Pierre
Simon Jacques
1789-1854
Pierre
Simon JACQUES naît à Lyon en 1789.
Il étudie
l’histoire de l’Eglise avec l’abbé Chouvy, de la faculté de théologie, qui le
considère comme son disciple.
Sous
l’Empire il est curé de Curtafond en Bresse.
Sous
la Restauration il est curé de Dencé en Beaujolais.
On
sait peu de choses sur sa vie sinon ce qu’il en dit lui-même dans une note où
il expose ses compétences (in Eglise
primatiale…, pp.168-169).
En
1816, il a dit avoir « lu tout saint
Augustin et analysé plusieurs autres traités » ; on considère
autour de lui qu’il a « la manie des
bouquins ».
Il
compose des discours dogmatiques et moraux sur la base de deux sources :
les écrits des Pères et de l’histoire de l’Eglise, « combinées avec la philosophie contemporaine » ; mais
« il n’a guère pu en faire usage,
parce qu’il n’a été employé que dans le ministère des campagnes ».
Il
rédige aussi un traité de « catéchistique ».
●
En 1826 il publie L'origine de l'Eglise de Lyon et les bienfaits
qu'elle a répandus dans le pays. Discours opposé
au "Résumé sur l'histoire du Lyonnais".
Sans avoir pu
accéder aux « secours littéraires
indispensables pour cela », n’habitant pas Lyon (COLLOMBET), il dresse un
portrait historique de l’Eglise de Lyon, en réponse à l’ouvrage de Jal A, 1826, Résumé
de l’histoire du lyonnais. Il met en annexe une liste des évêques de
Lyon (pp.108-110).
●
En 1827 il publie Deux mots de paix à Messieurs les ministres
protestants de Lyon, avec le relevé de quelques erreurs qui se trouvent dans
les époques de l’Eglise de Lyon par un protestant.
Il considère que
cet ouvrage clôt les querelles théologiques entre catholiques et protestants. Il y critique le protestantisme, puis expose la
doctrine de saint Irénée contre les hérésies, enfin réfute l’ouvrage d’un
protestant, paru en 1827, Epoques
de l’Eglise de Lyon. Fragment de l’histoire de l’Eglise de Jésus-Christ,
qui montre que les IIème siècle avec Irénée, XIIème
siècle avec Valdo et plus longuement XVIème siècle avec la Réforme,
sont les seules époques de véritable Eglise : « Les saints Pères ont défini l’Eglise par la foi, et la foi par les
Ecritures. Quand donc nous parlerons de l’Eglise de Lyon et des trois Epoques
bienheureuses où le Seigneur a voulu la reproduire au monde dans sa première
pureté, nous ne désignerons ainsi que la véritable Eglise, celle qui possède la
véritable foi, celle qui se fonde sur les Ecritures ».
● En 1832 il publie
Eglise considérée dans ses rapports avec
la liberté et les progrès de la civilisation. Ouvrage opposé aux
Saint-Simoniens et à quelques jugements de M. Guizot dans son Cours d'histoire.
Cet ouvrage devait
paraître en 1828, mais des corrections durent être faites pour éviter des
« malentendus ». C’est un
livre sur la philosophie contemporaine « saint-simonienne ». L’auteur en explique ainsi le propos :
Afin
de montrer que cet amour de l'humanité est essentiel au catholicisme, et que le
zèle inspiré par lui, bien loin d'être circonscrit dans cette sphère étroite et
basse dont parlent nos adversaires, est au contraire très susceptible de
s'étendre, de s'élever indéfiniment, de répondre à toutes les exigences d'une
civilisation avancée, d'une nation libre et grande, je vais parcourir
rapidement l'histoire du passé, insistant principalement sur les époques du
moyen âge qui, dans notre dessein, méritent une attention particulière : on me
pardonnera d'accumuler dans cet examen, les détails historiques et les
citations ; car il ne faut pas imiter ceux qui lient de force quelques
faits ambigus à des théories improvisées, au lieu d'asseoir leurs théories sur
un ensemble de faits réels.
(p.XII)
Après avoir « montré que le christianisme, la première des religions et des
philosophies vraiment populaires, a posé dans ses dogmes tous les principes
essentiels à une sage liberté et à cette sorte d'égalité que comporte notre
état présent » (p.145), il s’interroge sur la place de l’Eglise
catholique dans la démocratie naissante.
