Jean
Baptiste Pompallier
1801-1871
Jean-Baptiste POMPALLIER naît à Lyon en 1801. Quelques
mois après sa naissance son père décède.
En 1816, sa mère et
son beau-père s’installent à Vourles.
C’est après avoir
travaillé, entre autres dans l’entreprise familiale, qu’en 1826 il entre au
Séminaire Saint-Irénée.
En
1829 il est ordonné prêtre par Mgr Des PINS, administrateur apostolique du
diocèse.
Proche
de la Société de Marie qui vient d’être fondée, en 1832 il est aumônier du
Tiers-Ordre de Marie.
En
juin 1836, il est ordonné évêque à Rome pour
devenir Vicaire apostolique de l’Océanie occidentale :
la mission en Océanie est confiée aux Maristes par la
Congrégation De Propaganda
Fidei.
Le 24 septembre 1836 il ne fait pas partie de ceux qui prononcent
des vœux au sein de la Société de Marie que Rome vient tout juste de
reconnaître. Ce jour-là Jean
Claude COLIN est élu supérieur général.
En
décembre 1836 il part avec sept autres maristes désignés par leur supérieur
général. Il laisse Pierre CHANEL à Futuna, Pierre BATAILLON à Wallis.
En janvier 1838 il
accoste en Nouvelle Zélande et va bientôt s’installer à Kororareka,
aujourd’hui Russel, dans la Baie des Iles (Hokianga Bay), en face de
la colonie anglaise, avec ses missions anglicanes et méthodistes.
Le 29 juin 1938 il prêche pour la première fois en maori.
Rapidement il gagne l’estime des Maoris.
En 1839 il achète
une modeste maison à Russel où Louis PERRET, laïc mariste de Lyon, construit
imprimerie et tannerie. Il achète aussi un bateau, le Sancta Maria, avec lequel il visite son très vaste diocèse.
En
1840, dans le conflit qui oppose Anglais et Maoris il obtient la liberté
religieuse pour les Maoris catholiques.
En 1841 des tensions naissent au sein des
Maristes : conflit d’autorité sur les Maristes avec le supérieur général,
divergences sur la conception de l’évangélisation, contestation de ses
nominations de missionnaires, critique de sa gestion financière…
En 1845, la guerre éclate entre Maoris et Anglais qui
se réfugient à Auckland. Les maristes, français, restent auprès des Maoris.
En 1846, il est à Rome pour expliquer ses orientations
pastorales. Un nouveau vicariat de l’Océanie centrale est alors créé, confié à
Pierre BATAILLON, avec les îles Wallis, Futuna, Fiji, Tonga, Samoa, la
Nouvelle-Calédonie…
En 1848 deux diocèses sont créés en Nouvelle
Zélande : l’un à Auckland pour lui avec le titre d’administrateur
apostolique, l’autre à Wellington pour son coadjuteur.
En 1851 il se fait
naturalisé anglais.
En 1856, après le Sancta Maria, la propriété de Russel doit être vendue.
En 1860 il est
nommé évêque d’Aukland. A cette date-là arrive
Suzanne AUBERT qu’il a rencontrée l’année précédente à Lyon.
En 1868, pour des
raisons de santé et de dissensions avec d’autres responsables des missions, il
démissionne : il est nommé archevêque d’Amasie
(le même titre que Mgr Des PINS).
En 1869 il vit chez
sa nièce à Puteaux où il décède en 1871.
En
1997, lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris, les catholiques
maoris demandent instamment le rapatriement de son corps en Nouvelle-Zélande.
En 2002, ils obtiennent l’exhumation
de ses restes suivant les rites de l’ancêtre « spirituel », leur mise
dans un sarcophage maori ; il est peint sous des traits maoris et
tatoué ; après une cérémonie à Notre-Dame de Paris, le convoi funéraire
part pour Toulon ; l’escorte fait halte à La Neylière.
Au nord de la Nouvelle-Zélande, Epikopo passe d’une tribu à l’autre ; ce sont
veillées des nuits durant, chants et danses traditionnels, transport en pirogue
avec en proue une immense image de l’évêque portée par les jeunes ; puis
il est enterré parmi les chefs maoris. « Epikopo
repose ainsi parmi ses enfants », disent les Maoris du XXIe siècle.
(site mariste)
Mgr
POMPALLIER est inhumé à Motuti (Hokianga Bay),
devenu lieu de pèlerinage.
