avec leurs
propres coutumes. Irénée reproche à Victor sa manière de faire et lui demande
de bien distinguer l’essentiel du secondaire. Polycarpe, évêque de Smyrne, et
Anicet, évêque de Rome, avaient eu des divergences en matière liturgique,
rappelle Irénée, cela ne les avaient pas empêchés de concélébrer l’Eucharistie.
De même, dit-il, « la différence du
jeûne confirme l’unité de la foi ».
Eusèbe
conclut qu’ « Irénée portait bien
son nom, « le pacifique », car il était pacificateur par son nom
comme par sa conduite ; il exhortait et négociait pour la paix des Eglises »
(HE V, 24/13, 18).
On ignore comment est
mort Irénée. A
la fin du IVe siècle, des auteurs, dont Jérôme, donnent à Irénée le titre de
martyr. Un texte du VIème siècle, La Passion de saint Irénée, dit
qu’Irénée serait mort lors de la persécution de Septime-Sévère avec dix-neuf
mille autres martyrs. Le sang aurait coulé à flot de Fourvière jusqu’à la
rivière. « Un tourbillon de sang »
(« gurgès sanguinis »)
aurait coulé de la colline de Fourvière jusqu’à la rivière : d’où les noms
de « Gourguillon » pour la
montée de Fourvière et de « Sagona »
(« sanglante ») pour la Saône.
Irénée
est l’auteur de nombreux écrits, lettres et livres qu’Eusèbe a connus, dont
deux nous sont parvenus :
-
La Dénonciation et réfutation de la gnose au nom
menteur, appelée
habituellement Adversus haereses
(AH), car seule la version latine de l’ouvrage nous est parvenue
intégralement.
-
La Démonstration de la prédication apostolique,
dans une version arménienne découverte en 1904 dans la bibliothèque de l’église
de la Mère de Dieu, à Erevan.
Irénée
fait partie des Pères de l’Eglise grecque.
DOCUMENTS
- EUSEBE de CESAREE, Histoire ecclésiastique, livre IV,
livre V
- PIETRI Charles, 1977, Les origines de la mission
lyonnaise : remarques critiques, Les Martyrs de Lyon (177),
colloque international du CNRS, édité par Publications de
l'École Française de Rome, 1997/234 Christiana respublica. Éléments d’une
enquête sur le christianisme antique,
pp. 1165-1185
-
voir
théologie d’Irénée, Irénée aux XXème
et XXIème s., Propre de Lyon, « la discordance sur le jeûne renforce
l’accord sur la foi »
-
voir
Ouvrages et Articles numérisés
sur Irénée de Lyon