card. Maurin :
vœu au Sacré-Cœur
1918
APPEL
De
SON
ÉMINENCE LE CARDINAL MAURIN
Archevêque
de Lyon et de Vienne
aux
Catholiques de son Diocèse.
Lyon, le 18
novembre 1918
Mes
bien chers Frères.
Nous
avons chanté le Te Deum de la
Victoire. Je sais qu'au cours de cette guerre, la plupart de nos généraux
catholiques aimaient à redire la parole de Jeanne d’Arc : « Nous
bataillerons, mais c'est Dieu qui nous donnera la victoire. » Oui, c'est
Dieu qui, inspirant et bénissant le génie des chefs incomparables chargés de la
conduite des opérations militaires, le dévouement et la ténacité de leurs
héroïques soldats, vient d'accomplir, par eux, de si grandes choses et de les
récompenser par la plus éclatante des victoires. Donc, actions de grâces à
Dieu, honneur aux glorieuses armées de la France et des Nations alliées !
Votre
reconnaissance, chers catholiques lyonnais, a éclaté dès la première heure.
Vous voudriez maintenant la manifester sous une forme plus tangible encore.
L'occasion
vous en sera prochainement offerte. Nous sommes presque à la veille du 8
décembre, date bien chère à vos cœurs. Avant l’horrible catastrophe, vous
aimiez, ce jour-là, à pavoiser et illuminer vos demeures, à lire les
inscriptions lumineuses brillant en lettres de feu sur la Basilique de
Fourvière élevée par vos pères à la gloire de la Vierge Marie, dans le but de
perpétuer à jamais le souvenir de leur piété filiale et de leur reconnaissance
envers la gardienne de la cité. La victoire vous invite à reprendre ces belles
traditions. Sans doute, la pénurie des matières premières, les restrictions qui
en sont la conséquence nécessaire, mettront, cette année encore, des entraves à
votre bonne volonté, à votre ardent désir de manifester avec éclat les
sentiments qui débordent de votre âme. Mais, je n'en doute pas, vous saurez
vous ingénier, élever votre zèle à la hauteur du bienfait que nous avons reçu.
J'aime à croire que les Pouvoirs publics et les Compagnies du gaz et de
l’électricité vous donneront toutes facilités en cette circonstance si heureuse
pour votre bien-aimée patrie.
Comme
autrefois les apôtres, mes bien chers frères, nous avons, à l'heure de la
tribulation, persévéré dans la prière en union avec Marie, la mère de Jésus.
Nous avons demandé à cette bonne Mère de sauver la France. Elle nous a montré
le cœur aimant de son Fils. « Là, nous a-t-elle dit, est l’espoir, là
est le salut. » Nous nous sommes réfugiés dans cœur du bon Maître. La fête
de ce divin Cœur a été célébrée, cette année, comme jamais elle ne le fut.
Jamais, n'est-il pas vrai, je vous le demande à vous, mes bien chers frères,
qui en fûtes les heureux témoins, ne s’effacera de notre mémoire le souvenir du
spectacle si beau et si consolant qui se déroula sous nos yeux, sur la sainte
colline de Fourvière. En votre nom, sous l’inspiration de notre bonne Mère du
ciel, j'ai alors solennellement promis d'ériger à la gloire du Sacré Cœur de
Jésus une église votive si, par Lui, nous obtenions la victoire. Cette
victoire, mes bien chers frères, nous l’avons eue et combien éclatante. Depuis
la fête du Sacré-Cœur, nous n'avons plus connu de revers, nos troupes sont
allées de succès en succès. L’ennemi est terrassé, l’empire de la force est
détruit, la cause de la justice et du droit triomphe. C'est l’œuvre du
Sacré-Cœur de Jésus, œuvre de restauration et de salut à laquelle ce divin Cœur,
qui aime les Francs, a daigné associer nos glorieux soldats. Vive à jamais le
Sacré Cœur ! Vive notre chère et magnifique armée!
Notre
vœu ayant été exaucé, mes bien chers frères, nous avons l'obligation de le
tenir. Je viens, à cet effet, de nommer une Commission chargée de veiller à la
réalisation de la promesse.
Mais
où sera construite la future église votive du Sacré-Cœur ? Je veux en cela
reprendre l'idée de mon éminent prédécesseur. « Fourvière, disait le
cardinal Sevin, est sur la hauteur et domine la ville. Le Montmartre lyonnais
sera dans la plaine. Jésus aimait à parcourir les bourgades et les campagnes de
la Judée et de la Galilée, il allait de préférence aux humbles et le plus
souvent il s’adressait aux foules. « Misereor
super turbam » L’Eglise du Sacré-Cœur doit être en plein centre
populeux. »
Le
peuple est bon, mes frères. Des hommes pervers cherchent à l’égarer, ils sèment
l'ivraie dans le champ du père de famille, semons le bon grain, montrons aux
foules la douce image du Sacré-Cœur aimant de Jésus et ce Cœur, élevé de terre,
attirera tout à lui. J'ai fait du retour à Dieu des classes laborieuses qui
m'ont été confiées le but premier de mon épiscopat.
