Louis Querbes
et la fondation des Clercs de Saint-Viateur
Rien ne
semblait prédisposer Louis Querbes à fonder quoi que ce fût. Né à Lyon, le 21
août 1793, au plus fort des combats du siège, il fut élevé par ses parents, de modestes
tailleurs, dans une atmosphère pieuse, fidèle au clergé réfractaire, qu'il
retrouva un peu plus tard au catéchisme de Saint-Nizier, enseigné par l'abbé
Ribier. A partir de 1805, sous la
direction de M. Besson, la paroisse devint un foyer ardent d'esprit ultramontain et contre-révolutionnaire.
Le jeune Louis y suivit les leçons de la manécanterie, ou école cléricale ; il
y acquit de solides bases primaires, que vint compléter renseignement d'un
professeur indépendant, Guy-Marie Deplace, connu par le rôle qu'il tint dans
les milieux intellectuels catholiques et royalistes. Celui-ci fut, pour
l'enfant puis le jeune homme, un maître affectueux qui le forma dans les
lettres classiques.
Vers l'âge
de quatorze ans, apparurent les prémices d'une vocation sacerdotale, et c'est
sans surprise qu'on le vit, en 1812, entrer au séminaire Saint-Irénée, où il acheva de
se former dans l'esprit de Saint-Sulpice ; une piété de l'union au Christ, dans
la mortification et le « mépris du
monde ».
Prêtre en
1816, il revint comme vicaire à Saint-Nizier, où l'avait demandé M.Besson. Outre les tâches paroissiales ordinaires, il reçut la
direction de l'école cléricale, et assura en même temps une abondante
prédication, dans laquelle il fut vite apprécié : sa parole, aisée, savait, de façon concrète et pratique,
rappeler les fidèles à leurs devoirs de chrétiens.
En 1822,
relativement jeune puisqu'il n'avait
que 29 ans, il fut nommé curé de Vourles . Cela le changeait complètement de milieu. Non seulement il quittait la ville pour la
campagne, mais
Vourles, trente ans
plus tôt, s'était distingué par un esprit public favorable à la Révolution. Le
christianisme des paroissiens parut tiède au nouveau pasteur, qui s'employa aussitôt à le réchauffer:
prédication, confessions, confréries, et même édition d'un manuel de cantiques. Et, naturellement, le catéchisme. Mais il ne pouvait suffire à tout. Si, pour s'occuper des
filles, il put
obtenir des sœurs de Saint-Charles, il ne trouva personne pour les garçons. Il
eût bien aimé avoir des Frères maristes, dont l'institut prenait alors
naissance, mais les sujets manquaient. Toute son expérience lui disait pourtant
que là était l'œuvre primordiale.
En cette
période de la Restauration, où l’enseignement primaire était encore laissé à l'initiative locale, les congrégations de
Frères, qui surgissaient en bien des endroits, n'avaient pas eu le temps de
prendre tout leur développement, et la situation laissait beaucoup à désirer. Il y avait alors à Vourles un jeune homme de bonne volonté qui
faisait office d'instituteur et qui accepta de s'occuper du catéchisme. Querbes le forma, et en profita
pour organiser des réunions pédagogiques pour ceux qui enseignaient dans les
mêmes conditions, tout à l'entour.
C'est alors
que naquit en lui l'idée de donner forme d'institution à ces réunions informelles, et de créer un corps
d'instituteurs paroissiaux. Il ne pensait pas à des Frères, mais à des laïcs, à la fois instituteurs, catéchistes, et servant les paroisses
comme chantres et sacristains. Ayant reçu une formation commune entretenue par
des journées périodiques de perfectionnement, ils pourraient, sous la direction des curés, constituer un
personnel précieux pour travailler à la réévangélisation.
Si le type
d'activité ainsi conçu était à l'époque assez courante, l’idée de former une association à la fois pieuse et professionnelle était
originale. Sans doute trop, même, car elle se heurtait à la fois aux réticences ecclésiastiques et aux
méfiances administratives devant les projets d'une société pas assez
congréganiste pour les uns, trop pour les autres. Querbes sut lever peu à peu les doutes et obtenir les autorisations de
l’une et l'autre autorité, en un temps finalement assez court, mais au prix
d'une modification de son projet initial. En 1833, les premiers sujets
assemblés à Vourles
depuis un an formèrent un institut composé tout ensemble de Frères religieux,
et de confrères laïcs, et dont la mission principale, l'enseignement de la
doctrine chrétienne, s'accompagnait du service de l'autel. Mais en moins de
quatre ans, la société
perdit ses confrères laïcs pour ne plus garder que des Frères. Ainsi, l’école normale d'abord envisagée
était-elle devenue au fil des ans la Congrégation des Clercs de Saint-Viateur
(sous le patronage d'un lecteur de Lyon, compagnon de l'évêque Saint Just),
appelée aux développements que l'on sait, notamment en Amérique du Nord.
Une fois de
plus, une grande création était née pour répondre d'abord à un besoin précis et concret.
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 1995, n°13
Pour aller
plus loin : R. Bonnafous, Louis
Querbes et les catéchistes de Saint-Viateur. Ed. Médiaspaul.