Orientations pastorales de Mgr
POMPALLIER en Nouvelle Zélande
Mgr POMPALLIER, dans une Nouvelle Zélande où depuis un quart de
siècle vivaient des Anglais de confession anglicane ou méthodiste (wesleyenne), se démarque des pasteurs par son attitude (il
n’était pas assimilé aux colons) et son mode de vie (le célibat est inconnu
dans la culture maori).
En 1838 il écrit au Directeur des Colonies pour lui rendre compte
de son voyage et préciser son objectif : « quant aux missionnaires, ils ne peuvent nullement s’occuper de
politique ; leur objet est de porter la foi catholique et de procurer le
salut des âmes » (FAIVRE, p. 403).
En 1840, lors de la cérémonie du traité
de Waitangi, par lequel la Nouvelle Zélande entre
dans l’Empire britannique, une fois obtenue la liberté religieuse pour les
Maoris, il se retire pour ne pas être témoin de la signature du traité.
Mgr POMPALLIER va se faire maori parmi les Maoris. Il rend visite aux communautés de son immense diocèse ; il traduit les prières
catholiques en maori ; il les diffuse avec des chants « simples à portée doctrinale » grâce
à son imprimerie. Il sait se faire accepter.
Ainsi à un chef maori lui souhaitant la
bienvenue, il répond : « Tu sais
combien je t'aime, puisque pour toi et ton peuple, j'ai quitté ma famille et
mon pays ». En
1838 à des Maoris méthodistes venus le menacer, il déclare :
Nous avons quitté nos parents, nos amis, notre patrie
en Europe, pour venir à la Nouvelle-Zélande. Nous n'avons en vue que de faire
le bien, en vous laissant, aux chefs et au peuple, votre autorité et tout ce
qui vous appartient. Nous sommes les ministres du vrai Dieu et de son Eglise.
Nous venons instruire les peuples qui voudraient nous écouter, et laisser en
paix ceux qui ne voudraient point de notre doctrine. Nous ne sommes nullement
venus pour amasser des biens de ce monde, mais pour donner ceux du ciel. Enfin,
nous n'avons ni femmes, ni enfants, et nos cœurs et nos corps sont consacrés à
Dieu, pour n'avoir d'autre sollicitude que celle de son service et du salut des
peuples.
(in ESSERTEL, p.85)
Mgr POMPALLIER sait respecter la culture
maorie pour faire comprendre et accepter la foi chrétienne.
Rien n'était plus expédient pour la mission que d'aller
en commencer les travaux par l'étude des langues. (…) Il est important dès le début de ne pas
enseigner la Religion, ni de se faire connaître comme ayant l'intention de
changer celle du pays : on ne peut réussir dans le ministère de l'enseignement
que quand on possède suffisamment la langue des peuples. Il suffit au
commencement qu'on soit reçu chez eux en hospitalité.
(in ESSERTEL, p.92)
ESSERTEL Yannick (2008) compare sa pastorale avec celle appliquée
en Nouvelle Calédonie par Mgr Douarre en ces termes :
La pastorale de Mgr Pompallier
était réfléchie et ne procédait pas d'une improvisation au coup par coup. Le
catéchuménat s'adaptait parfaitement à un catéchisme progressif, respectueux de
la mentalité et des coutumes maories. Mgr Pompallier
laissait les Maoris progresser par une lente prise de conscience, ne voulant en
rien les bousculer et les forcer. Chacun se déterminait librement.
(pp.96-97)
C'est dans un document exceptionnel et inédit que se
trouve l'essentiel de la pensée et de la pédagogie de l'évêque. Daté du 29
janvier 1841 et comprenant 89 pages, il est intitulé « Instructions pour
les travaux de la mission ». Mgr Pompallier
jette là les bases de l'action missionnaire auprès des Maoris. Ce corpus est
destiné à l'instruction des missionnaires afin d'asseoir sur des bases
cohérentes l'évangélisation des Maoris. Nous pouvons distinguer trois volets :
des conseils de conduite pour les missionnaires à l'égard des populations à
évangéliser et de leurs coutumes, un exposé sur la manière de catéchiser les
Maoris, et pour finir, une réfutation du protestantisme. L'essentiel réside
dans son approche de l'âme maorie. L'évêque propose une démarche pastorale
progressive pour amener les Maoris au christianisme. Il faut respecter le plus
possible la fierté et la dignité des Maoris. Tout ce qui relève des relations
et des aspects matériels doit s'insérer parfaitement dans la culture et les
coutumes locales. Il ne s'agit pas d'une tactique, mais bien d'une pédagogie
construite à partir d'une expérience de trois ans entre janvier 1838 et janvier
1841. La prudence et le discernement doivent être appliqués à tout ce qui
relève des us et coutumes et des croyances :
« Leur faire quitter leurs superstitions par la
persuasion et successivement, mais après avoir bien étudié leurs usages et
comparé que telle ou telle de leurs pratiques est vraiment
superstitieuse. »
Surtout, Mgr Pompallier
demande au missionnaire de ne pas faire de remarque dans les débuts, de fermer
les yeux sur certaines pratiques et même de ne pas répondre aux questions, de
ne pas commettre d'erreur et de ne pas choquer les Maoris. Simplement
répondre :
« que dans la suite ils
comprendront tout ce qui est vrai, tout ce qui est bon… Dire aussi quelquefois
que nous examinerons bien leurs coutumes et quand nous les comprendrons
parfaitement alors nous leur dirons ce qui est bien ou ce qui est mal ».
