musée du diocèse de lyon

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Notre-Dame de la Roche

naissance d’un pèlerinage

 

 

N'étant pas éternelles, les traditions ont une fin, hélas, mais aussi un commencement, que l'historien prend toujours intérêt à découvrir.

 

Le pèlerinage de Notre-Dame de la Roche, aux Sauvages, trouva le sien dans le regain de vigueur que connut la dévotion mariale, et dans le caractère populaire que prit le catholicisme, au siècle dernier. En l'occurrence et plus précisément, dans la ferveur d'une pieuse fille. Une bergère, comme par hasard : dans l'histoire religieuse, bergers et bergères sont les exemples, soit de l'immoralité, soit au contraire de la prière et de la contemplation, l'un et l'autre s'expliquent sans besoin de long discours.

 

C'est en 1842, douze ans après les apparitions de la rue du Bac, quatre avant celles de la Salette, quatorze ans avant celles de Lourdes, qu'un dimanche après-midi, une jeune fille des Sauvages déposa dans le creux d'un rocher une image de la Vierge, « Notre-Dame de la Roche », devant laquelle elle vint désormais prier, espérant que d'autres la rejoindraient.

 

Elle attendit près de vingt ans. Lui vint alors l'aide décisive de l'un de ces laïcs aisés qui contribuèrent si largement à la prospérité de l'Eglise. Louis Perret n'avait pas eu une existence banale. Né dans le quartier Saint-Jean, le 14 avril 1802, fils d'un courtier de commerce, il avait fait des études approfondies mais décousues. Tandis que son frère entamait dans l'industrie chimique une carrière qui devait être brillante, notamment par la possession des mines de Sain-Bel et de Chessy, il se lança dans l'architecture, mais n'y exerça guère ses talents. Entré à dix-­neuf ans dans la Congrégation, travaillé du désir de servir l'Eglise, il hésita, jusqu'à un âge fort mûr, sur sa vocation. Tertiaire de Marie, il songea un moment à entrer chez les Maristes, dont il devait rester proche toute sa vie. Il fit même le voyage de Nouvelle-Zélande -cela lui prit trois ans et demi- pour rejoindre Mgr Pompallier, créateur de la mission mariste en Océanie, mais celui-ci n'avait pas besoin d'architecte… Il occupa ensuite quelques années d'un séjour à Rome à accumuler une abondante documentation de dessins et de relevés dans les catacombes, qu'il publia en un somptueux album de six volumes, grâce à un crédit de 200.000 F. voté par l'Assemblée Nationale en 1851. De retour à Lyon, il se consacra à nouveau au soutien d'œuvres diverses : expansion des Petites Sœurs des Pauvres, Propagation de la Foi, Œuvre de la première communion du P. Julien Eymard.

 

 


C'est en cette période qu'il s'intéressa au très humble oratoire de Notre­-Dame de la Roche. Son père, en 1831, avait acquis aux Sauvages une propriété où il résidait volontiers. Il jugea naturel de prendre à son compte la réalisation du sanctuaire dont avait naguère rêvé la bergère. Il commença par faire ériger sur le sommet une grande statue de la Vierge, en lave de Volvic, due à Fabisch, accompagnée d'un chemin de croix monumental. Le tout fut béni en grande cérémonie, le 29 septembre 1861, par Mgr de Charbonnel, ancien évêque de Toronto retiré à Lyon, que le cardinal de Bonald déléguait volontiers à sa place.

 

Puis, une chapelle abrita l'image dans sa petite grotte. Bénite le 31 août 1862, elle devint rapidement trop étroite car, de toute la montagne et des centres environnants, les pèlerins affluaient. Louis Perret fit donc construire une église, sur les plans de son ami Bossan. La bénédiction eut lieu le 18 août 1867. Enfin deux autres chapelles, consacrées à la Nativité et à Sainte Germaine de Pibrac, complétèrent ce véritable « complexe » de pèlerinage pour la desserte duquel Perret, qui décidément voyait grand, avait prévu l'installation d'une communauté religieuse et fait construire le bâtiment nécessaire, agrandi par la suite, au fil des années. Ce furent d'abord les Lazaristes qui l'occupèrent, le 4 mai 1868, mais ils se retirèrent en 1880. Perret fit alors appel aux Maristes, qui déclinèrent l'offre. Finalement, les prêtres du Prado assurèrent la relève et s'occupèrent du pèlerinage, tout en établissant dans les lieux une école, vite assimilée à un petit séminaire. Ils devaient y rester presque jusqu'à nos jours.

 

Quant à Louis Perret, mort à Lyon le 14 janvier 1882, il fut, selon sa volonté, inhumé à la Roche, dans le caveau qu'il avait préparé devant l'église. Le succès tout de suite rencontré par ce pèlerinage créé de toutes pièces montre à quel point il correspondait à l'esprit de l'époque.

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1992, n°18