musée du diocèse de lyon

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La première « Semaine religieuse de Lyon »

et son fondateur

 

Le 12 décembre 1862, paraissait le numéro un de la Semaine religieuse de Lyon et de la province, numéro d'essai, sans doute bien accueilli, puisqu'à partir du numéro deux, le 10 janvier suivant, la publication prit son rythme hebdomadaire régulier. Chaque livraison s'ouvrait sur une présentation de la semaine liturgique et par des informations sur les nominations et mouvements dans le clergé diocésain ; puis, des nouvelles sur la vie du diocèse et de l'Eglise. Des articles de fond occupaient une large place : archéologie chrétienne, constructions et restaurations d'églises, hagiographie, conférences de carême à la primatiale. La lecture s'achevait sur des comptes-rendus de livres récents.

 

Une telle publication comblait une lacune, c'était d'ailleurs l'époque où il en naissait de semblables dans plusieurs diocèses, et tout eût été pour le mieux, si le directeur et principal rédacteur de la revue avait inspiré pleine confiance. Certes, l'ensemble avait de la tenue, de l'intelligence, mais manquait par trop d'esprit critique - on n'était pourtant point trop regardant à ce sujet dans les milieux catholiques du moment -, et une exaltation inquiétante perçait par endroits.

 

C'était en effet un curieux personnage qu'Adrien Péladan. Né au Vigan, dans le Gard, le 8 septembre 1815, il vivait depuis toujours dans le journalisme et les lettres, qu'il avait pratiqués à Rome, à Nîmes, à Paris. Ardemment légitimiste, il avait fondé à Nîmes, en 1848, L’Etoile du Midi, que le coup d'Etat du 2 décembre avait éteinte, mais il était en froid avec les représentants à Lyon du comte de Chambord, qui ne partageaient pas sa doctrine du « Droit national » : conciliation entre la monarchie légitime et la souveraineté populaire. Fougueux ultramontain, il s'était brouillé avec Louis Veuillot - ce ne devait pas être difficile - et se trouvait donc repoussé par le tout-puissant Univers. Installé à Lyon en 1856, il avait fondé un mensuel, La France littéraire, voué à la décentralisation intellectuelle, où il parvint à réunir pratiquement tout ce qui comptait à Lyon, à ce moment, dans les lettres et l'érudition. Mais, dès les premiers fascicules de La Semaine religieuse, il se lança dans une longue étude destinée à prouver que Saint Paul, se rendant en Espagne, était passé par Lyon, y avait implanté l'Eglise, bien avant Saint Pothin - qui y était quand même venu en ... 98 ! -, et avait même fondé l'abbaye de Saint-Pierre, dédiée à l'apôtre de son vivant ! Le tout dans un mélange de légendes, d'erreurs, de confusions présentées comme autant de preuves. L'historien et archéologue André Steyert voulut remettre les choses au point dans la Revue du Lyonnais. Péladan répliqua verte­ment au « bravache », au « paléographe-dessinateur » qui osait le contre­dire. La discussion dura toute une année sur ce ton, Steyert conservant pour une fois son sang froid et sa mesure.


 

N'eût été qu'un légitimisme ultramontain de bon aloi, le Cardinal de Bonald n'eût sans doute pas été gêné. Il l'était sûrement davantage de ce qu'un homme aussi peu sûr détînt aux yeux du public l'information religieuse du diocèse. Il y avait bien, depuis 1864, L'Echo de Fourvière, mais ce n'était qu'un concurrent, sans rien d'officiel. Voilà sans doute pourquoi, le 30 novembre 1867, sortit chez Josserand, librairie 3 place Bellecour (prédécesseur d'E.Vitte), La Semaine catholique de Lyon « avec l'approbation de l'autorité ecclésiastique ». Les rubriques étaient à peu près les mêmes que dans la Semaine religieuse, mais plus offi­cielles : les lettres pastorales de l'archevêque y étaient chez elles, et les articles de fond portaient davantage sur la doctrine et la vie spirituelle. L'archevêché avait désormais sa revue qui, sous des titres divers, a traversé le temps.

 

Adrien Péladan ne resta pas à Lyon. Il le quitta après 1870 pour aller lancer à Lille La vraie France, qui ne dura pas. Puis il se retira à Nîmes, où il fonda un organe au titre claironnant, L'Extrême Droite. Tout en le dirigeant, il lança, en bravant la réprobation de l'évêque, Mgr Besson, la dévotion à l'épaule gauche du Christ blessée par le portement de croix...

 

Il passa ses dernières années à chercher comment prouver scientifiquement la vérité du christianisme, un christianisme tout illuminé de prophéties, d'apparitions et de merveilleux. Il mourut pieusement, à Nîmes, le 7 avril 1890.

 

Henri Hours

Eglise à Lyon, 1992, n°13