Après les conseils de prudence à l'égard des mœurs et
de la manière de les aborder, Mgr Pompallier propose
un catéchisme progressif pour leur faire assimiler les mystères catholiques et les
données de la Foi. Pour le baptême des adultes il suggère de leur apprendre
quelques « Vérités religieuses élémentaires » qui se composent des
éléments suivants : l'unité de Dieu en trois personnes, la spiritualité et
l'infinité de Dieu. Toutes les étapes sont soigneusement décrites avec des
exemples ou des conseils de présentation très pédagogiques. Il passe en revue
les principaux dogmes, les Commandements, les Sacrements, les questions de
morale. Sur ce dernier point, il établit une gradation pour répondre aux cas de
conscience que les Maoris se posent.
(pp.95-97)
Au-delà des personnalités, le milieu culturel semble
bien l'élément déterminant de la réussite ou des échecs rencontrés par les deux
vicaires apostoliques. Lorsque Mgr Pompallier
débarque en Nouvelle-Zélande, il y trouve des appuis et un peuple qui connaît
les Blancs, qui échange avec eux. L'antériorité de la présence protestante,
même si nombre de pasteurs sont malveillants, est loin de leur avoir nui. La
comparaison par les Maoris entre la méthode d'européanisation des méthodistes
et l'acculturation catholique a joué en faveur de l'évêque. En
Nouvelle-Calédonie le milieu était vierge de présence européenne. Le Blanc n'y
est pas connu à quelques exceptions près. Or, quelle que soit la situation,
dans les deux cas il s'est produit un choc culturel aux conséquences
radicalement différentes.
En Nouvelle-Calédonie, le choc culturel a été
extrêmement violent et a quasiment bloqué le processus d'acculturation. Les
missionnaires ont été assimilés aux âmes des ancêtres venant du ciel. Ensuite,
la pratique du baptême a pris une signification ambivalente : il empêche la
mort ou la provoque. C'est cette dernière interprétation qui a pris le dessus
en raison des baptêmes administrés « in articulo
mortis » ou durant les épidémies. Les
missionnaires n'ont trouvé au début aucun élément de la cosmogonie des
Néo-Calédoniens à relier au christianisme pour faciliter la compréhension de sa
doctrine. Enfin, le choc culturel et le choc microbien ont débouché sur un
drame. Scénario connu et qui a fonctionné en Amérique latine aux
XVI° et XVI° siècle comme un piège sournois et imprévisible. En
Nouvelle-Zélande, bien des points de la religion maorie pouvaient trouver une
correspondance avec la religion des missionnaires. Mgr Pompallier
en a profité pour montrer que le christianisme venait clarifier et ordonner
leurs traditions religieuses. Autre aspect favorable, la prophétie transmise
dans la tribu de Wirinaki qui voit Mgr Pompallier comme celui annoncé. Elle crée une situation qui
offre une légitimité à l'évangélisation dès l'arrivée de l'évêque. Le célibat
sacerdotal, qui n'évoquait rien chez les Néo-Calédoniens, était une preuve pour
les Maoris de la véracité de la mission de Mgr Pompallier.
Il était devenu un Maori parmi les Maoris. Du côté de Mgr Douarre,
malgré ses efforts il n'a pu vraiment devenir un des leurs, un Canaque parmi
les Canaques. Ceci nous révèle non seulement l'importance du milieu, mais la
capacité de celui-ci à réagir négativement s'il le veut à l'évangélisation. En
Nouvelle-Zélande les chefs ont adopté le christianisme librement ; en
Nouvelle-Calédonie, du moins sous Mgr Douarre et à
part un groupe solide, la majorité l’a rejeté librement au nom de ses coutumes
ancestrales. Il devient évident qu'il existe une réelle réflexion chez les
peuples évangélisés à partir de laquelle ils évaluent, discutent de l'intérêt
d'adopter ou pas la nouvelle religion.
