musée du diocèse de lyon

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Marie-Louise Rochebillard

pionnière du catholicisme social féminin

 

 

 

Née le 4 juin 1860, dans une famille de la bourgeoisie, Marie-Louise Rochebillard fut, dès l'âge de seize ans, « contrainte de travailler pour vivre », selon la formule alors consacrée. Employée de commerce, elle connut la dure vie qui pesait sur les femmes, plus que sur les hommes : horaires pénibles, emplois précaires, salaires insuffisants. Réfléchissant sur sa rude découverte, elle voyait les efforts tentés par les catholiques sociaux, mais qui ne s'adressaient qu'aux hommes. En 1891, l'encyclique Rerum novarum la convainquit que rien n'interdisait d'en faire autant pour les femmes. Elle se décida en 1899 : avec quelques amies, elles aussi salariées, après avoir pris conseil, notamment auprès de la Corporation des employés de la soierie lyonnaise, syndicat ouvrier chrétien fondé en 1886, elle créa les deux premiers syndicats féminins : le Syndicat des dames employées de commerce, dont elle prit la présidence, et le Syndicat des ouvrières de l'aiguille lyonnaise. Peu après, suivit le Syndicat des ouvrières de la soie.

 

Elle avait pensé à tout. Les statuts assuraient aux fondatrices le contrôle et la direction du conseil d'administration, et l'article 2, dans les buts, énonçait la création de cours professionnels, de bureaux de placements, d'institutions de prévoyance et d'entraide. Une cotisation minime était demandée : 2 f 60 par an, soit 0,05 par semaine (« Le sou par semaine » ! Marie-Louise Rochebillard avait sûrement entendu raconter les débuts de la Propagation de la Foi…). Il ne s'agissait pas seulement de défendre les intérêts des salariés, mais d'une œuvre de relèvement matériel et moral des femmes du peuple, entreprise par des femmes.

 

Quittant son emploi, elle se consacra à sa nouvelle tâche, et les résultats ne tardèrent pas. En 1900, furent créés les cours professionnels : une centaine de professeurs bénévoles, hommes et femmes, syndicalistes ou dames de la bourgeoisie, offraient une variété impressionnante de cours : écriture, grammaire, calcul, comptabilité, sténographie, coupe, couture, dessin, anglais, allemand, et même solfège, mandoline et jusqu'à « histoire avec projections »... Le nombre des élèves atteignit rapidement plusieurs centaines.

 

En même temps furent lancés des cours ménagers, enseignant tout ce dont une femme pouvait avoir besoin pour tenir son intérieur, de la lessive à la cuisine, en passant par l'hygiène du nourrisson et les soins d'urgence. Une section d'apprenties se créa, accompagnée d'un bureau de placement, et une société de secours mutuels apporta aux adhérentes les classiques services d'entraide. Dès 1901, tout cela fonctionnait, tandis qu'un mensuel, Le Travail de la femme et de la jeune fille diffusait informations, articles de fond, conseils, etc. Une bibliothèque de formation générale et de formation sociale commença de se constituer. Les intentions annoncées lors de la création étaient déjà en grande partie réalisées. On imagine la masse de travail fournie par la fondatrice qui, outre la présidence du premier syndicat, assurait le secrétariat des diverses œuvres. Mais cela ne lui suffisait pas : le relèvement social des femmes impliquait, pour elle, leur organisation en force d'opinion. De même que les dames de la bourgeoisie, en 1902, s'organisaient dans la Ligue des Femmes françaises, elle créa, en 1903, l'Association des anciennes élèves de l'enseignement libre, capable de mobiliser, pour la même cause de la Défense religieuse, des auditoires de 3 à 4000 femmes.

 

Elle fut bien accueillie. On l'invita à prendre la parole : en 1901 à Lyon, au congrès de la C.G.T., à Paris à celui de la Société d'Economie Sociale ; en 1904, à la Société d'Economie Politique de Lyon. On l'entendit à Aix, Marseille, Reims, et naturellement dans la région. La Semaine religieuse du diocèse informait sur la vie de ses œuvres.

 

A partir de 1910, elle ne garda que la direction des cours professionnels et, après la guerre, elle se replia sur celle d'une maison d'accueil pour jeunes filles, à la Ferrandière. C'est là qu'elle mourut, le 30 janvier 1936, après avoir, par cette vie donnée, lancé une impulsion décisive au syndicalisme chrétien et au catholicisme social féminin, certains disent : féministe.

 

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 2002, n°14