Frédéric Ozanam
Lyonnais
Ozanam naquit à Milan,
le 23 avril 1813, mais, dès 1816, la famille s'établit à Lyon
que le père, bressan, connaissait bien, et où la mère était née et avait toutes
ses attaches. L'enfant s'imprégna d'abord de l'atmosphère familiale, cela va de
soi. Son père avait conservé une foi vive et agissante, à laquelle son état de médecin donnait chaque jour l'occasion d'une
pratique bienfaisante. Sa mère, dont un frère avait été fusillé sous la Terreur,
appartenait à la
Congrégation des Dames, filiale de celle des Messieurs, et à ce
titre dirigeait une section de la Société des Veilleuses, elle-même filiale des
Hospitaliers-Veilleurs. En 1822, le frère aîné, Alphonse, fut admis dans la
Congrégation des Jeunes gens. La famille était animée et vivait de l'esprit
même de la Congrégation : foi catholique intégrale et fidélité romaine, piété,
dévouement aux œuvres de charité, volonté apostolique de rechristianiser la
société après les ruines de la Révolution.
Mis au collège royal (futur
lycée Ampère), le garçon y fit d'excellentes études secondaires, tout en
acquérant un solide bagage de lectures sans cesse enrichi. D'autre part, vivant
au milieu de camarades impies, il sentit, de façon classique à cet âge, le
doute tourmenter sa foi. C'est alors qu'en octobre 1828, il commença son année
de philosophie sous l'abbé Noirot, dont il devint le disciple le plus cher et
le plus proche. Sous ce maître incomparable, ses pensées retrouvèrent
« l'ordre et la lumière ». Il lut Ballanche, dont la pensée
apologétique le marqua : l'histoire de l'humanité est une histoire cohérente,
une histoire religieuse, et l'époque moderne verra l'Europe renaître de ses
ruines, régénérée par la redécouverte de la vérité chrétienne. Ce fut encore
Noirot qui l'incita à écrire
sur divers sujets, si bien qu'en 1831, il eut l'audace de publier, avec un bon
succès d'estime, une réfutation du saint-simonisme, dont le mouvement
commençait de prendre pied à Lyon. Il avait dix-huit ans, sa vocation d'apostolat intellectuel
était née, pour ne plus jamais le quitter.
A la fin de l'année 1831, il partit pour Paris faire son
droit, et fut introduit chez A.M. Ampère, qui lui offrit aussitôt de le prendre
en pension : occasion inespérée d'un commerce intellectuel et spirituel
quotidien, pendant deux ans, avec l'un des esprits lès plus profonds et les
plus chrétiens du temps, figure emblématique de « l'école mystique »
de Lyon. Pour confesseur il eut l'abbé Marduel, prêtre
lyonnais installé à Paris,
vers qui l'envoya son frère Alphonse. Enfin, il retrouvait plusieurs bons amis
de Lyon, naviguant dans les mêmes eaux que lui, venus également faire leurs
études.
Autant il serait stupide de
vouloir minimiser l'importance des relations faites à Paris
par Ozanam, et sous l'influence desquelles il acheva de se former, autant il le
serait d'oublier que le jeune étudiant de vingt ans, d'une maturité
remarquable, même pour son temps, qui,
après moins de deux années passées dans la capitale, fut en 1833, guidé et conseillé par des
aînés restés discrets (l'abbé Lacordaire, Emmanuel Bailly), le principal
artisan de la création des Conférences Saint-Vincent de Paul et de
l'institution des conférences de Notre-Dame, ne pouvait agir que par une longue
préparation à l'apostolat
social et intellectuel, réalisée à Lyon et en milieu lyonnais.
Docteur en droit en 1836, il revint à Lyon, où il patronna la
fondation de la conférence locale Saint-Vincent de Paul, et où il rejoignit son
frère Alphonse à la
Congrégation des Messieurs. Il s'inscrivit au barreau, plaida un peu, et occupa
une chaire de droit commercial créée par la municipalité. Mais
ses aspirations le portaient ailleurs: il soutint, en 1839, une thèse de
doctorat sur Dante et la philosophie chrétienne ; l'année suivante, il
passa brillamment le premier concours d'agrégation, et obtint en Sorbonne un
enseignement de littérature étrangère (il pratiquait quatre langues). Quand il
eut épousé, en 1841, Amélie Soulacroix, fille du recteur de l'Académie de Lyon,
le ménage s'installa à Paris.
Dès lors, sa vie échappa à Lyon.
Et pourtant, en 1852, un an
avant sa mort prématurée, il confiait à un ami : « Je tiens par
les entrailles du cœur à ce
pauvre Lyon ... Voici dix ans que je suis paroissien de Saint-Sulpice, et je
m'y sens toujours étranger ».
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 1997, n°15