Antiqua Leidradi Schola
La
Maîtrise de la Primatiale (…) remonte en effet à l'évêque Leidrade qui, dans son rapport à Charlemagne, rend compte qu'il a créé
des écoles de chant afin d'assurer le service du chœur qu'il avait restauré à Lyon en y introduisant, avec l'aide
d'un clerc de Metz, la liturgie de la chapelle impériale.
Durant
des siècles, nous connaissons l'existence de l'école, mais guère davantage : tout
au plus savons nous, par les statuts capitulaires de 1175, qu'elle comptait dix
enfants, qui logeaient séparément chez les chanoines et les chapelains
perpétuels, se réunissant pour l'enseignement et les exercices communs.
Nos
connaissances s'éclairent et se précisent au XIVe siècle. En 1352, les clergeons sont douze, vivant en commun sous l'autorité
d'un prêtre, supérieur de la petite communauté, et de deux maîtres pour la
« grammaire » et le chant. En 1394, la « dapiférie », ou
réfectoire du chapitre, fut affectée à leur logement et devint Manécanterie, du
nom du maître de chant ou « manécantant » (celui qui chante la messe
matinière). Les douze clergeons titulaires, ou « incorporés » étaient
assistés au chœur de douze « externes », qui convoitaient une place
libre. Tous aspiraient à prendre un jour rang parmi les
« chapelains perpétuels », ces prêtres qui assuraient, à côté des chanoines, la continuité et la
qualité de la célébration liturgique au chœur de la cathédrale.
Les
clergeons provenaient de Lyon comme de la campagne et sortaient de tous les
milieux sociaux, leur admission ne se faisait qu'après un examen solennel sous
le contrôle direct du chapitre. L'encadrement resta le même pendant des
siècles. Le « sous-maître » du chapitre dirigeait la maison. Le
manécantant avait le rôle principal : former les enfants au chant et leur faire
tout apprendre, en une cathédrale où l'on chantait par cœur et où, jusqu'au
XIXe siècle, il n'y eut pas d'orgues. Le règlement précisait qu'il devait
« traiter les clergeons avec douceur ». Enfin, le « maître de
grammaire » enseignait les matières profanes, langue et calcul, mais
souvent les enfants allaient compléter leur instruction dans les écoles de la
ville.
Le
service du chœur était lourd. Chaque jour, messe de communauté des petits
clercs : la « messe de la croix », sur le jubé. Après quoi, messe
capitulaire ; ils y avaient leurs places, comme lors de tous les offices
auxquels ils participaient en corps, debout devant les deux rangs de stalles
occupés par les chanoines et les perpétuels. Des clergeons étaient de semaine
pour la messe matinière et les offices du soir ; aux grandes fêtes, tous
prenaient part à toutes
les heures, y compris matines et laudes. Ils avaient leurs réjouissances
propres, soigneusement comptées : déjeuner de pain blanc et de jambon les 1er
janvier et 2 février, et, comme en de nombreuses autres cathédrales, le 28
décembre, jour des Innocents, était leur fête à eux. Revêtus de beaux ornements, ils occupaient, ce jour-là,
les stalles des chanoines pendant la messe solennelle et les vêpres, puis
chevauchaient jusqu'à Saint-Just, pour y vénérer les reliques des Innocents
données à cette église en 1399. Mais cette festivité, qui donnait occasion à des agitations jugées inconvenantes,
fut supprimée au XVIe siècle.
A
part ce dernier trait, et à travers les vicissitudes et les chaos inévitables
des temps, l'antique école des clergeons poursuivit sa carrière sans changement
essentiel jusqu'à la Révolution, qui balaya tout.
Après
la tourmente, en 1803, le vicaire général Courbon chargea M.Ducreux d'ouvrir un
petit pensionnat destiné à desservir le chœur de Saint-Jean, puis, en 1809, le
cardinal Fesch racheta de ses deniers la Manécanterie devenue bien national, et
l'y installa. Ainsi ressuscita « l'école de chant et de cérémonie »
de la cathédrale, que Monseigneur de Pins parvint à préserver de
l'Administration qui y voyait un collège déguisé. Se développant, et étouffant
dans ses murs étroits, elle put, en 1844, traverser la place et occuper l'hôtel
de Chevrières. En 1868, enfin, le cardinal de Bonald put attribuer à l'Antiqua
Leidradi Schola le titre et la qualité de petit
séminaire. Désormais partie intégrante du séminaire, la maîtrise avait trouvé
l'organisation qu'elle allait garder pendant un siècle, jusqu'à la disparition
du petit séminaire, en 1968, qui devait donner à M. J.F. Duchamp l'occasion de faire renaître une fois
encore, par étapes, les Petits Chanteurs de Saint-Jean. Mais « ceci est
une autre histoire »...
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 1999, n°10