Réponse du Pape
Jean-Paul II
au Conseil
Presbytéral et au Conseil Diocésain de Pastorale
1986
LUNDI 6 OCTOBRE
Je regarde
le texte préparé (pour
le Conseil pastoral et le Conseil presbytéral de Lyon) : il y a neuf
pages. Je regarde aussi l’heure ; j’ai dix minutes ou au maximum 15
minutes, et je dois prendre une décision. Alors je vous propose celle-ci :
je vais laisser le texte préparé pour vous dans les mains de votre archevêque
et je vais vous dire tout de suite, directement, mes réactions immédiates après
avoir écouté vos rapports. Evidemment, ils sont pour moi bien plus précieux que
la possibilité de prononcer mon discours parce que je suis parmi vous comme
invité et il est très précieux pour moi de pouvoir connaître cette Eglise, une
des Eglises particulières parmi d’autres, mais une Eglise tout à fait spéciale,
très prestigieuses, très ancienne, et de pouvoir connaître la réalité de cette
Eglise après Vatican II, dans la situation créée par Vatican II. C’est évidemment
un grand privilège, et il était très important de pouvoir vous écouter.
D’autre
part, je dois dire – et ici, je me réfère à l’interview de votre archevêque
dans un livre de plus de 200 pages, une grande interview (Le Cardinal Decourtray, 22 entretiens avec André Sève, p.210) – son
interlocuteur, un journaliste, a provoqué l’archevêque au sujet du Pape en lui
disant : « le Pape est quelqu’un qui veut concentrer le
pouvoir ». Le Cardinal tâchait alors de me défendre et il le faisait de
manière très efficace. Par exemple, il disait – je cite plus ou moins les
paroles de votre Cardinal - : « voyez-vous, quand j’ai été nommé
archevêque de Lyon, je suis allé voir le Pape pour lui demander ses conseils.
Celui-ci m’a dit : « vous savez beaucoup mieux que moi ce que vous
devez faire à Lyon ! » Et c’est vrai : c’est la vraie réalité.
La structure de l’Eglise et surtout celle de l’épiscopat est exactement celle
de l’Eglise universelle, et en même temps, elle existe et se réalise dans
beaucoup d’Eglises particulières.
Le
Seigneur a appelé douze apôtres, pas seulement Pierre, et avec ces douze
apôtres il a déjà anticipé le double caractère de l’Eglise, c’est-à-dire son
caractère universel et en même temps le fait qu’elle soit composée de beaucoup
d’Eglises particulières. Alors ici, on touche le problème de charisme. Quand je
répondais à votre archevêque qu’il savait bien mieux que moi ce qu’il devait
faire, c’était, disons, une parole sur le charisme. Votre Cardinal a le
charisme de l’Eglise de Lyon ; le Pape a le charisme du service de
l’Eglise universelle, et donc indirectement celui du service des diverses
Eglises mais surtout en relation avec l’Eglise universelle. Si le Pape a le
charisme pour servir une Eglise particulière, c’est surtout celle de l’Eglise de
Rome. Ce que je viens de dire est important pour comprendre ma façon de
répondre à vos rapports, et je souligne une fois encore que ces rapports sont
très précieux pour moi.
Je
dois surtout constater que les deux organismes qui se présentent ce soir à l’évêque
de Rome, au Pape, correspondent profondément et substantiellement non seulement
à l’esprit mais littéralement aux décisions de Vatican II.
Vatican
II a suggéré la création du Conseil presbytéral. Le Conseil presbytéral est
semblable à un sénat, « senatus
episcopalis ». Conseil presbytéral donc, et Conseil pastoral sont
comme l’expression de la responsabilité apostolique dans le domaine de la
pastorale de tout le Peuple de Dieu. Ces deux organismes existent et
fonctionnent déjà depuis quelque temps. C’est à considérer, pour pouvoir en
juger, selon les critères de la doctrine du magistère de Vatican II. Dans ce
magistère de Vatican II il existe de nombreux points pour lesquels il est
nécessaire de disposer de certaines références, surtout la Constitution
dogmatique Lumen gentium sur l’Eglise
et aussi la Constitution Gaudium et spes
et, bien entendu, les divers décrets, tels que celui qui concerne le laïcat, le
Décret Apostolicam actuositatem et
également celui pour les prêtres et les évêques, Presbyterorum ordinis. Mais je dirais que, pour juger l’activité,
et surtout les activités réalisées par vos deux conseils, il faut se référer à
tous les documents de Vatican II, et je voudrais ici citer moi-même le dernier
Synode, le Synode extraordinaire qui s’est tenu à Rome au mois de décembre de
l’année dernière à l’occasion du 20ème anniversaire de la clôture du Concile
Vatican II. Et par conséquent c’est donc une réalité fondamentale,
substantielle dont je constate l’existence et à laquelle j’exprime ma reconnaissance,
ma gratitude, ma satisfaction pour ce qui correspond à mon charisme et aussi à
mon ministère d’évêque de Rome.