Mgr Douarre était perçu comme
venant contrecarrer les coutumes ancestrales alors que Mgr Pompallier
réalisait, à son insu, une prophétie. Il ne représentait pas une réelle rupture
dans la religion maorie, contrairement à Mgr Douarre
face au milieu canaque. Le malentendu s'est produit au niveau cosmogonique. Les
habitants intègrent et interprètent les missionnaires dans leur cosmogonie.
Alors, devons-nous encore parler, dans le cas de la rencontre du christianisme
et d'autres cultures, de choc culturel ? Le mot culturel comprend le religieux
et le spirituel qui forment une composante, parmi d'autres de ce choc. N'est-il
pas plus juste de parler de choc religieux ou de choc cosmogonique dans ces
deux cas précis ? C'est bien le rapport au divin qui est bouleversé, même si
celui-ci englobe un certain nombre de rites qui ont des ramifications dans la
culture.
Les pastorales d'évangélisation ont-elles
joué un rôle dans ces réussites et ces échecs ? Elles peuvent aider à résoudre
le choc culturel et/ou spirituel, mais leur rôle étant plutôt d'enraciner
l'Evangile et de bâtir une Eglise locale. Le Père Viard a de l'expérience ; sa
méthode est fondée sur la connaissance de la langue, le chant, et
l'apprentissage des prières essentielles. Les résultats restent modestes car
les missionnaires ont du mal à se faire comprendre. Et, malgré leur intention,
une pastorale adaptée a été impossible à construire car le choc
culturel/spirituel n'a pas été résolu. En revanche, c'est parce que le milieu a
été favorable, accueillant, que Mgr Pompallier a
réussi à mettre en place une pastorale adaptée, synthèse des principes de la Propaganda Fide et des doctrines paulinienne et xaviérenne.
(pp.99-101)
Ouvrages de Mgr POMPALLIER
- 1849, Notes grammaticales sur la langue maorie ou
néo-zélandaise
-
1850, Notice historique et
statistique de la mission de la Nouvelle-Zélande
-
1859, Etat succinct et
précis de la Mission Catholique à la Nouvelle-Zélande et spécialement dans le
Diocèse d'Auckland
-
1859, Extraits
d'instructions morales et religieuses et de chants pieux composés en la langue
néo-zélandaise par Mgr Pompallier pour les Nouveaux Zélandais
de sa mission apostolique a traduits en français par le même prélat
-
1859, Prose et poésie
chrétienne en Néo-Zélandais avec la traduction française en regard
-
1868, Discours d'adieux
adressés le 12 février 1868, à Mgr Pompallier, évêque
d'Auckland... à l'occasion de son départ pour le Saint-Siège à Rome, et
quelques notions statistiques sur les travaux de sa grandeur en Océanie depuis
31 ans
- 1870,
Lettre pastorale sur l'autorité de
l'Église catholique de 1857, 1ère édition française, traduite de
l'anglais et du polynésien, esquisse biographique, introduction et notes
critiques, par M. l'abbé P. Huot
DOCUMENTS
- FAIVRE Jean Paul, 1953, L'expansion
française dans le Pacifique de 1800 à 1842, p.403
-
ESSERTEL
Yannick, 2008, L’évangélisation
en Nouvelle-Calédonie et en Nouvelle-Zélande. Etude comparative de deux phases
pionnières entre 1838 et 1853, in ANGLEVIEL Frédéric, LEVINE Stephen, (dir.), 2008, New Zealand – New Caledonia. Neighbours, Friends, Partners. La
Nouvelle-Zélande, et la Nouvelle Calédonie. Voisins, amis et partenaires,
pp.83-101
- GIRARD Charles, dir., 2008, Lettres
des missionnaires maristes en Océanie (1836-1854), p.720
- VALENTIN Dominique,
Monseigneur
Jean Baptiste François Pompallier, site
généalogique Racines en Seine
- Pionniers
maristes en Nouvelle-Zélande, 2008, site de la Société de Marie
- Histoire et Missions chrétiennes, 2011,
n°20, « Grands
hommes et petites îles » : acteurs et actrices de la christianisation
de l’Océanie (1580-1966)
- voir les notices
sur Suzanne AUBERT, Pierre
BATAILLON, Jean Claude COLIN, Pierre CHANEL Louis PERRET…
g.decourt