Et
maintenant quelle sera la fonction de cette église dont la bienfaisante
doctrine brilla toujours comme un astre dans les siècles les plus ténébreux ;
que nous avons vu dans des temps d'ignorance et d'oppression, épouser avec tant
de zèle les intérêts du genre humain, en même temps qu'elle favorisait les
progrès de la science qui devait l'émanciper. Elle ne marchera pas peut-être de
sitôt en première ligne dans le mouvement social ; ses ministres ne formeront
plus exclusivement ce sénat vénéré, dépositaire des sciences humaines car
l'état actuel du genre humain ne le comporte pas. On ne les verra plus, comme
au temps de Charlemagne et d'Othon, former dans l'assemblée des hommes
militaires, un parti prépondérant en faveur des pauvres. Devenus faibles sans
avoir été coupables, portant tous en corps la peine due à quelques
individualités étrangères à son esprit, leur voix serait repoussée par
d'injustes défiances. Le monde du moyen âge fermait l'oreille aux doctrines
libérales que l'Eglise lui prêchait ; le monde moderne les adopte pour lui,
mais l'ingrat en exclut sa bienfaitrice.
Cependant
il est un autre genre de service qu'elle ne cessera de rendre à l'humanité ;
elle sera à jamais le sel de la terre en maintenant avec constance dans des
temps d'exagération, cette sagesse sobre et modérée, ce véritable juste-milieu
de la raison et de l'évangile nécessairement compris dans l'étendue de ses
promesses, cet ensemble de doctrines fixes auxquelles le bon ordre, la justice,
le respect des droits légitimes se rattachent d'eux-mêmes. Car quoique
l'influence de l'Eglise soit éminemment libérale, quoiqu'elle ait volontiers
avoué pour son organe l'illustre auteur de la Cité de Dieu, lorsque parmi les
effets de la dégradation originelle, il mettait la fâcheuse nécessité où est
l'homme de se soumettre à son semblable, lorsqu'il déclarait que les grand
empires qui ne seraient pas fondés sur l'avantage commun, sont de grands
brigandages, lorsqu'il invectivait contre ces sommités sociales qui se mettent
en peine, non point combien leurs subordonnés sont heureux ou éclairés, mais
combien ils sont soumis, cependant, à cause de la nécessité d'une autorité qui
pourvoie au bien général, l'influence de l'Eglise se résout réellement en une
force protectrice de l'ordre établi, et dont le rôle est de conserver plutôt
que de changer, si ce n'est par des voies insensibles. L'imagination
vole, hasarde des combinaisons audacieuses ; la raison, surtout quand elle est
affermie par le positif de la morale religieuse, hésite et se défie en portant
à l'excès l'exercice de prétendus droits ; elle craint de passer les bornes du
devoir, toujours voisines d'un abyme. Vous qui avez blâmé la consciencieuse
circonspection de vos pasteurs, ignorez-vous que c'est la juste combinaison de
ces deux principes qui assure la marche de l'humanité ? en ôtant ainsi un
contrepoids nécessaire à la société, ne craignez-vous pas de l'entraîner à sa
perte ?
(pp.150-152)
L’auteur cherche ainsi à montrer que la morale
philanthropique et la morale catholique, loin de s’opposer et se combattre,
peuvent se compléter.
