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Refuge Saint-Joseph d’Oullins

1835

Société des Frères de Saint-Joseph

1835

 

 

 

 

 

En 1833 l’institution judiciaire crée un quartier réservé aux mineurs au sein de la prison de Perrache à Lyon ; ce « pénitencier » est installé le 4 octobre 1834. Dans le même temps des membres de la bourgeoisie sociale lyonnaise, des responsables politiques et judiciaires, des aumôniers catholiques de prison constatent l’échec des peines de prison pour « redresser » les mineurs délinquants. L’idée leur vient de créer des structures pour la prévention de la délinquance et pour la réinsertion sociale des jeunes délinquants ; ils créent la Société de patronage des jeunes libérés du Rhône :

 

Article premier. - La Société se propose de préserver des dangers de récidive, de maintenir dans les sentiments religieux et dans les habitudes d’une vie honnête et laborieuse les jeunes libérés de la maison pénitentiaire des jeunes détenus du département du Rhône.

Art.2 -Dans ce but, elle s’occupe du placement des enfants libérés, soit comme apprentis, soit comme ouvriers, et les met sous le patronage des membres de la Société ; elle encourage la bonne conduite par tous les moyens qu’elle juge convenables.

 

Ils font appel à l’abbé Valois, aumônier de la prison Saint-Joseph de Lyon et professeur de théologie aux Chartreux, qui s’est entouré de jeunes, appelés Frères des prisons, dans l’accompagnement des détenus. Avec lui ils fondent la Société charitable de Saint-Joseph.

 

Statuts de la Société charitable de Saint-Joseph

 

La Société de Saint-Joseph est une association de bienfaisance, qui a pour but :

1° De recueillir et placer dans des maisons de refuge les jeunes garçons vicieux, vagabonds et corrompus qui lui seraient confiés par l'autorité paternelle en vertu de contrats librement consentis, soit par les pères et mères ou tuteurs, soit par l'autorité administrative ou judiciaire, dans les cas d'absence de parents ou tuteurs.

2° De leur faire donner gratuitement, dans ces maisons de refuge, une éducation chrétienne et l'instruction primaire ; de leur faire enseigner les professions industrielles ou l'agriculture, suivant les inclinations et les facultés physiques ou intellectuelles de chacun d'eux.

Bien qu'en principe l'admission des enfants doive être essentiellement gratuite, cependant, si la position de fortune de quelques parents leur permet de contribuer en tout ou partie aux frais de l'entretien de leur enfant, le Conseil peut traiter avec eux pour le prix d'une indemnité proportionnée à leurs moyens pécuniaires.

3° De placer dans des maisons spéciales, dites colonies ou pénitenciers agricoles, les jeunes condamnés des pénitenciers qui lui seraient confiés par l'autorité administrative ou judiciaire, aux conditions qui seront débattues et arrêtées avec elles.

4) De pourvoir à l'entretien et à l'éducation préparatoire des surveillants-instructeurs destinés, soit à la surveillance et à renseignement des enfants recueillis dans les maisons de refuge et les colonies agricoles, soit aux services des pénitenciers, prisons et maisons centrales ou de détention et tous autres établissements publics où ils pourraient être appelés.

 

(VIDALOT, p.141sq)

 

Les abbés REY, Valois et Salignat, aumônier de la prison de Perrache, fondent alors la Société des Frères de Saint-Joseph composés de quelques prêtres et de laïcs chargés de l’encadrement et de la formation des jeunes.

 

En 1835 l’archevêché nomme l’abbé Joseph REY supérieur des Frères des prisons intégrés à cette société. Depuis 1834, lors de la révolte des Canuts, l’abbé Joseph REY, aumônier des sœurs de Jésus-Marie qui tenaient une providence pour jeunes filles à Fourvière, cherchait à fonder une providence pour garçons.

 

La Société charitable de Saint-Joseph que préside Joseph REY achète une propriété à Oullins, chemin des Fours à Chaux (actuelle rue Pierre Sémard), pour y installer le Refuge Saint-Joseph, dont il assume la direction. En 1844, il fondera la Congrégation des petites Sœurs de Saint-Joseph, consacrée à des œuvres de Miséricorde.

 

Le Refuge Saint-Joseph accueille des garçons de 8 à 20 ans (8 ans étant l’âge légal pour travailler, 21 celui de la majorité) envoyés là par leurs familles et bientôt par des autorités judiciaires.

 

Progressivement quatre structures sont mises en place :

-      une Providence pour les jeunes garçons abandonnés,

-      une Maison de correction pour les jeunes garçons vagabonds,

-      une Maison pénitentiaire pour les jeunes garçons condamnés et ceux dont les parents sont emprisonnés,

-      un Noviciat pour les Frères.

 

L’abbé REY et les Frères fonderont par la suite d’autres colonies comme à Cîteaux dans l’ancien monastère en 1846, où ira l’abbé REY, ou à Saint-Genest-Lerpt près de Saint-Etienne en 1866, et sont présents dans plusieurs autres colonies.

 

Au lendemain de la Révolution du 27 févier 1848, avec la révolte des « Voraces » à la Croix-Rousse, des émeutiers voulant détruire les métiers des ateliers gérés par les sociétés religieuses ou laïques s’en prennent au Refuge Saint-Joseph. La commune d’Oullins est condamnée à indemniser l’abbé REY, propriétaire des lieux, en vertu de la loi qui stipule que les villes d’origine des émeutiers sont tenues de rembourser les dégâts.

