Dominique Meynis
Les
Grands souvenirs de l’Eglise de Lyon
1867
Avant-propos
Entre toutes les Eglises
du monde, nulle, après celle de Rome que Dieu a choisie pour être le centre de
l’unité catholique, n’a vu se refléter sur elle autant de gloire que la sainte
Eglise de Lyon ; aucune n’a eu ses premières assises cimentées par le sang
de tant de Martyrs, n’a compté parmi ses Pontifes un aussi grand nombre de
saints ; aucune, enfin, n’a, dans tous les siècles, donné de plus
magnifiques témoignages de sa piété pour la Reine des Cieux. C’est sous le
patronage de Marie que la foi du peuple de Lyon s’est conservée pure de toute
contagion de l’erreur, que la charité a enfanté des prodiges qui ont mérité à
notre ville le nom de Ville des aumônes.
Cependant cette
mémorable histoire de notre Eglise demeure, pour ainsi dire, inconnue de la
plupart de ses enfants. Ce n’est pas que des écrivains consciencieux, et
saintement jaloux de la gloire de leur Mère, ne se soient appliqués à en
retracer les diverses phases ; mais ces résultats de leurs recherches ont
été consignés dans des livres, souvent volumineux, que peu de personnes
feuillettent. Chacun de ces écrivains, ensuite, n’a conduit sa narration que
jusqu’à une certaine date ; d’autres ne se sont occupés que d’une époque,
n’ont mis en lumière que certains fragments de nos annales : ceux qui, en
très-petit nombre, les ont envisagées dans leur ensemble, ne l’ont pas fait à
un point de vue essentiellement religieux.
Réunir tout ce que
nos historiens ont écrit de plus important, faire revivre la mémoire des actes
mieux de nos pères, redire leur constance dans la foi, leur courage dans les
périls, les monuments qu’ils ont construits, les fondations qu’ils ont
faites : tel est le but que nous nous sommes proposé. C’est un ouvrage
élémentaire, en quelque sorte, sur l’histoire religieuse de notre ville, que
nous offrons à nos concitoyens. Avant de le commencer, nous nous sommes demandé
s’il serait utile ; car un livre qui ne devrait produire aucun bien,
pourquoi entreprendre de le rédiger ? autant vaudrait, pour le laboureur,
jeter dans le sillon un grain qu’il saurait ne devoir rien produire. De graves
considérations nous ont induit à penser qu’il n’en serait pas ainsi du travail
auquel nous allions donner nos soins. Quand l’hérésie s’étudie à dénaturer
l’histoire, pour en tirer des conséquences opposées à nos dogmes ou à notre
honneur religieux, ce n’est pas alors, sans soute, qu’on peut regarder comme
superflu d’opposer des relations véridiques à ses narrations mensongères ou
incomplètes. Quoi de plus propre, ensuite, à fortifier la foi, à ranimer la
ferveur dans les âmes, que les exemples de vertus que nous ont laissés nos
ancêtres ? On est bien plus fort lorsqu’on sent derrière soi de nombreuses
générations qui vous appuient ; on ne veut pas dégénérer quand on se voit,
en quelque sorte, en présence d’une telle multitude de témoins.
Nous mettons donc
sous les yeux de nos lecteurs, successivement, le tableau des principales
époques que l’Eglise de Lyon a traversées : nous redirons l’héroïsme de
ses Martyrs, les vertus de ce nombre considérable de Pontifes qui portent l’auréole
des Saints. Nous rappellerons l’éclat que firent rejaillir sur elle la réunion
de deux conciles généraux, et la présence de plusieurs Papes. Dans un temps de
disette, nous admirerons sa charité généreuse, pourvoyant aux besoins de
milliers de pauvres accourus de toutes les provinces voisines pour chercher
parmi nous des secours qui ne leur firent point défaut. Nous raconterons ses
épreuves, alors que l’hérésie renversa ses temples, détruisit ses autels,
profana les reliques sacrées ; et, quand le fléau de la peste vint exercer
ses ravages, nous ferons connaître l’admirable dévoûment de ses prêtres et
d’une grande partie de ses enfants. Aux plus beaux jours du siècle de Louis
XIV, nous applaudirons aux triomphes de notre sainte Religion catholique, dominant
toute la population de notre ville, affermissant cette simplicité de mœurs, ces
bons rapports des diverses classes sociales entre elles, sans lesquels, pour
les états, il n’est point de repos assuré. Nous dirons ensuite comment ces
sentiments de bienveillance réciproque s’affaiblirent, et comment fut amenée
cette époque d’affreuse mémoire, nommée, à juste titre, la Terreur, époque qui a laissé dans nos familles tant de lamentables
souvenirs ! Nous citerons des faits héroïques, dignes des premiers siècles
chrétiens. Le rétablissement de culte public viendra reposer nos regards
attristés du spectacle de tant d’horreurs ! Nous prendrons part à la joie
de nos pères lorsqu’ils virent les temples du seigneur se rouvrir, et qu’ils
associèrent leurs voix au chant des hymnes saints, depuis longtemps interrompu.
Un coup d’œil sur l’époque actuelle achèvera notre revue. Ainsi sera clos un
livre que, dès à présent, nous plaçons sous le patronage de la Sainte Vierge.
Aussi bien, Marie
est la grande protectrice des Lyonnais. L’image de cette Reine auguste plane
sur le berceau de notre ville, et le dernier événement mémorable de notre
histoire contemporaine est, sans contredit, le triomphe que notre population
entière lui a décerné.
C’est à ses pieds
que nous déposons notre œuvre, heureux d’avoir trouvé, avant de mourir, une
occasion de redire encore ses louanges et contribuer à faire bénir son nom.
MEYNIS Dominique,
1867, Les
Grands souvenirs de l’Eglise de Lyon, pp.VII-X