Que
la croix, sur laquelle un Dieu libérateur de l'humanité se laissa attacher pour
renverser la muraille de division et éteindre dans leur principe ces minuties
mortelles qui existaient entre les oppresseurs et les opprimés, la croix,
autrefois symbole d'un supplice affecté au peuple, et qui ne monta au front des
souverains que pour leur apprendre, qu'ayant avec lui un Créateur et un
Rédempteur commun ; ils devaient le traiter comme leur famille, que cette croix
paraisse dans nos places publiques, qu'elle brille au haut des édifices sacrés
environnée des hommages de la grande nation ! Ainsi, la philanthropie aura son
fondement dans la religion, la liberté s'alliera avec l'ordre public, et le
pouvoir environné d'une auréole morale, cessera de paraître importun. Car, ne
nous y trompons pas, le temps est venu où il faut que l'homme, enfin instruit
par la plus solennelle des expériences, s'impose volontairement le joug si doux
du christianisme, ou qu'il ploie malgré lui sous ce joug de fer de la force
matérielle que la religion du Christ avait brisé. Cependant telles que puissent
être les destinées futures de la France, telle que soit la nouvelle combinaison
que le siècle nous apporte en grandissant, soit que le relâchement de
l'autorité amène la licence, soit que par un retour assez ordinaire, la licence
reconduise ensuite au despotisme, il y aura encore une autre sorte d'appui
d'une efficacité plus incontestable et plus générale que l'Eglise prêtera
éternellement aux droits légitimes de l'humanité; car cette institution céleste
a des racines profondes et nous l'espérons dans la nation française en
particulier : elle contribuera toujours à l'affranchir d'une masse considérable
de ces vexations journalières et partielles, sur lesquelles les lois et les
constitutions n'ont point de prise. Les moyens d'obscure persécution se
multiplient sans fin sous la main de l'homme pervers. Les précautions que prend
la loi, en deviennent souvent les instruments ; qui pourra s'en garantir sans
la Religion ? Et combien n'est pas nécessaire au bonheur commun, cette source
de bienveillance universelle, ce principe de répression morale qui n'a de vie
et d'action continue que dans le Catholicisme ?
Et les
pauvres, les infirmes, les malheureux, ces êtres immortels et impuissants,
auxquels la nature a refusé la force de corps ct l'adresse de l'esprit, que
l'Eglise songea la première à soulager sérieusement, et qui sont toujours en
dehors des utopies modernes malgré leur grand nombre, n'ont-ils pas aussi leurs
droits à défendre ?
(pp.514-515)
L’auteur termine par une adresse au
clergé :
Ah !
quelque fidèles que vous vous montriez à votre sublime vocation, quelques
généreuses que soient vos intentions, quelques pures que soient vos œuvres,
vous ne triompherez pas entièrement de ces préjugés qui aigrissent un si grand
nombre de vos contemporains ; de cette haine, de cette défiance qu'ont
soulevées tant de secousses. Mais ne vous rebutez pas, ne resserrez pas vos
entrailles ! lisez les histoires de vos pères qui brillèrent au milieu des
générations corrompues, qui firent constamment retentir une doctrine saine et
modérée à des oreilles travaillées d'une insatiable démangeaison de nouveautés,
qui redoublèrent même de zèle pour servir ceux qui les persécutaient ! Quand la
face variable de ce monde aura changé, un autre siècle peut-être avec d'autres
idées vous rendra une pleine justice ; en attendant vous recevrez la plus douce
des récompenses après le témoignage d'une bonne conscience, l'approbation de
vos concitoyens éclairés. Comme Jésus l'ami du genre humain, le zélateur de sa
patrie mortelle, vous aurez passé en soulageant cette humanité dont les misères
sont encore plus grandes que les faiblesses. En vous faisant tout à tous vous
aurez, ainsi que s'exprime Augustin, recueilli les esprits capables de guérison
pour les transmettre à la société des justes parfaits. Tous ensemble ils se
réjouiront à la fin dans leur magnanime roi, parce que les ayant radicalement
affranchis de ce reste de corruption qui est l'unique cause de toute servitude,
il les fera jouir dans la gloire des enfants de Dieu d'une suprême liberté !!!
(pp.517-518)
●
En 1836 paraît une deuxième édition d’Eglise
considérée…
L’auteur apporte quelques précisions à la suite
des courriers qu’il a reçus et réaffirme qu’entre ferment de liberté et souci
de l’ordre, l’Eglise offre un « juste
milieu de la raison et de l’Evangile » (p.155), et que le
christianisme catholique restera dans le nouveau siècle la voie de la sagesse
car avec lui « la philanthropie aura
son fondement dans la religion, la liberté s’alliera avec l’ordre public, et le
pouvoir environné d’une auréole morale cessera de paraître importun »
(p.196).
Il est présenté
comme « ancien professeur à
l’Université et candidat pour la chaire d’histoire ecclésiastique ».
●
En 1837 il publie L’Eglise primatiale de
Saint-Jean et son chapitre : esquisse historique.
L’auteur, après avoir
raconté l’histoire du Chapitre de la Primatiale, conclut par des propositions
concrètes sur sa fonction dans l’Eglise du XIXème siècle. Il montre
le besoin d’une approche nouvelle, qu’il nomme philosophie de la religion, dont il dessine les grandes lignes :
connaissance des Ecritures saintes et des Pères, connaissance des sciences
nouvelles de l’Homme ; il propose que le Chapitre assure cette recherche.