 

En 1849 le Refuge devient colonie pénitentiaire et agricole par convention passée avec l’Etat.

 

Le décret du 6 mai 1853 donne au Refuge le statut de colonie pénitentiaire agricole et ouvrière, d’utilité publique, établi par la loi Corne de 1850, pour mineurs délinquants, orphelins et vagabonds, et la Société des Frères de Saint-Joseph est reconnue comme congrégation enseignante séculière laïque d’homme. Ses statuts sont approuvés préalablement par le cardinal DE BONALD et le Préfet du Rhône.

 

Statuts de la Société religieuse de Saint-Joseph, établie à Oullins (Rhône) statuts

 

Article premier -La Société de St-Joseph se voue à l’Instruction primaire des Enfants pauvres, orphelins ou abandonnés ; elle se consacre, en outre, à l’éducation correctionnelle des jeunes détenus et à celle des Enfants indisciplinés qui lui sont remis par les familles.

Elle enseigne aux uns et aux autres la Religion, la Lecture, l’Ecriture, le Calcul et les moyens de vivre honorablement dans l’exercice d’une profession manuelle, principalement celle de l’Agriculture.

Art.2 – La Société St-Joseph est composée d’ecclésiastiques et de laïques.

 

(VIDALOT, p.145sq)

 

 

En 1867 il y a 177 garçons, et 265 en 1881, encadrés par 37 frères.

 

En plus de l’instruction scolaire, les jeunes apprennent un métier en vue de leur réinsertion sociale. Le produit de la vente de leurs travaux sert au fonctionnement de la colonie. Apports privés et subventions publiques se conjuguent.

 

En 1874 le Père REY décède à Cîteaux. Commenceront alors à se faire jour des difficultés internes au sein des directions des établissements et de la congrégation des frères.

 

En 1883, la Compagnie de chemins de fer PLM obtient pour cause d’utilité publique l’expulsion de la colonie d’Oullins. L’année suivante la colonie s’installe dans son annexe de Brignais, au lieu-dit Sacuny.

 

En 1887 l’établissement de Sacuny devient école professionnelle.

 

La colonie doit d’une part subir l’effet des lois de Jules Ferry et Goblet : l’instruction scolaire est laïcisée et les subventions aux organismes religieux disparaissent, d’autre part faire face à des dénonciations pour abus de pouvoir envers les jeunes qui parviennent au Gouvernement en 1888.

 

En 1888, l’Etat abroge le décret d’utilité publique de 1853 ; l’établissement est fermé ; les jeunes sont transférés dans d’autres colonies publiques ; la Société des Frères Saint-Joseph est supprimée.

 

En 1890 est constituée la Société Lyonnaise pour le Sauvetage de l’Enfance qui prend le relais et rachète en 1894 l’établissement de Sacuny. En 1899 la maison de Saint-Genest-Lerpt doit elle aussi fermer.

 

Les tensions entre cléricaux et anticléricaux trouvèrent là un lieu de cristallisation. Le retour à la paix sociale fit qu’« un silence de plomb, confortable pour tous, s’abattit sur l’affaire et l’œuvre du père Rey tomba dans l’oubli » (Baratay, 1998, p.321)

 

En 1987 les restes du Refuge d’Oullins sont détruits. La maison de Sacuny demeure.

 

 

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

 

-      Société de patronage pour les jeunes libérés du Rhône. Assemblée générale du 29 avril 1838

 

-      DUBUISSON Jane, 1839, Refuge Saint-Joseph à Oullins, Revue du Lyonnais

 

-      MAS Gabriel, 2007, Le cardinal de Bonald et la question du travail (1840-1870)

 

-      VIDALOT Sophie, La nécessité de sauver l’enfance en danger : l’exemple de la colonie pénitentiaire et agricole d’Oullins et de Brignais (1835-1888). Punir, sauver et éduquer : un modèle de réinsertion, 2015, Université Jean Moulin Lyon

 

-      BARATAY Eric, 1996, Le père Joseph Rey, serviteur de l'enfance défavorisée: une expérience d’insertion au XIXè siècle

 

-      BARATAY Eric, 1998, Affaire de mœurs, conflits de pouvoir et anticléricalisme : la fin de la congrégation des frères de Saint-Joseph en 1888, Revue d'histoire de l'Église de France, 213 pp.299-322

 

-      BARATAY Eric, 2005, Pour une relecture de la correction des enfants au XIXè siècle : l’exemple de l’institution du père Rey, in DELPAL B., FAURE O. (dir.), 2005, Religions et enfermement XVIIè-XXè siècles, pp.33-53

 

-      VILLAIN Nina, Reconnaissance de la colonie pénitentiaire agricole de Oullins comme établissement d’utilité publique, 6 mai 1853, ENS Lyon

 

-      Ville d’Oullins, La colonie pénitentiaire agricole d’Oullins, ou « Refuge Saint-Joseph »

 

-      Archives Départementales du Rhône,  SÉRIE Y Prisons et prisonniers dans le Rhône (an VIII-1940)

 

 

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