L'emplacement
choisi se trouve au centre du quartier de Sainte-Anne. Le monument, j'en ai
pour garants la piété et la générosité de catholiques lyonnais, sera digne du
Sacré Cœur de Jésus et des grands bienfaits dont nous lui sommes redevables. Je
voudrais associer à cette œuvre le diocèse tout entier. Nous bénéficions tous,
mes frères, des miséricordieux desseins du Cœur adorable du Maître sur notre
chère France. Nous devons donc tous, au moins dans une certaine mesure,
contribuer à l’érection du sanctuaire qui perpétuera, à travers les siècles,
l’hommage et le souvenir de notre piété reconnaissante. Que chaque paroisse
apporte sa pierre.
Le
Sacré Cœur nous a sauvés, et, pour opérer cette œuvre de salut, il a choisi
comme instruments les héros morts au champ d'honneur. Leur mémoire sera
perpétuée dans l’église votive que nous nous proposons d’ériger. Une messe y
sera célébrée, chaque mois, pour le repos de leur âme. En outre, tous les
souscripteurs auront droit à ce que le nom de leurs fils, pères, frères, époux
morts pour la défense de la Patrie, soit gravé sur le marbre ou la pierre à l'intérieur
de l'édifice.
Et
maintenant, mes bien chers frères, à l’œuvre pour Dieu et pour la France !
A
ces causes, le saint nom de Dieu invoqué, Nous avons ordonné ordonnons ce qui
suit :
Article
Premier.
La
fête de l’Immaculée Conception sera, cette année célébrée dans toutes les
églises et chapelles de notre diocèse avec une particulière solennité. Nous
témoignerons ainsi à l'auguste Vierge Marie notre reconnaissance pour la
maternelle protection dont nous avons été l’objet de sa part.
Cette
fête sera précédée d’un triduum de prières. A la Basilique de Notre-Dame de
Fourvière, le triduum aura lieu, à la messe de 7 heures et demie, les jeudi,
vendredi et samedi, 5, 6 et 7 décembre. La messe du 7 sera célébrée par Nous.
Nous célébrerons également celle du 8.
Article
II.
Les
pèlerinages traditionnels à Notre-Dame de Fourvière auront lieu pour les dames
le 7, pour les hommes le 8, et pour les travailleuses le dimanche, 15.
Pour
chacun de ces pèlerinages, le cortège partira de la place Saint-Jean, à une heure
après midi. Les personnes faisant partie du cortège entreront les premières,
les autres suivront.
Si,
comme tout permet de l’espérer, l’affluence des pèlerins est considérable, il y
aura double cérémonie, à la chapelle supérieure et à la crypte.
Article
III.
Les
prières prescrites pour le temps de la guerre seront continuées jusqu'à la
signature de la paix, en vue d’obtenir les conditions les plus conformes à la
justice et les meilleures pour la sécurité et la prospérité de notre bien-aimée
patrie.
Pendant
les trois jours du triduum préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception, on
ajoutera à ces prières le chant ou la récitation des litanies de la Très Sainte
Vierge et de l'invocation trois fois répétées : O Marie, conçue sans péché, etc…
Article
IV.
A
partir du 1er dimanche de l’Avent et jusqu’à la signature de la
paix, les prêtres réciteront à la messe, en se conformant aux rubriques, la
collecte et la postcommunion pro pace.
Article
V.
Conformément
à la promesse qui a été faite par Nous, promesse que Nous avons solennellement
renouvelée à Fourvière au jour de la fête du Sacré-Cœur, une église votive du
Sacré-Cœur sera érigée à Lyon, au quartier Sainte-Anne, sur un terrain déjà
choisi et acheté.
Une
Commission, nommée par Nous à cet effet, a été chargée de l’exécution du
projet.
Les
souscriptions sont reçues au Secrétariat de l’Archevêché, aux bureaux de l’Echo de Fourvière, au siège provisoire
de la Commission, domicile de M. E. Berné, président, 23, rue Sala, et la
permanence de la Ligue des femmes Françaises, 3, place Bellecour.
Messieurs
les Curés et Madame la Présidente de la Garde d’honneur voudront bien également
nous transmettre les offrandes qui leur seront confiées à cette fin.