Que
dois-je suggérer ? S’il est une suggestion à faire, revenons au nom que
portent vos organismes : les conseils. Ce terme définit de façon profonde
le caractère de ces organismes qui sont communautaires, représentatifs. Le
Conseil presbytéral est naturellement représentatif du Presbyterium du diocèse de Lyon ; le Conseil pastoral est
représentatif de l’action pastorale, et la grande participation des laïcs s’y
justifie par le fait que Vatican II a fortement souligné que l’apostolat de
laïcs est un élément constitutif de l’apostolat de l’Eglise. Nous préparons
pour l’année prochaine un Synode et, cette fois, un Synode ordinaire consacré de
façon spéciale aux laïcs et à leur apostolat dans l’Eglise.
Je
voudrais à présent évoquer un autre aspect, celui des conseils comme
institutions. Le critère authentique du conseiller est celui de donner de bons
conseils, d’avoir les qualités, les vertus de bon conseiller, c’est-à-dire de
personnes capables de donner de bons conseils. Ce qui présuppose bien des
conditions. Nous le savons bien d’après ce qu’en dit saint Thomas,
particulièrement là où il traite de la vertu de prudence qui constitue quelque
chose d’important pour un conseil. Il s’agit d’une prudence de dimension non
seulement personnelle ou individuelle, mais d’une prudence et d’une vertu de
conseil dans la dimension sociale et ecclésiale. Il faut travailler, il faut se
former à une telle vertu de conseil et de prudence. Mais nous savons aussi
qu’il existe un don de conseil surnaturel, un don de l’Esprit-Saint qui
augmente, qui approfondit notre vertu de conseil et de prudence. Il rend plus
disponible à la motion surnaturelle, à la motion du Saint-Esprit. Pour avoir ce
don du Saint-Esprit, il faut prier le Saint-Esprit de créer en
nous-mêmes, dans notre esprit, une disponibilité à cette œuvre de
l’Esprit-Saint qui illumine de ses conseils et nous fait sentir son influence
surnaturelle, qui est faite de bons conseils et qui fait de nous de bons
conseillers.
Ce sont des éléments qui ne se trouvent
pas dans le discours que j’ai préparé. J’ai voulu vous communiquer les
réactions que j'ai eues en écoutant vos interventions. Il ma semblé important de
vous suggérer cela et de vous le
souhaiter. Je vous souhaite donc d’avoir cet esprit de bon conseil, esprit au
sens humain du terme, afin d’obtenir du Saint-Esprit le don de conseil pour
pouvoir accomplir cette fonction pour laquelle l'Église de Lyon vous a choisis.
C'est tout ce que je voulais vous dire. Le
reste peut se trouver ici (le Pape montre le discours préparé). En tout cas, j'essaie plutôt de m’en tenir au plan des considérations
générales et cela fait partie de mon charisme et de ma mission, laissant à
votre évêque ce qui ressort de sa propre compétence charismatique, compétence
qui ne dérive pas seulement de sa fonction ecclésiale mais de son charisme et
je crois que au charisme de évêques qui inclut aussi l'évêque de Rome ; et
je crois aussi que au charisme des prêtres, des religieux et des
religieuses ; et je crois profondément au charisme des laïcs, très
différent, très riche. Dans ma vie, j'ai rencontré de nombreux laïcs avec des
grands charismes. Et j'ai découvert ces charismes au niveau de la vie
personnelle, mais surtout de la vie sociale, familiale, professionnelle et
aussi, bien sûr, la vie ecclésiale.
Jean-Paul II