musée du diocèse de lyon

Entrée

société des

prêtres de saint-irénée

 

(…) La Société des Missionnaires des Chartreux. L'idée en revient au cardinal Fesch. Dès 1803, le nouvel archevêque saisit le besoin de raffermir la foi des fidèles, bien secouée par la Révolution, en usant du moyen traditionnel de la prédication. Une brève expérience dans la paroisse Saint-Bruno, où il plaça quelques prêtres, à la fois vicaires et prédicateurs, lui montra la nécessité de confier cette tâche à une institution particulière et stable, qu'il voyait comme maison de missionnaires et foyer d'études.

 

Manquaient les locaux, et un responsable. Pour les premiers, il avait en vue l'ancienne Chartreuse, dont les bâtiments, vendus naguère comme biens nationaux, étaient partagés entre plusieurs propriétaires. Sans tarder, il commença d'en préparer l'acquisition, qu'il put réaliser, sur ses deniers, entre 1810 et 1815.

 

Quand à l'homme, il le trouva à Bordeaux, en la personne de l'abbé Rauzan, qu'il installa dès 1807, en compagnie d'une dizaine de prêtres : les « Missionnaires de France », comme il les appela, usant de son autorité de Grand Aumônier de l'Empire. Il voyait large, et loin. Les missions se donnèrent tout de suite : à Lyon, Feurs, Bourg. Mais Napoléon ne supportait aucune institution qui put échapper à son contrôle : un décret du 26 décembre 1809 supprima toutes les congrégations et sociétés de prêtres, et donc les maisons de missionnaires. Rauzan partit pour Paris, où il devait, après 1815, restaurer la Société des Missionnaires de France, née à Lyon. Mais Fesch était têtu. Il garda comme vicaire à Saint-Bruno plusieurs des missionnaires, et réalisa son rêve immobilier aux Chartreux, c'est même là qu'il résida le plus souvent durant sa disgrâce, entre 1811 et 1814.

 

Si la chute de l'Empire entraîna l'exil définitif du cardinal à Rome, elle permit en revanche à son projet de prendre corps. Pour le faire aboutir, le fidèle Bochard, vicaire général, qui gouverna le diocèse jusqu'en 1824 selon l'esprit et les consignes de l'archevêque absent, ne rencontra plus d'obstacles. Le 11 juin 1816, il autorisa la formation de la Société de la Croix de Jésus, sur le modèle de la congrégation de Saint-Ambroise, fondée jadis à Milan par saint Charles Borromée. Très vite, M. Mioland en fut le supérieur. Autour de lui, MM. de La Croix d'Azolette, Furnton, Coindre, de Lupé, Chevallon, Barricand. Le 6 octobre 1816, ils purent s'installer solennellement « aux Chartreux », et inaugurer la vie d'une communauté non religieuse, certes, mais liée par la cohabitation, des prières en commun, une règle de vie personnelle, des travaux et un ministère semblables et souvent communs.

 

Tout en prêchant dans les églises de Lyon, ils commencèrent par assurer en novembre les prédications de rentrée dans les petits séminaires : Venières, l'Argentière, Alix. Puis ce fut leur première grande mission, à Saint Sauveur-en-Rue, du 7 décembre 1816 au 7 janvier 1817. Ils purent y rôder leur méthode : prédications sur la conduite morale du chrétien face aux grandes vérités de la Croix et du Salut, offices solennels, processions, cantiques, gestes collectifs spectaculaires, plantation de croix pour finir. Ils prirent en 1817 leur rythme d'activité ordinaire. Grâce aux Frères du Sacré Cœur, nous connaissons celui d'A. Coindre, qui dut ressembler à celui de ses confrères. En 1817 : 18 prêches, 1 station de carême, 4 retraites (de 4 à 8 jours), 1 mission de 4 semaines. En 1818 : 12 prêches, 4 retraites, 3 missions.

 

On ne demande qu'à ceux qui donnent. La Société fut rapidement sollicitée pour des tâches nouvelles. En 1819, elle se vit confier le petit séminaire de l'Argentière. Déjà, elle recevait des séminaristes venus faire auprès d'elle leur théologie (…). En 1832, ils allaient prendre en charge l'école de Saint Bruno, fondée en 1825 par l'abbé Pousset, et dont M. Hyvrier, prestigieux directeur, allait faire un collège renommé, dans l'esprit libéral de la maison, reçu des origines. Libéral, non certes dans le domaine doctrinal, mais dans la pensée d'une entente entre Eglise et société civile, entre intelligence et foi.

 

C'est en 1833 que les missionnaires prirent le nom de « Prêtres de Saint-Irénée ». La Société l'a conservé, à travers bien des changements de vie et d'activité, mais toujours dans l'amour de la liberté et de l'esprit.

 

 

Henri Hours

Eglise à Lyon, 1994, n°19