Mère Elisabeth de l’Eucharistie
Elise Rivet
(1890-1945)
Née à Draria, près d'Alger, le
20 janvier 1890, venue en
Métropole à l'âge de 19 ans, elle entra en 1913 comme postulante à Notre-Dame de la
Compassion, petite
congrégation lyonnaise fondée en 1825 pour s'occuper
de jeunes filles en difficulté et aujourd'hui unie aux Augustines de Paris.
Professe en 1915, maîtresse des novices en 1930, elle fut élue supérieure le 20
mars 1933. Elle fut
pleinement la Mère : attentive, aimante, ferme et vigilante. Le peu de textes qu'on a d'elle laisse entrevoir une
spiritualité de l'union du
Christ en croix, dans
l'oblation rédemptrice de la souffrance, et dans la charité agissante. « La souffrance dans le cœur, le sourire sur les lèvres », telle était sa devise.
Elle eut tout de suite en charge la grande affaire des
fouilles de Fourvière, qu'Edouard Herriot fit entreprendre dans le terrain
voisin en 1933. Allait-on retrouver l'amphithéâtre des Martyrs ? Des
religieuses se mirent à fouiller, elles aussi, le jardin du couvent : on ne
trouva que les théâtres. La déception rendit sans doute plus aisée la cession
des lieux à la Ville, pour
étendre le chantier. Mère Elisabeth sut défendre avec une courtoise fermeté les intérêts de sa
maison, face au président-maire bien disposé et à une administration
plus pointilleuse. La plus grande partie du couvent se transféra à l'actuelle rue
Joliot-Curie en 1937 ; le reste suivit, mais à Brignais, en 1943.
Pendant l'Occupation, elle fut amenée à rendre à la Résistance un
certain nombre de services : fourniture de renseignements, asile donné à des réfractaires au S.T.O. et à des Juifs. Pour sauver des résistants
menacés de perquisition, elle cacha
même un important dépôt d'armes. C'est alors qu'elle fut dénoncée et arrêtée, le 25 mars 1944, avec son assistante. Internée à Montluc, puis en divers camps, elle parvint à Ravensbrück en août 1944.
En captivité, elle continua d'être la « Mère ». C'est l'image et le souvenir qu'ont gardés d'elle ses compagnes, à qui elle
apportait secours et réconfort, trouvant le moyen de se priver de pain pour le donner à de
plus jeunes et à de plus faibles; soutenant les courages d'un sourire, d'un mot, d'une présence sereine et forte ; réunissant autour d'elle, le dimanche notamment, celles qui désiraient prier. Chaque fois qu'elle le pouvait, elle allait retrouver les occupantes du
sinistre block 25, malades et vouées à la mort plus encore que les autres.
Sa force d'âme apparut davantage encore pendant les
derniers mois, qui furent aussi les plus meurtriers : froid, faiblesse et faim
accrues, marches et contremarches ; sans parler de l'extermination méthodique
qui s'amplifiait. Une ancienne détenue se souvient qu'au milieu du mois de
mars, la première image qui la frappa au retour d'un transfert, dans le block
où elle pénétra, fut celle de Mère Elisabeth. Les détenues, écrasées par l'excès de souffrance et d'épuisement, gisaient
inertes. Elle, debout, sereine et souriante, restait attentive à chacune. Elle était pourtant de faible santé,
mais sa force venait d'ailleurs.
Le 26 mars, un convoi fut formé pour rejoindre le camp
annexe d'où l'on passait à la chambre à gaz. Devant les pleurs et les cris des
condamnées, le sous-officier SS menaçait d'en désigner encore davantage. Pour calmer les malheureuses afin d'éviter
cette extrémité, Mère Elisabeth se joignit à elles, en prenant la place et le numéro d'une mère de famille qui
put se sauver. Les jours suivants,
elle confirma son sacrifice, toujours sereine, réconfortant des compagnes plus
jeunes. Enfin, le 30 mars, au soir du Vendredi Saint, elle disparut avec les autres dans la chambre
à gaz et le
crématoire de Ravensbrück.
Chaque année, le 30 mars, une messe est dite pour elle dans l'église de
Fürstenberg, proche de Ravensbrück, où son souvenir est vénéré. Le Cardinal Decourtray, le 6 février 1991, a ouvert l'enquête canonique
destinée à recueillir
tous les témoignages qui pourront permettre d'introduire sa cause de
béatification.
Henri HOURS
Eglise à Lyon, 1993, n°19