Maison de Famille
d’Oullins
1929
Lettre
de
Son
Eminence de Cardinal Archevêque de Lyon
annonçant
la
bénédiction et l’inauguration de la Maison de Famille d’Oullins
Mes bien chers
Frères
Je vous ai fait
part, l’an dernier, de mon projet de fonder à Oullins une maison de famille où
les ouvrières et servantes âgées qui, au prix de persévérants efforts, ont
réalisé quelques petites économies, insuffisantes toutefois pour leur permettre
de vivre commodément en ces temps particulièrement difficiles, passeraient
leurs vieux jours dans de bonnes conditions morales et matérielles. Cette
maison est aujourd'hui achevée et elle abrite déjà une vingtaine de personnes
qui, tout récemment encore, me disaient leur bonheur d'être confortablement
logées et nourries et de ne plus avoir d'inquiétude pour l'avenir. D'autres
attendent que tout soit prêt et, quand elles seront entrées, il ne restera plus
une seule place disponible. Un Comité de dames dévouées a bien voulu prendre la
haute direction de cette importante affaire et se charger de trouver les
ressources nécessaires à sa marche régulière Je ne saurais trop recommander à
mes chers diocésains de réserver toujours à ces aimables messagères le plus
sympathique et généreux accueil quand elles tendent la main pour l'œuvre si
belle qu'elles ont prise à cœur. C'est toujours avec un joyeux empressement que
je leur transmettrai les offrandes qui me seront faites dans ce but. Un
personnel de choix assure le service de la maison et les pensionnaires peuvent
être assurées de toujours trouver auprès des saintes filles qui le composent de
vraies sœurs et comme des mères.
Je me propose de
bénir solennellement le local le samedi 23 novembre à deux heures et demie
après-midi. Ceux qui s'intéressent aux œuvres sociales — et je me plais à
croire que c'est le cas de tous les catholiques — aimeront, s'ils le peuvent, à
venir assister à cette cérémonie. Ils constateront une fois de plus que
l'Église est loin d'être indifférente au sort des travailleurs et que, fidèle
aux exemples et aux leçons de son divin Fondateur, elle continue, comme elle
l'a toujours fait au cours des siècles, à s'efforcer de maintenir l'harmonie
entre toutes les classes sociales par la pratique de la charité chrétienne et
de l'entr'aide fraternelle.
Si tous les membres
de la société étaient animés du véritable esprit de l'Évangile, ceux qui
gagnent leur vie à la sueur de leur front s'acquitteraient de leur tâche en
toute conscience et ceux qui bénéficient de leurs services leur donneraient en
échange, en vertu de la double loi de la justice et de la charité, une
rémunération suffisante pour leur assurer le pain de chaque jour et les
prémunir, grâce à une sage organisation, contre les risques de la vie. Dans cet
ordre, il n'appartient pas à l'État de se substituer aux initiatives privées et
de vouloir faire par lui-même ce que les individus et les associations peuvent
faire aussi bien que lui et à moins de frais. Qu'en vue du bien public dont il
a la garde, l'État intervienne pour établir, en matière d'assurances sociales,
le principe de l'obligation, c'est son droit, peut-être même son devoir. Mais,
sous peine de briser le puissant ressort de l'émulation et de s'exposer
lui-même à la ruine, qu'il laisse aux associations professionnelles et sociétés
de secours mutuels le soin de régler les détails d'exécution et d'organisation.
C'est pour mettre les catholiques en mesure d'accomplir sur ce point leur
devoir dans le cadre dc la loi que nous avons fondé le Foyer lyonnais et la Familiale
de la Loire. Ces deux sociétés comptent aujourd'hui près de vingt mille
adhérents ; je suis porté à croire que ce chiffre grandira et qu'un grand
nombre de membres honoraires, obéissant à une inspiration de charité chrétienne
et fraternelle, nous aideront à rendre nos sociétés puissantes et prospères. La
charité, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, n'est pas une vertu de luxe,
mais une vertu absolument obligatoire. Mais, pour qu'elle soit vraiment
efficace, il faut l'organiser. C'est ce à quoi tendent mes efforts. Je reste
confiant dans l'action de la Providence et l'appui de mes diocésains.
†
Louis-Joseph, Cardinal MAURIN,
Archevêque de Lyon.
SOURCE : Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1er novembre 1929