musée du diocèse de lyon

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Camille Rambaud

(1822-1902)

 

 

Le clergé du XIXe siècle abonde en figures inclassables, l'abbé Rambaud en est une. Raconter sa vie ne peut se faire en deux pages, rappelons seulement que ce jeune et riche fabricant de soieries abandonna l'opulence pour vivre pauvre au service des pauvres, et fonda la célèbre « Cité Rambaud » pour enfants, pour familles ouvrières, enfin pour vieillards.

 

Son originalité consiste en ce que ce prêtre de vocation tardive, ordonné à 39 ans, vécut son sacerdoce et son catholicisme social sous l'inspiration de la pensée libérale, dont Lyon était alors une citadelle.

 

Il était encore fabricant de soieries quand, en décembre 1848, il fit adopter par la Chambre de Commerce le projet d'une caisse de secours et de retraites pour les ouvriers en soie, financée par une taxe sur le conditionnement des soies et gérée par un bureau paritaire de fabricants et de tisseurs. Le gouvernement du Prince Président reprit l'affaire à son compte, mais dénatura la volonté de promotion ouvrière et de paix sociale qui l’animait.

 

Ayant accueilli des enfants au catéchisme, puis dans l'école qu'il fonda aux Brotteaux, il voulut à l'ébahissement général, les initier à l'intelligence des problèmes moraux et même métaphysiques. Il conçut pour eux une méthode très socratique de conversations et de questions simples destinées à faire mûrir et éclore les jeunes pensées.

 

Quand il logea des vieillards dans sa Cité, il les reçut, non comme dans un hospice, mais en ménages, en petits logements, leur demandant, tant qu'ils le pouvaient, de contribuer aux frais par un petit travail, pour ne pas en faire des assistés passifs.

 

Aumônier à l'Armée de Metz, pendant la guerre de 70, il la suivit volontairement en captivité et là, grâce aux secours qu'il obtenait de Lyon, il organisa des ateliers où les prisonniers fabriquaient des objets dont la vente ou l'usage adoucissait leur condition.

 

Partout, la même grande idée : aider l'homme à devenir plus homme, par lui-même, dans un esprit de liberté et donc de responsabilité. Cette idée, on la retrouve dans ses écrits. Un petit livre sur La Mère de famille en milieux populaires, pour l'aider à comprendre et tenir son rôle d'épouse et de maîtresse de maison. Une Economie sociale et politique où, plein de confiance dans le progrès scientifique et industriel, il s'efforçait de montrer la voie vers une pratique plus juste de la libre entreprise et du travail. Dans La Religion, il livrait sa foi dans la puissance de l'amour divin.

 


 

Rien d'étonnant à ce que, pensant à Lacordaire, il ait fait appel aux dominicains pour évangéliser les Brotteaux ; nous ne savons ce qu'il pensa de l'orientation donnée au couvent par le P. Danzas. La déconfiture du scientisme positiviste, à la fin du siècle, le trouva plein d'espoir : il adhéra à l'Union pour l'Action Morale, de Paul Desjardins. C'est même lui qui conduisit le jeune Edmond Gillet faire la connaissance du philosophe parisien. Parmi ses innombrables visiteurs, figuraient en effet les grands noms de la bourgeoisie catholique libérale de Lyon, dont certains furent ses amis intimes : E.Aynard, L.Guérin, J.Gillet, Renard ; également les pasteurs L.Monod et J.Aschiman, et l'agnostique F.Mangini.

 

Le succès remporté par Edouard Drumond et son livre fameux La France juive le révolta. En janvier 1889, il diffusa un tract de sa composition, où sa pensée se développait sur trois pages. Il dénonçait d'abord le caractère inacceptable des insultes déversées sur les personnes. Ensuite, il rappelait qu'un chrétien ne peut manquer de reconnaître le mystère dans lequel l'Eglise est liée à Israël. Dans le troisième point, il se montrait libéral conséquent en récupérant, de façon fort originale, l'accusation couramment lancée contre les juifs d'accumuler les capitaux : ils sont capitalistes ? oui, certes, et ils ont raison, les chrétiens devraient en faire autant, car c'est en cela qu'ils sont utiles à l'économie générale et profitent à tous les travailleurs. « La Banque» ne laisse pas ses capitaux inactifs : « prêtés de ci et de là, et jetés dans la circulation, ils vont, suscitant de partout le travail, et portant la vie jusque dans les derniers rangs de nos populations... » Logique avec lui-même, il fut dreyfusard, quelques années plus tard.

 

Personnage peu banal. « Allez donc voir l'abbé Rambaud », disait un jour le cardinal Foulon à un visiteur, «  il n'est en règle ni avec l'Académie, ni avec la Préfecture, ni même avec l'Archevêché, mais c'est un saint ».

 

Henri Hours

Eglise à Lyon, 1995, n°5