Les membres d’un chapitre peuvent se communiquer
habituellement le résultat de leurs recherches sans cette défiance que produira
la crainte de se voir enlever son avenir : ainsi ils peuvent former comme
un foyer lumineux, un centre de vraie science religieuse, harmonique, étendue,
exemple d’intérêt particulier. Ce serait là, pour les ecclésiastiques d’une
province, un fanal bien plus sûr, plus fécond en résultats, plus ecclésiastique
enfin, que certaines gazettes, prétendues littéraires, dont les doctrines ne
sont ni bien suivies, ni bien fixes, ni bien modérées.
(p.167)
Il
propose aussi que l’on rétablisse au sein du chapitre la fonction de théologal instituée au Moyen Age.
A l’époque qui vit le génie européen recevoir son
premier développement scientifique, l'Eglise établit généralement dans les
chapitres un théologal destiné à tenir le clergé au niveau de besoins que ce
développement avait créé. Cette fonction, telle qu'elle fut établie alors,
c'est-à-dire pour la théologie scholastique, est encore nécessaire aujourd'hui.
Mais comme les tendances rationnelles des deux siècles derniers ont encore amené
d'autres besoins intellectuels dans les hommes religieux, on peut penser qu'un
second théologal pour la controverse et la philosophie de la religion ne serait
pas moins convenable dans les établissements canoniaux.
(p.167)
Il
se permet dans une longue note de montrer qu’il a les qualités et les
références requises pour occuper une telle fonction.
Il
met en annexe une liste des principaux Chanoines-comtes de Lyon de 984 à 1786
(pp.191sq).
● En 1839 il
publie Révélateur des mystères, ou
l'antique Cérémonial de Saint-Jean.
C’est le développement d’un chapitre
de l’ouvrage sur l’Eglise primatiale…, où il présente le
rite lyonnais sous trois aspects reprenant les qualificatifs que Bernard de
Clairvaux adressait à l’Eglise de Lyon dans sa Lettre aux Chanoines : « gravité, attachement à l’antiquité, soin de la discipline ».
Une annexe concerne le rite du Jeudi-Saint.
Le Cardinal DE BONALD, en présentant l’édition
du Bréviaire de 1844, signale qu’il a eu recours à « l’homme le
plus versé dans les Ecritures et dans la critique, qui
a récemment publié l’ouvrage savant
Mystère de l'Eglise primatiale ».
JACQUES cherche ensuite à théoriser ses convictions dans un
ouvrage, jamais édité, dont le titre aurait été Sur la Dignité du Caractère considérée dans l’homme religieux (COLLOMBET).
Il
se retire à la Providence Sainte-Marie à Saint-Etienne où il décède en 1854.
M.
l’abbé Jacques avait compris, depuis longtemps qu’un trop funeste divorce entre
le catholicisme et ce qu’il peut y avoir de véritablement philanthropique dans
les tendances modernes était l'effet d'une appréciation incomplète et exclusive
; car, d'un côté les théories libérales abondaient en exagérations chimériques,
et de l'autre certains hommes religieux ne distinguaient point assez l'esprit
essentiel du catholicisme d'avec les tempéraments politiques qu'il a dû subir
aux siècles précédents.
Le
remède à ce mal, M. Jacques avait cru l'entrevoir dans une étude scientifique
et approfondie des monuments du christianisme, à ses différentes époques. Cette
histoire comparée devient, selon Herder, un commentaire que la providence
elle-même prend soin de rédiger sur les institutions ; par elle,
l'individu recueillant les expériences du monde entier, échappe à la spécialité
souvent excentrique et réactionnaire de l'âge où il vit.
(COLLOMBET, p.244-245)
OUVRAGES
- 1837, L’Eglise
primatiale de Saint-Jean et son chapitre : esquisse historique
- 1839, Révélateur
des mystères, ou l'antique Cérémonial de Saint-Jean
DOCUMENTS
- 1854, BOITEL Léon, nécrologie de l’abbé
Jacques, pp.166-167
- COLLOMBET F.Z., 1839, M. Jal, M. l'abbé Jacques, Revue du Lyonnais, pp.241-255
g.decour