Bernard Perrin
(1921-1944)
On sait
qu'une cause est introduite à Rome pour la béatification de quarante-trois
prêtres et militants d'Action catholique qui, en 1943, partirent volontairement en Allemagne, afin
d'accompagner et soutenir les jeunes des classes 40 à 42 frappées par le
Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). Bernard Perrin, scout lyonnais, né à Lyon le 20 février 1921, fut l'un d'eux.
En une note
aussi brève, force est de s'en tenir à l'essentiel. Mais on peut espérer qu'un
jour sera écrite cette vie : première jeunesse, au sein d'une famille où il apprit à vivre sa foi sérieusement, dans la joie et la
charité ; études ; initiations aux problèmes sociaux avec les Equipes Sociales ; scoutisme. Le 15 août
1942, lors du grand pèlerinage
routier au Puy, il prit conscience d'une façon définitive d'une vocation
sacerdotale dont les prémices venaient de loin. Dès lors, sa vie n'allait être qu'une préparation à la prêtrise.
D'abord, aux Chantiers de la Jeunesse, où il fut appelé dès le mois de septembre.
Chef d'équipe, il découvrit la pauvreté morale et spirituelle du grand nombre.
Education, formation intellectuelle, foi, vocation personnelle, tout lui
donnait à l'égard de
ses hommes une responsabilité évidente. Vint le moment où elle s'imposa à lui. L'obligation du S.T.O. atteignait les
jeunes de son Chantier. Il eût pu sans peine s'y soustraire mais, conseil pris, il décida de partir avec eux.
Cette décision, que des centaines prirent comme lui, beaucoup ne l'ont pas comprise, ou n'ont pas voulu la comprendre. Nous
touchons là à l'essentiel, au cœur de cette vie, de cette vocation, qui se noua dans les derniers jours de mai
1943, comme il l'écrivit à son père,
le 29 mai :
(…) Quel privilège formidable, royal, de pouvoir garder en nous la Paix et la Joie,
au milieu de ce chaos de guerre et de souffrance! Alleluia
! (Nous avons Dieu pour nous). Réjouissons-nous car un compte est tenu dans le ciel. Et
penchons-nous sur l'immense détresse de nos frères déchirés par une vaine
souffrance. Je vois
ceux qui sont partis hier, beaucoup
sans avoir embrassé les leurs, sans bagages, sans argent, assommés par la
nouvelle, sans
courage, sans réserves morales ni
spirituelles, livrés à l'épreuve pieds et poings liés. Et ce n'est qu'un
commencement. Il y a de quoi rendre fou. Certains ne l'ont pas compris, qui ne sont pas rentrés au jour dit.
Si d'autres
ne comprenaient pas ma décision, dites-leur bien ma conviction :
La déportation dont
nous sommes les victimes est un acte de barbarie. C'est pour en limiter de
toutes mes forces la portée que je pars. C'est pour lutter au milieu de mes
camarades ouvriers, premiers frappés, pour l'Idéal chrétien et pour la France,
contre le paganisme sauvage de l'Allemagne. C'est pour aider de mon mieux, en
toutes circonstances, mes frères désarmés.
Ceux qui peuvent se
soustraire au Service du Travail avec la certitude absolue de n'occasionner le
départ d'aucun autre à leur place sont parfaitement libres de le faire. C'est
bien.
Je sais ce que je
fais...
Il partit
trois jours après, le 1er juin.
Orientée
par le choix décisif, la vie de Bernard Perrin se poursuivit dès lors, droite,
dans l'ascension spirituelle, jusqu'au terme prévisible. Le biographe devra
raconter l'existence de cette mission clandestine, près de Leipzig : militants
groupés autour de l'abbé Jacques Vergès, au service des corps et des âmes, dans une charité parfois héroïque,
parmi les travailleurs français ; répression de plus en plus serrée, par la
Gestapo, de « l'activité catholique française », selon les propres
termes de la police allemande ; arrestation du groupe, internement en prison
puis, pour beaucoup, au camp de Mauthausen et enfui à celui de Gusen, véritable camp d'extermination. C'est là que, le 29
avril 1945. Bernard Perrin mourut du délabrement physique provoqué par les
affreuses conditions de détention.
Marcel
Calle, récemment béatifié, avait dit : « Je ne pars pas en travailleur, mais en missionnaire ». C'est bien
ainsi qu'était parti Bernard Perrin, dans l'esprit des missionnaires du XIXe
siècle, aux yeux desquels le martyre était compris dans leur vocation.
Henri
HOURS
Eglise à Lyon, 1993, n°13