Antoine de MALVIN
de MONTAZET
1713-1788
Antoine
de MALVIN de MONTAZET naît en 1713 à Quissac (Lot-et-Garonne). La notice de
l’Académie française porte la date de 1712.
Mgr Fitz-James le nomme rapidement « grand vicaire » en son diocèse de Soissons et le fait nommer
« aumônier ordinaire du Roi »,
lui-même étant « premier aumônier ».
En
1748 il est devient évêque d’Autun.
En
1758 il est archevêque de Lyon.
Adversaire
des thèses jansénistes, puis leur défenseur, il bataille contre certaines
décisions du Parlement ou de l’Archevêque de Paris.
Sans
doute pour marquer son autorité dans l’épiscopat français, il signe souvent ses
actes du titre de « Primat de France »
au lieu de « Primat des Gaules ».
Durant
ses trente années à la tête du diocèse il a procédé à plusieurs réformes :
règlement du Chapitre de la Primatiale, bréviaire et rituels, formation des
séminaristes, instruction religieuse, etc.
Il
confie aux Oratoriens le Collège des Jésuites de Lyon après interdiction de la
Société de Jésus en France.
Ils
exigent des Prêtres de Saint-Sulpice, qui dirigent le
Grand Séminaire, de suivre les Institutions
théologiques appelées « Théologie
de Lyon », rédigées, à sa demande, par l’abbé VALLA de l’Oratoire.
Il
publie un Catéchisme du diocèse de Lyon
en 1767 en usage jusqu’en 1806 malgré les critiques faites aux tendances
jansénistes de l’édition de 1770 souvent rééditée.
Il
remplace le rite lyonnais par « la
liturgie parisienne » (Dom GUERANGER) que le Chapitre de la Primatiale
accepte après avoir fait quelques difficultés.
Il
fait montre de tolérance envers les « Amis
de l’Oeuvre des convulsions», à Lyon et
Saint-Etienne et les « prêtres
appelants » (appelant les fidèles à contester la bulle Unigenitus du
Pape Clément XI de 1713 condamnant le jansénisme), qui reçoivent le soutien des
Oratoriens, dans le Forez, et les Dominicains, à Lyon.
En
plus des revenus de sa charge, il est bénéficiaire de plusieurs abbayes hors du
diocèse, comme celle de Saint-Victor à Paris où il séjourne très souvent.
En
1756 il est admis à l’Académie française.
C’est
lui qui prononce la sécularisation de l’abbaye de Savigny le 1er
octobre 1784. (voir notice sur Savigny)
Il
meurt à Paris en 1788.
Beaucoup
s’accordent à dire qu’il dirigea le diocèse dans des tensions permanentes
(« par ses conceptions orthodoxes et
rigoristes (il) suscite oppositions
et controverses » (EL HAJJE-KERVERAN Nicole, 1985, p.497) et qu’il en
fit un bastion du jansénisme ; à sa mort on revint sur plusieurs de ses
décisions (PLUQUET, 1847, p.674).
La pensée contemporaine
Dans
son discours de réception à l’Académie française sur le thème de l’égalité, MALVIN de MONTAZET
regrette que la quête des connaissances cède le pas à la recherche des
honneurs.
Si les hommes avaient toujours été sages, ils
n’auraient jamais connu d’autres biens que les lumières et la vertu ; et
tous ayant le même penchant, la même facilité à se procurer les seuls avantages
qu’ils pouvaient estimer, l’indistinction des rangs se serait perpétuée parmi
nous avec celle du mérite. Mais l’ignorance et la corruption ne tardèrent pas à
obscurcir l’idée, à affaiblir le goût de la véritable grandeur ; la
nécessité de la récompenser dans les uns, de l’encourager dans les autres, de
la faire respecter par tous, entraîna celle d’y attacher des honneurs, et dès
lors fut exilée de la terre l’égalité qui faisait notre plus bel ornement, mais
qui ne pouvait survivre à notre sagesse.
Dans
son Instruction pastorale sur les sources
de l’incrédulité et les fondements de la foi de 1776, MALVIN de MONTAZET
reprend ses discours antérieurs devant les Assemblées du clergé. Il décrit la
situation de son temps et se livre à une longue catéchèse de type apologétique.
Il conclut sur la nécessité de se tenir à l’écart des nouvelles théories (des
libres-penseurs) et de dialoguer avec les adversaires de la foi chrétienne pour
les convaincre.
Aujourd’hui l’irréligion est la plaie de tous les états, de
tous les sexes et de tous les âges ; elle marche la tête levée ; elle
empoisonne toutes les Sciences, jusqu’à celles qui lui sont le plus étrangères.
