musée du diocèse de lyon

Entrée

Pie VII à Lyon

 

 

Les séjours de Pie VII à Lyon, à l'aller et au retour de son voyage à Paris pour le sacre impérial de Napoléon, sont bien connus. Arrivé de Rome le 19 novembre 1804 dans l'après-midi, il fut accueilli dans la cathédrale comble par le peuple des paroisses, pour une bénédiction du Saint Sacrement donnée par le cardinal FESCH ; puis, il reçut à l'archevêché l'hommage des diverses autorités. Le lendemain, après une messe solennelle à Saint Jean, il bénit la foule massée à Bellecour, du balcon de la maison Henry (au n°3) ; l'après-midi se passa, à l'archevêché, à recevoir corps constitués, députations, et personnes innombrables. Il quitta Lyon le 21, au petit matin.

 

Au retour, il s'arrêta du 16 au 20 avril 1805. A nouveau, cérémonies dans la cathédrale pleine, foules se pressant sur son passage ou pour recevoir sa bénédiction, réceptions interminables des corps constitués et des personnes qui tenaient à l'approcher. Une promenade en barque jusqu'à l'Ile Barbe lui procura quelque repos. Un moment important fut celui du rétablissement du culte, par le pape lui-même, dans la chapelle de Fourvière que le cardinal FESCH avait réussi à rouvrir enfin aux fidèles.

 

Personne n'avait prévu cet empressement, ni cet enthousiasme, personne n'avait pensé que le peuple fidèle pût s'associer à l'événement. Ce furent les jeunes gens de la célèbre Congrégation qui firent le tour des paroisses, et décidèrent les curés à mobiliser leurs ouailles et à les conduire à Saint-Jean. Leur succès inespéré révéla le travail secret qui se faisait dans les consciences depuis quelques années.

 

Car ce ne fut pas un feu de paille. Tout se passe comme si le voyage du pape, où Napoléon et beaucoup avec lui ne voyaient au départ qu'une manœuvre sur l'échiquier impérial, produisit en fait dans l'âme des catholiques un ébranlement en profondeur. Jusque là, et de temps immémorial (les souvenirs du Moyen-âge étaient loin), le peuple fidèle pensait peu au pape. Durant l'ancien régime, la puissante organisation du Clergé de France, tenue en bride par un pouvoir royal sourcilleux, s'interposait en écran infranchissable.

 

Dans le désarroi de la destruction révolutionnaire, tout s'effondrant, le personnage lointain et inconnu était devenu le roc sur lequel avaient pu prendre appui évêques protestataires, missionnaires clandestins, et finalement chrétiens tenaces. De façon souvent confuse et parfois même, sans doute, inconsciente : il était si loin. Mais en ces jours, enfin, on le voyait, on l'entendait, on le touchait. Par sa seule présence, il cautionnait et justifiait la résistance spirituelle dont Lyon et tout le diocèse avaient donné un exemple nulle part égalé au temps de la persécution, et dont la ville se préparait à être encore, dans les années suivantes, un foyer, contre les prétentions impériales de soumettre le pape et l'Eglise au service de l'état.

 

Sur Pierre est bâtie l'Eglise : sa simple présence élargit au monde entier les horizons du catholicisme local. Lyon allait en faire l'expérience. Rien d'étonnant si, chez les enfants qui avaient vu le pape et entendaient parler de ses épreuves, la vocation sacerdotale franchit souvent les frontières du diocèse. Il est impossible de ne pas voir ici l'une des causes qui firent de Lyon, au siècle dernier, l'un des grands diocèses missionnaires, peut-être le premier, du monde catholique.

 

Cet élan s'enracina dès l'origine dans le culte marial restauré. Le pèlerinage à la Vierge de Fourvière, au sanctuaire de laquelle était désormais lié le souvenir de Pie VII, devint la consécration ordinaire de toute vocation lyonnaise, missionnaire ou non.

 

Elan missionnaire, dévotion mariale, fidélité au pape : ce n'était certainement pas là tout le catholicisme, mais trois de ses aspects majeurs qui retentirent sur les autres pendant un siècle et demi. Sans doute n'eussent-ils pas pris à Lyon une telle importance, sans le double passage de Pie VII, instant bref mais intense, dont l'effet se fit sentir bien après qu'il fût sorti de la mémoire consciente.

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1996, n°6