musée du diocèse de lyon

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donation de l’église de Marolles

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Charte que fit le comte Artaud à saint Pierre au sujet de l’église Saint-Pierre dans le village de Marolles

 

 

Tandis que l’on vit un pénible voyage en ce monde dans l’attente du temps favorable et du jour du salut qui semblent imminents, on doit penser à l’avenir avec le plus grand soin, en cherchant à réaliser de bonnes actions sans aucun délai ; nous ne tardons donc pas à les mettre en œuvre, faisant de ceux que nous avons appris à connaître en profondeur nos obligés, car nous savons qu’ils veillent au salut des corps en ce monde, et nous ne doutons pas qu’ils sont les juges des âmes. En effet, comme après la mort nous ne pourrons plus accomplir le bien, nous croyons qu’il vaut la peine qu’avant que nous parvenions à l’examen strict et exhaustif mené par le Juge secret nous ne cessions pas d’effacer les fautes commises par nous, à force de repentance, dans la brièveté de ce temps, de toutes les manières que nous pouvons.

 

Donc moi Artaud comte, je me souviens de l’énormité de mes péchés et j’entends le tonnerre de la doctrine évangélique qui gronde : « Faites l’aumône et tout sera pur pour vous ».

 

C’est pourquoi je donne à Dieu et à ses saints apôtres Pierre et Paul, et au saint lieu de Cluny, que préside le révérend père seigneur Odilon, quelques-uns de mes biens situés dans le pays Lyonnais et dans le pays Roannais : c’est une église dédiée à saint Pierre, située dans le village de Marolles, avec toutes ses dépendances, à savoir avec le revenu d’un prêtre, la dîme et tout ce qui semble revenir et être rattaché à cette église, dans cette concession, pour qu’aussi longtemps que moi Artaud je vivrais je la garde en ma possession et que par la suite après mon départ cette église revienne à ce saint lieu. Et pour cette concession, toutes les années je paierai 5 solidus à la fête de saint Pierre, au 3ème des calendes de juillet.

 

Et si quelqu’un voulait aller en justice contester cette donation, s’il ne va pas rapidement se corriger, qu’il soit soumis à toutes les malédictions qu’on trouve inscrites dans les livres divins, qu’il partage le sort de Judas le traitre au Seigneur et de ceux qui disent au Seigneur Dieu : « Eloigne-toi de nous, nous ne voulons pas connaître tes voies », et qu’il soit contraint par la puissance judiciaire à payer vingt livres d’or.

 

Et que cette donation, que je fais pour mon âme et pour l’âme de mon père et de ma mère, et pour l’âme de mon épouse, afin que le Seigneur juste et doux daigne se montrer à nous au jour du Jugement, demeure ferme et stable, avec la stipulation jointe.

 

Acté à Cluny.

 

Sceau de Artaud comte, qui a demandé que soit faite et confirmée cette donation.

 

Donnés de la main de Ponce lévite, au mois d’avril, la deuxième année du règne du roi Rodolphe.

 

 

 

 

 

 

NOTES

 

 

Les phrases du §1 qui précèdent le contenu de la donation se retrouvent dans plusieurs chartes de donation. Leur traduction est incertaine.

 

occulto Judici : traduit ici par Juge secret en référence à Jean ch.5, v.22 : « Le Père lui-même ne juge personne, mais il a donné au Fils le jugement tout entier » (voir le commentaire d’AUGUSTIN, Traités sur l’Evangile de saint Jean, n°21)

 

Marogliacum : Marolles, Mareuil ou Maroilles, est le nom primitif du village appelé par la suite Saint-Romain La Motte, qui recèle des vestiges romains.

 

presbyteratum : source de revenu d’un prêtre

 

faisant de ceux que nous avons appris à connaître en profondeur nos obligés :

il semble que ce soit une allusion aux apôtres Pierre et Paul, dont les reliques, arrivées dans l’abbaye de Cluny en 980, sont déposées au centre d’un espace réservé aux dépouilles des bienfaiteurs de l’abbaye (voir IOGNA-PRAT citant précisément cette charte de donation : « les laïcs demandant à être inhumés à Cluny recherchent donc la compagnie des princes des apôtres, dans l’espoir d’en faire, par leurs dons, des obligés, bons avoués le jour du Jugement »).

 

tenore : traduit ici concession (voir définition de tenure dans CNRTL)

 

vestitura : traduit ici concession (voir l’équivalence des significations de termes « investiture », « vêture », « saisine » et « tenure » dans CHAMPEAUX)

 

subnixa stipulatione : traduit ici stipulation jointe, formule juridique qui indiquerait initialement les sceaux attachés à la charte (voir PARDESSUS)

 

 

 

 

 

TEXTE LATIN

 

 

-      BERNARD Auguste (éd.), 1876-1903, Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, charte n°2292

 

-      Cartae Cluniacenses Electronicae, charte n°2292

 

-      TELMA, Traitement électronique des manuscrits et des archives, Chartae Galliae, acte n°257602

 

 

 

DOCUMENTS

 

 

-      PARDESSUS Jean Marie, 1841, De la formule Cum stipulatione subnexa, qui se trouve dans un grand nombre de chartes, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 2/2, pp. 425-436

 

-      THIOLLIER Félix, 1889, Le Forez pittoresque & monumental, pp.237sq

 

-      CHAPEAUX Ernest, 1898, Essai sur le "vestitura" ou saisine et l'introduction des actions possessoires dans l'ancien droit français

 

-      IOGNA-PRAT Dominique, 1996, Des morts très spéciaux aux morts ordinaires : la pastorale funéraire clunisienne (XIe-XIIe s.), Médiévales, 15/31, pp.79-91, note n°12