La Presse infidèles trompe tous les jours la vigilance des Magistrats ; et
dans ce déluge d’Ecrits frivoles qui, depuis quarante ans, ont inondé la
République des Lettres, il en est peu où la Religion n’ait eu à essuyer quelque
censure ou quelque mépris. Dans les conversations et les cercles, elle n’est
pas plus respectée. Les traits les plus piquants et les plus applaudis sont
ceux qui la déchirent. Ce qu’on appelle un Bel-Esprit, ou un homme à la mode,
ne manque guère d’en faire le sujet de ses railleries et la ressource de sa
médiocrité.
(…)
Ce ne sont donc ni les progrès de la raison, ni les
connaissances nouvellement acquises, qui ont produit l’Incrédulité. L’abus
qu’on a fait de ces dons de Dieu, y a contribué sans doute ; mais c’est
surtout en favorisant, et en développant le germe de la corruption que les
hommes portent dans leur cœur. Jamais la fausse Philosophie n’eût réussi à
obscurcir à leurs yeux les principes lumineux sur lesquels la foi est appuyée,
si les passions, d’intelligence avec elle, n’y eussent employé des charmes plus
efficaces, que ses vains raisonnements.
(…)
Ce que la Religion demande de vous, et ce que nous vous
demandons avec elle, par le tendre intérêt que nous prenons à votre
salut : c’est de ne pas vous laisser éblouir par les fausses lueurs d’une
Philosophie anti-Chrétienne.
La liturgie
Le
rituel que MALVIN de MONTAZET publie est précédé d’une liste des évêques de
Lyon. Il comporte de nombreuses notices couvrant la quasi-totalité de
l’activité sacramentaire et liturgique (sacrements et sacramentaux). Dom
GUERANGER, abbé de Solesmes, juge sévèrement sa réforme liturgique dans ses Institutions
liturgiques :
Mais les innovations
dont nous venons de parler n'offraient rien d'aussi lamentable que celle qui,
en 1776, désola la sainte Église de Lyon, premier siège des Gaules. Depuis
lors, on peut dire qu'elle a perdu son antique beauté, veuve à la fois des
cantiques apostoliques de son Irénée et des mélodies grégoriennes que
Charlemagne lui imposa ; n'ayant plus rien à montrer au pèlerin qu’attire
encore le souvenir de sa gloire, hors le spectacle toujours imposant des rites
célèbres qu'elle pratique dans la solennité du sacrifice. La splendeur
orientale de ces rites suffirait, sans doute encore, à ravir le voyageur
catholique, si, par le plus cruel contraste, il ne se trouvait tout à coup
arraché à l'illusion par le bruit de ces paroles nouvelles, par le fracas de
ces chants modernes, et inconnus aux voûtes de l'auguste primatiale des Gaules,
jusqu'au jour où elle vit Antoine Malvin de Montazet s'asseoir, et avec lui l'hérésie, au centre de son
abside. Le chapitre insigne de la primatiale, qui avait souffert, sans
réclamation, que Charles de Rochebonne, en 1737,
portât la main sur l'antique bréviaire, accepta, par acte capitulaire du 13
novembre 1776, la substitution de la Liturgie parisienne à celle de Lyon,
dernier débris de nos saintes traditions gallicanes. Il humilia ainsi l'église
de Lyon devant celle de Paris, comme celle de Paris s'était humiliée devant
Vigier et Mésenguy. Les cérémonies restèrent, nous en
convenons, mais la parole avait disparu, la parole qui devait rester, quand
bien même les rites extérieurs eussent subi quelques altérations. Donc, les
yeux du peuple n'y perdirent rien ; mais les chanoines y gagnèrent de réciter
désormais un bréviaire plus
court ; les chantres ne furent pas contraints d'exécuter par
cœur des mélodies séculaires ; tous leurs efforts tendirent désormais à déchiffrer
les nouveaux chants, si pauvres, si vides d'expression. Ainsi fut changée la
face de cette église qui se glorifiait autrefois de ne pas connaître les
nouveautés.
Mais il était écrit que la déviation serait universelle, parce que de toutes
parts on avait dédaigné la règle de tradition.
Cependant, comme
toujours, une opposition courageuse, quoique faible, se manifesta. Une minorité
dans le chapitre primatial fit entendre ses réclamations. On vit même paraître
un écrit intitulé : Motifs de ne point admettre la nouvelle
Liturgie de M. l’Archevêque de Lyon. Mais bientôt le Parlement de Paris, fier
de ses succès dans l'affaire du Bréviaire de Vigier et Mésenguy,
condamna le livre au feu, par un arrêt du 7 février 1777, et après la sentence
de ce tribunal laïque, mais juge en dernier ressort sur les questions
liturgiques dans l'Église de France, le silence se fit partout. On accepta sans
réplique les bréviaires et missels de l'archevêque Montazet,
lequel, pour compléter son œuvre, faisait élaborer, à l'usage de son séminaire,
une théologie qui est restée au nombre des plus dangereuses productions de
l'hérésie du XVIII° siècle.
Ce n'est peint dans ce
rapide coup d'œil sur l'histoire générale des formes de l'office divin, que
nous pouvons nous arrêter en détail sur ce que les nouveaux livres lyonnais
présentaient d'offensant pour les traditions de la Liturgie catholique et de la
Liturgie lyonnaise en particulier. L'occasion ne s'en présentera que trop
souvent ailleurs. Nous ne citerons donc ici qu'un seul fait : c'est la
suppression d'un des plus magnifiques cantiques de l'Église gallicane, d'un
cantique qui ne se trouvait plus que dans la Liturgie lyonnaise, et que Montazet en a chassé, pour le remplacer par un fade mélange
de textes bibliques. Or, voici les paroles pleines de suavité et de majesté par
lesquelles l'antique Église des Gaules conviait les fidèles au festin de
l'Agneau, dans sa solennité de Pâques, paroles revêtues d'un chant dont la
sublimité avait frappé l'abbé Lebeuf. Cette antienne
se chantait pendant la communion du peuple, et semblait la grande voix de
l'hiérophanie appelant les élus à venir se plonger dans les profondeurs du
mystère.
Venite, populi, ad sacrum et immortale mysterium, et libamen agendum cum timore et fide.
Accedamus manibus
mundis,
Pœnitentiœ munus
communicemus;
Quoniam Agnus Dei propter nos
Patri Sacrificium
propositum est.
Ipsum solum adoremus,
Ipsum glorificemus,
Cum angelis
clamantes :
Alleluia.
Voici maintenant ce que
l'Église de Lyon chante aujourd'hui :
Gustate et videte
quoniam suavis est Dominus ;
properate et comedite,
et vivet anima vestra :
hic est panis
qui de cœlo descendit,
et dat
vitam mundo : confortetur
cor vestrum,
omnes qui speratis
in Domino : cantate ei canticum
novum :
bene psallite
ei in vociferatione, alleluia
Ps. XXXIII. Is. LIV. Joan. VI. Ps. XXX. Ps. XXXII.
Nous transcrivons
fidèlement, y compris les indications des sources à l'aide desquelles les
faiseurs au service de Montazet ont bâti ce centon
décousu. Voilà ce qu'on faisait alors de la tradition et de la poésie ; voilà
le zèle avec lequel ces soi-disant gallicans traitaient les débris de la
Liturgie de saint Irénée et de saint Hilaire. On voit, au reste, qu'ils ont eu
quelque velléité d'imiter l'ancien cantique, ne serait-ce qu'en cherchant un
rapprochement quelconque entre les dernières paroles de l'hymne gallicane : Cum Angelis
clamantes : Alleluia, et ces mots : Bene psallite ei in vociferatione, alleluia.
Voilà assurément de la mélodie janséniste : Psallite ei in ; et le vociferatione n'est-il pas ici d'un grand effet, et
surtout d'une grande justesse ?
(II. ch
23 pp.509-512)
DOCUMENTS
- MALVIN de MONTAZET
Antoine de, 1757, Discours
d’accueil à l’Académie française
- MALVIN de MONTAZET
Antoine de, 1776, Instruction
pastorale sur les sources de l’incrédulité et les fondements de la foi
- Rituel
du Diocèse de Lyon imprimé par l’autorité de Monseigneur Antoine de Malvin de Montazet, Archevêque et
Comte de Lyon, Primat de France, 1788, tome 1.
- PLUQUET F.A.,
CLARIS J.J., MIGNE J.P., 1847, Dictionnaires
des hérésies, des erreurs et des schismes, in Encyclopédie théologique, XI. (MIGNE (éd.)
- Dom GUERANGER,
1878, Institutions
liturgiques, 2ème éd.
- HOURS Henri, 1983, Une
Chrétienté en question (1740-1789), in GADILLE J. (dir.),
Le Diocèse de Lyon, pp.132-189
- EL HAJJE-KERVERAN
Nicole, 1985, Sociologie
du clergé forézien (XVIIe-XVIIIe siècles),
Histoire, économie et société, 4/4
g.decourt